Trois modules en bois préfabriqués installés en trois jours: les bureaux réalisés par Blumer Lehmann pour le compte de FAT Architects à Moutfort illustrent combien une construction bois peut être simple et efficace.  (Photo: Luxinnovation)

Trois modules en bois préfabriqués installés en trois jours: les bureaux réalisés par Blumer Lehmann pour le compte de FAT Architects à Moutfort illustrent combien une construction bois peut être simple et efficace.  (Photo: Luxinnovation)

Matériau ancestral par excellence, le bois est aujourd’hui l’objet d’incessantes initiatives innovantes, notamment dans le domaine de la construction. Le lien idéal entre tradition et modernité. Tour d’horizon.

Il y avait, sur Terre, des arbres avant même qu’il y ait des êtres vivants. Au moins deux jours avant si l’on se réfère à la Genèse de la Bible; plus sûrement quelques centaines de millions d’années si on mesure l’intervalle entre l’Archaeopteris, le premier arbre «connu» (il y a environ 370 millions d’années), et le Sahelanthropus Tchadensis, l’hominidé le plus ancien identifié datant de quelque 7 millions d’années.

L’Humanité a donc toujours connu le bois comme matériau omniprésent dans son milieu naturel et, en dépit des (r) évolutions technologiques et numériques, le bois reste encore aujourd’hui un pilier important dans bon nombre de domaines, à commencer par celui de la construction.

Le terrain de jeu est infini en matière de développement et d’innovation. Les projets, autant que les réalisations déjà concrètes, se succèdent, avec une dimension écologique et durable imbattable: les forêts stockent dans le bois le carbone prélevé dans le CO2 de l’atmosphère et certaines utilisations du bois, notamment dans le domaine de la construction, permettent de fixer le CO2 à long terme. Sans compter que par rapport à d’autres matériaux, la production des matériaux en bois nécessite beaucoup moins d’énergie et que son utilisation en tant que source énergétique permet de diminuer le recours aux énergies fossiles.

Projets européens

Dans les forêts luxembourgeoises, sont stockées 72 millions de tonnes de CO2 (d’après l’Inventaire Forestier National qui date de 2014), ce qui équivaut à entre cinq et sept années d’émissions de CO2 par l’ensemble de l’activité économique et sociale du pays.

Le mouvement s’est évidemment accéléré avec l’émergence des principes d’économie circulaire. La construction, notamment, se veut désormais toujours plus durable et écoresponsable. Les projets de recherche ne manquent pas sur le sujet, comme celui présenté fin janvier au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST): NWE Adhesive Free Timber Buildings (AFTB). Un programme européen sous le label Interreg, destiné à trouver des alternatives à l’utilisation nocive d’adhésifs toxiques dans la fabrication de produits en bois d’ingénierie. Le LIST fait partie des six institutions internationales impliquées dans ce projet, piloté par l’Université de Liverpool.

Des connecteurs 100% bois, permettant d’envisager des constructions bois sans colle ni métaux; des panneaux tourillonnés pour fabriquer des bois lamellés croisés (CLT) sans colle; du bois densifié pour augmenter la performance mécanique… les pistes présentées dans le cadre de ce projet AFTB sont nombreuses et permettent, en outre, d’envisager une utilisation des ressources optimales, réduisant ainsi le gaspillage de matériau.

L’objectif est clairement affiché: produire à terme 1 million de m3 de tels produits sans adhésif et, ainsi, éliminer 6.000 tonnes d’adhésifs toxiques actuellement utilisés.

«Un tel projet facilite le développement de nouvelles technologies et permet l’émergence de nouveaux matériaux, produits et moyens de fabrication durables», indique Salim Belouettar, Composites Modelling and Simulation Research Group Leader au LIST, qui a travaillé sur le projet AFTB. «Nos spécialistes des matériaux ont élargi la base de connaissances, réduit les complexités, accéléré le développement des matériaux et des produits et réduit le délai entre le concept et la mise sur le marché.»

Modularité

Sur le terrain, les constructions bois prennent de plus en plus d’importance. Le Fonds du Logement, par exemple, est devenu un acteur majeur dans le développement des nouveaux écoquartiers dans le pays: «Neischmelz» à Dudelange, «Wunne mat der Wooltz» à Wiltz ou encore «Wunnen am Park» à Esch-Nonnewisen. Sur 16 projets résidentiels développés dans ce dernier quartier, 7 le sont avec des immeubles à ossature bois.

Pour développer les compétences en la matière, le projet LuxBuild2020 (partenariat entre la Chambre des Métiers, la Fédération des Artisans, l’Institut de Formation du Secteur du Bâtiment et Myenergy) a donné naissance aux Centres de compétences Génie technique du Bâtiment (GTB) et Parachèvement (PAR). En trois ans de fonctionnement, ces centres ont formé quelque 15.000 personnes. «C’est 10 fois plus que ce que nous avions envisagé dans le business plan initial», explique Marc Ant, administrateur-délégué de ces centres de compétences.

À Bettembourg, les grands halls dédiés aux formations, conçus par WW+ architektur + management et architecture & urbanisme 21 yvore schiltz et associés, sont sortis de terre en 2019 et ils sont… tout en bois. Ils offrent une modularité optimale, permettant la tenue jusqu’à huit formations en parallèle. «Ces bâtiments représentent aussi une carte de visite pour l’artisanat», explique M. Ant. «Nous avons aussi créé le concept de ‘Bauteam’ (équipe de construction, ndlr), qui permet une communication permanente et efficace avec les architectes et les ingénieurs, sans passer par des mails innombrables et interminables. On peut être aussi innovants en termes d’organisation.»

De l’autre côté de la rue, sur ce même site Krakelshaff de Bettembourg, trône l’Innovation Living Lab de Neobuild, le pôle d’innovation technologique du secteur de la construction durable. Un bâtiment zéro énergie de 2.200m2 dans lequel les tests grandeur nature sont légion. Des start-up peuvent ainsi expérimenter «en vrai» leurs inventions, comme, récemment, Leko et son système constructif basé sur des éléments en bois croisés assemblés par picots.

Ou, comme actuellement, la société Mods, d’origine belge, qui a installé une paroi conçue avec des éléments modulaires en bois de 50x50cm, assemblés par simple boulonnage, permettant une flexibilité de mise en œuvre optimale, dans un système à la croisée des Lego, Meccano et autres Kapla… En attendant une app mobile l’année prochaine, permettant de préconfigurer n’importe quelle réalisation.

Un cas d’école à Moutfort

«La question de la modularité est aujourd’hui centrale dans le secteur de la construction, où les fonctions des bâtiments évoluent sans cesse», constate Philippe Genot, manager du Luxembourg Wood Cluster chez Luxinnovation. «Ces panneaux sont à la fois simples et très complexes: derrière chaque trou, il y a beaucoup de réflexion. Et au-delà de ce système se pose toute la réflexion autour de l’industrie 4.0 et la nécessité d’améliorer l’efficacité de la production de telles pièces, mais aussi de la préfabrication de produits finaux.»

Imagination, anticipation, réutilisation… des ingrédients qui siéent parfaitement bien à la maison en bois réalisée par Blumer Lehmann pour le compte de FAT Architects à Moutfort, unique dans le pays. À l’origine: trois modules en bois préfabriqués et utilisés comme restaurant temporaire pendant deux ans dans les Alpes suisses, à 2.300 mètres d’altitude.

Démontés et redescendus en plaine par hélicoptère, ils ont ensuite été légèrement «rafraîchis» (le bardage et les installations sanitaires) et acheminés par la route vers le Grand-Duché, où ils ont été remontés en l’espace de trois jours pour en faire un bureau fonctionnel. «Nous avons une autorisation pour quatre années. Nous adapterons ensuite ces modules et les réutiliserons dans un autre contexte», explique Thomas Kruppa, le CEO de FAT Architects.

Ce n’est donc pas un hasard si le programme gouvernemental prévoit une révision du Programme forestier national, en y associant tous les acteurs de la filière, pour l’adapter aux nouveaux défis économiques et sociétaux. Le bois a encore de très beaux jours devant lui…