Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center. (Photo: Maison Moderne)

Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center. (Photo: Maison Moderne)

En 2013, Christianne Wickler, la patronne du groupe Pall Center, s’engageait avec les Verts dans la campagne législative. L’entrepreneuse affirmait de cette manière sa volonté de mettre l’économie au service de l’écologie

C’est en 2013, à la demande de Camille Gira, bourgmestre de Beckerich, que je me suis lancée dans la campagne électorale pour les législatives avec Déi Gréng. Il s’agissait pour moi d’un réel coming out, dans la mesure où j’ai toujours été écologiste. Ces valeurs sont inscrites dans ma famille depuis plusieurs générations.

Ma grand-mère a ­toujours cuisiné bio et m’a fait comprendre que si l’on voulait bien travailler, il fallait commencer par bien manger. J’ai toujours appris qu’on pouvait trouver de l’énergie partout et qu’il fallait pouvoir l’exploiter, là où elle se trouvait, sans la gaspiller. J’ai développé mon entreprise au sein d’une commune particulièrement écologiste, avec la conviction que l’on ne pouvait pas dissocier écologie d’économie.

Beaucoup ont été surpris de mon engagement politique. Certains n’ont pas compris qu’une entrepreneuse qui vend du carburant, à la tête d’un commerce qui traite avec les plus grandes marques mondiales, s’engage avec les écologistes. Je pense cependant que ce n’est pas incompatible, bien au contraire. Il faut pouvoir distinguer les moyens de la fin. Nous avons une opportunité immense, ici, à proximité de la frontière, de développer des entreprises commerciales comme la mienne. Quand, en 1982, j’ai eu l’opportunité d’avoir enfin mon propre commerce, je n’ai pas hésité.

l’important n’est pas tant ce que je vends, mais plutôt ce que je fais avec la valeur que je parviens à créer.
Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center

Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center

À mes yeux, l’important n’est pas tant ce que je vends, mais plutôt ce que je fais avec la valeur que je parviens à créer. Or, les moyens générés par mon commerce sont investis dans les gens qui travaillent avec moi, dans des projets de réduction de la consommation de l’énergie de nos infrastructures et de limitation de la production des déchets, mais aussi dans beaucoup d’autres démarches à visée écologique.

En outre, je ne pense pas qu’il faille être hypocrite. En zone rurale, les gens ne vont pas abandonner leur voiture du jour au lendemain. Il y a une transition à accompagner. Et nous cherchons, chaque jour, à travers les décisions que nous prenons, à y contribuer.

Au début, Camille Gira et moi nous sommes pris la tête. Puis, nous avons décidé de faire cause commune, nous retrouvant autour de valeurs que nous partagions, même si la manière ­d’atteindre nos objectifs pouvait différer. En tant qu’élue, j’ai rapidement jeté l’éponge et abandonné la politique. Le temps de la décision, à ce niveau, ne me correspondait pas. J’ai besoin de plus d’action, de voir bouger les choses. Mon engagement avec les Verts a toutefois permis de clarifier ma position et ma démarche vis-à-vis de très nombreux acteurs. Aujourd’hui, il est plus facile pour moi de défendre mes valeurs.

Les bonus que je peux aujourd’hui négocier avec eux, par exemple, doivent me permettre d’offrir une meilleure place à des producteurs et à des artisans locaux au cœur de nos étals.
Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center

Christianne Wickler, patronne du groupe Pall Center

Bien sûr, je continue à travailler avec Total ou encore Coca-Cola. Mais dans les rapports que j’entretiens avec ces firmes, je ne me laisse pas marcher sur les pieds ou influencer. Les bonus que je peux aujourd’hui négocier avec eux, par exemple, doivent me permettre d’offrir une meilleure place à des producteurs et à des artisans locaux au cœur de nos étals, de faire évoluer l’offre de produits avec un souci permanent de ­qualité. Récemment, nous avons fait le choix de ne proposer qu’une marque de banane, bio et issue du commerce équitable.

Cette sélection, en n’optant que pour un fournisseur, nous ­permet de profiter d’un meilleur prix que si nous en avions deux ou trois, et de proposer un produit de qualité, respectueux des gens et de la planète. Nous appliquons cette démarche en permanence, dans tous nos choix, en utilisant l’économie comme un moyen mis au service d’une finalité écologique.»