Thierry Lesage et Jan Neugebauer, Partners Tax, Arendt & Medernach. Arendt 

Thierry Lesage et Jan Neugebauer, Partners Tax, Arendt & Medernach. Arendt 

La Commission européenne a lancé en mai 2021 une série d’initiatives fiscales visant à promouvoir les investissements productifs et l'esprit d'entreprise, tout en garantissant une fiscalité juste et efficace. C’est dans ce contexte qu’a été publié un an plus tard un appelé «DEBRA» qui devrait permettre aux entreprises de déduire de leur base imposable à l’impôt des sociétés un abattement fiscal supplémentaire.

La mesure entend améliorer le financement des entreprises européennes par fonds propres et rétablir un certain équilibre avec le financement par dettes (qui permet une rémunération déductible alors que celui par fonds propres ne le permet généralement pas) en proposant la déduction fiscale d’un abattement fictif calculé sur l’augmentation des fonds propres au cours de l’année. L’abattement sera égal à cette augmentation multipliée par le taux d'intérêt sans risque à 10 ans pour la devise concernée, augmenté d'une prime de risque de 1% ou 1,5% pour les PMEs. Cet abattement sera en principe utilisable chaque année pendant 10 ans.

La mesure est toutefois assortie d’un certain nombre de limites et de dispositions anti-abus, qui pourrait en limiter quelques peu l’attrait. On peut notamment citer la limitation de l’abattement annuel à 30% de l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization) de la société. Cette limite est semblable à celle qui est applicable pour la limitation de la déduction fiscale des intérêts (cette disposition faisant suite à la transposition au Luxembourg de la directive européenne anti-abus appelée « ATAD »). Autre limite, il ne sera pas possible de calculer l’abattement sur des augmentations de capitaux propres qui elles-mêmes proviendraient de prêts ou d’un transfert de participations intra-groupes (impliquant en substance une participation d’au moins 25%). L’objectif de la mesure est d’empêcher les déductions sur fonds propres en cascade dans les chaînes de sociétés.

Le projet prévoit en parallèle un aménagement des règles de limitation de déduction des intérêts (issues de l’« ATAD » et insérées à l’article 168bis de la loi sur l’impôt sur le revenu au Luxembourg). Ainsi, une société ne pourra déduire que 85 % de ses coûts d'emprunt excédentaires (en substance, l’excédent de ses charges d’intérêts sur ses revenus d’intérêts). Si ce montant est supérieur au montant calculé selon les règles « ATAD », seul le montant le plus faible sera déductible et la différence pourra bénéficier d’un report en avant selon les modalités existantes.

Il est à noter que ces règles s’appliqueront aux contribuables résidents d’un Etat européen qui sont soumis à un impôt sur les sociétés (impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg), et ne s’appliqueront pas à toute une liste de contribuables appelés entreprises financières, tels que les établissements de crédit, les OPCVM, ou les fonds alternatifs.

Considérant l’ensemble de ces règles, il nous semble que le projet DEBRA pourrait apporter une solution équitable du point de vue de l’impôt des sociétés aux sociétés qui souhaitent davantage se financer par fonds propres et réduire leur endettement.

“Le projet DEBRA ne pourra inciter les sociétés luxembourgeoises à recourir à leur financement (majoritairement) par fonds propres que dans la mesure où une disposition parallèle viendra limiter voire supprimer l’impact en termes d’impôt sur la fortune.”

Le projet DEBRA ne pourra inciter les sociétés luxembourgeoises à recourir à leur financement (majoritairement) par fonds propres que dans la mesure où une disposition parallèle viendra limiter voire supprimer l’impact en termes d’impôt sur la fortune.

Thierry Lesage Partner Tax  Arendt & Medernach

Toutefois, l’augmentation du financement des sociétés par fonds propres a toujours été substantiellement pénalisée au Luxembourg. Il s’agit d’une part du coût que peut représenter l’impôt sur la fortune. En effet, celui-ci est calculé annuellement sur les fonds propres des sociétés à un taux de 0,5% (ou 0,05% pour une fortune imposable supérieure à €500 millions) avec un montant minimum. Il est toutefois possible de réduire son montant lorsque la société est redevable d’un montant d’impôt sur le revenu des collectivités. D’autre part, les dividendes versés par les sociétés luxembourgeoises sont en règle générale soumis à une retenue à la source de 15% (sauf application d’une exemption ou réduction légale), alors que les intérêts ne le sont en principe pas.

Il convient de rappeler que le Luxembourg est un des rares États à prélever encore un impôt annuel sur les fonds propres des entreprises. Outre le paradoxe majeur que constitue un tel impôt pour une place financière censée attirer et favoriser les rassemblements de capitaux, paradoxe que nous relevons depuis de nombreuses années, le maintien d’un impôt sur la fortune ne nous paraît pas conciliable avec DEBRA et la logique mise en avant par la Commission.

La proposition DEBRA devant être mise en œuvre et appliquée par les États membres à partir du 1er janvier 2024, il conviendrait de réfléchir dès à présent dans le cadre de la prochaine réforme fiscale à une abolition de l’impôt sur la fortune et la mise en place de mesures budgétaires compensatoires.

, Partner Tax, Arendt & Medernach

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