Cette loi n’a pas manqué de susciter le débat. Les tenants de cette évolution y voient un progrès notable, mais identifient aussi un certain nombre de lacunes, tandis que nombreux sont ceux dans le monde de l’entreprise qui se sont montrés sceptiques. (Photo: CHD/Flickr)

Cette loi n’a pas manqué de susciter le débat. Les tenants de cette évolution y voient un progrès notable, mais identifient aussi un certain nombre de lacunes, tandis que nombreux sont ceux dans le monde de l’entreprise qui se sont montrés sceptiques. (Photo: CHD/Flickr)

La loi sur la protection des lanceurs d’alerte a été adoptée par les députés ce mardi 2 mai. Plus exigeante que la directive dont elle émane, la loi n’a pas manqué de susciter le débat, entre ceux prônant plus d’ambition et les pourfendeurs d’un texte appelant à la «délation».

La loi sur la protection des lanceurs d’alerte, qui transpose une directive européenne, a été adoptée à la Chambre des députés ce mardi 2 mai, sans les votes des députés CSV et ADR. La directive elle-même visait à appliquer «des normes minimales communes garantissant une protection efficace des lanceurs d’alerte».

La loi luxembourgeoise va de son côté plus loin que ce que prévoit la réglementation européenne, en prévoyant un champ d’application moins restrictif pour les situations dans lesquelles un lanceur d’alerte peut agir.

En pratique, elle prévoit trois canaux de signalement: interne (le lanceur d’alerte s’adresse à une entité interne à l’entreprise où il constate une violation), externe (une instance externe – une liste de 22 acteurs est reprise dans le texte – peut être contactée par le lanceur d’alerte) et enfin public.

Un office de signalement pour informer

Un «office de signalements» est en outre créé, qui a notamment pour rôle d’informer et d’aider les personnes souhaitant effectuer un signalement, ou encore de sensibiliser le public à cette nouvelle législation, notamment les entreprises de plus de 50 salariés qui devront mettre en place des procédures internes de signalement.

Cette loi n’a pas manqué de susciter le débat. Les tenants de cette évolution y voient un notamment le processus de notification à trois niveaux qui impose de ne rendre les informations publiques qu’une fois que les recours aux options internes et externes (organes de surveillance et autorités compétentes) sont épuisés, ce qui ne peut être évité que s’il existe un «danger imminent» pour l’«intérêt public» – deux notions dont les définitions sont jugées subjectives.

La Chambre de commerce critique

De l’autre côté, nombreux sont ceux dans le monde de l’entreprise qui se sont montrés sceptiques. Ainsi, la Chambre de commerce s’inquiète «du large champ d’application matériel et personnel du projet de loi qui, à ses yeux, pourrait être source d’abus» et «regrette le choix d’une approche répressive, spécialement envers les entreprises», tout en rappelant son attachement au principe «toute la directive, rien que la directive».

«Cette loi va imposer à toutes les entreprises de plus de 50 personnes des contraintes substantielles et cela risque de perturber beaucoup d’entreprises dans leur fonctionnement», s’inquiète ainsi sur le même thème le député d’opposition (CSV). D’autant plus que, selon lui, «plus de 95% des entreprises ne sont même pas encore au courant de ce qui va être voté. J’invite d’ailleurs le gouvernement à faire une très large campagne d’information sur ce projet.»

«Carte blanche aux délateurs»

Le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg s’est quant à lui montré plus virulent, estimant qu’«il s’agit d’une véritable carte blanche aux délateurs en tous genres, qui n’est pas digne d’un État de droit et qui va largement au-delà des “violations” que vise la directive». Il s’inquiète ainsi d’une loi qui aura pour effet «de porter atteinte au secret professionnel de l’avocat, au secret médical, ainsi qu’au secret de l’instruction pénale».

Pour répondre à ces inquiétudes, la ministre de la Justice, (déi Gréng), n’a pas manqué de rappeler la présence de garde-fous, notamment le processus de notification à trois niveaux susmentionné, l’existence d’une sanction pénale pour de fausses déclarations ou encore le fait que la protection ne s’appliquerait vraiment qu’aux personnes reconnues comme «whistleblowers». À quoi s’ajoutera une évaluation du cadre légal après une période d’application de trois ans.