L’ancien Premier ministre italien et rapporteur pour l’UE et l’avenir du marché unique, Enrico Letta, a pris la parole lors du Luxembourg Investment Forum, organisé par Indosuez Wealth Management et qui s’est tenu au Centre européen des congrès de Luxembourg le 27 novembre 2023. (Photo: Shutterstock)

L’ancien Premier ministre italien et rapporteur pour l’UE et l’avenir du marché unique, Enrico Letta, a pris la parole lors du Luxembourg Investment Forum, organisé par Indosuez Wealth Management et qui s’est tenu au Centre européen des congrès de Luxembourg le 27 novembre 2023. (Photo: Shutterstock)

L’ancien premier ministre italien et rapporteur pour l’UE et l’avenir du marché unique, Enrico Letta, parcourt l’Europe pour promouvoir les vertus du marché unique avant de présenter un rapport en mars 2024 exposant ses propositions pour améliorer la compétitivité et plus encore.

L’ancien premier ministre italien et rapporteur pour l’UE et l’avenir du marché unique, Enrico Letta, n’a pas rencontré le nouveau Premier ministre luxembourgeois (CSV) ou le nouveau ministre des Finances au cours de sa visite au Luxembourg. «Il est trop tôt pour les rencontrer, mais j’ai l’intention de revenir... peut-être en janvier 2024.»

Sa visite avait pour but de rencontrer des investisseurs et des hommes d’affaires à la Banque européenne d’investissement, dans le cadre d’une tournée des capitales européennes qui a débuté à Madrid. Enrico Letta a indiqué qu’il remettrait un rapport le 21 mars 2024, qui contiendra des observations et des solutions.

Améliorer la compétitivité de l’Union européenne

«Le monde qui nous entoure a énormément changé alors que le marché unique utilise encore les règles d’il y a 30 ans», a-t-il fait remarquer. «Si nous voulons nous asseoir à la même table que les autres grands acteurs mondiaux, nous devons être unis, avec une seule personne pour nous représenter tous.»

«Il est nécessaire de revoir le marché unique, ses règles de concurrence et de préparer le terrain pour aider les entreprises européennes à prendre de l’ampleur.» Il a fait part de ses préoccupations quant à la tendance à la fragmentation du marché unique. Selon lui, de nombreux États membres croient que la solution au manque de compétitivité ou à des crises telles que celles de la grippe aviaire, de l’énergie ou de l’immigration réside dans des solutions nationales. «Elles ne fonctionnent pas... et rendent plus difficile la recherche d’une solution commune.»

Le manque de compétitivité de l’UE est considéré par beaucoup comme un cancer à évolution lente qu’il semble impossible de résoudre en Europe étant donné la structure consensuelle de l’UE. D’après lui, les défis liés à la compétitivité sont trop souvent abordés uniquement au niveau national. «Aucun problème majeur de compétitivité ne peut être résolu au niveau national», a -t-il expliqué.

«L’UE s’est libérée de la dépendance du gaz russe en douze mois, un résultat qui était impensable», a précisé Enrico Letta. Il s’agit selon lui de la preuve que les décideurs politiques peuvent trouver de bonnes solutions pour leurs citoyens et leurs entreprises en travaillant ensemble.

L’UE devrait-elle gagner en envergure?

L’UE est composée de petits et de grands États. Pourtant, les grands États européens ne sont pas considérés comme suffisamment grands pour rivaliser avec d’autres acteurs mondiaux.

En Chine, chaque opérateur de télécommunications compte en moyenne 400 millions de clients, contre 100 millions aux États-Unis et 5 millions en Europe. Le changement d’échelle est crucial pour la recherche en matière d’innovation, la connectivité et la finance, selon l’ancien Premier ministre italien, qui déplore l’absence de fusions et d’acquisitions significatives de banques européennes, alors que la banque d’investissement est monopolisée par des groupes américains. En ce qui concerne les banques et les télécommunications, il considère également que les groupes énergétiques européens sont importants, mais pas assez.

Il s’inquiète également de voir les start-up européennes migrer vers Londres ou les États-Unis en raison de la faiblesse du marché des capitaux en Europe. Il va même jusqu’à dire qu’un marché européen des capitaux «n’existe même pas... car il est très faible et très fragmenté».

Vers la transition verte

Enrico Letta est particulièrement préoccupé par l’impact de la faiblesse des marchés de capitaux sur le financement de la transition verte. « était une excellente idée, mais elle prendra bientôt fin... et il n’y a rien sur la table pour la suite.» De plus, il a noté que les programmes étaient largement basés sur des plans nationaux.

Le concept de liberté a bien fonctionné pour la libre circulation des marchandises, assez bien pour la circulation des personnes, mais fonctionne très mal pour la libre circulation des services et des capitaux.

Enrico Lettaancien Premier ministre italien et rapporteur pour l’UE et l’avenir du marché unique

Selon lui, 2% du PIB seront nécessaires pour financer la transition verte. «Soit cet argent est financé par les budgets nationaux, où les gouvernements n’ont pas exprimé beaucoup d’enthousiasme, soit il provient des marchés de capitaux. Il est donc nécessaire de construire un marché des capitaux et une union des capitaux qui rendront attrayant l’investissement dans la transition verte, ses différentes industries... et de garder l’épargne européenne sur le continent au lieu de la voir fuir vers les États-Unis.»

Enrico Letta pense que la solution pourrait également venir des grands fonds de pension, «qui n’ont malheureusement pas encore la taille des États-Unis», et des «produits financiers qui feront le lien entre les dépôts des particuliers et le financement de la transition verte».

Les quatre libertés de l’UE au cœur de la transition verte

«Le concept de liberté a bien fonctionné pour la libre circulation des marchandises, assez bien pour la circulation des personnes, mais fonctionne très mal pour la libre circulation des services et des capitaux», a-t-il déclaré.

En outre, il pense que certaines règles de concurrence doivent être modifiées pour soutenir l’expansion des trois industries susmentionnées. «Pour que l’Europe devienne plus souveraine, pour qu’elle atteigne un statut de superpuissance, trop souvent considéré comme le privilège des États nationaux, elle doit éviter de s’appuyer sur des politiques industrielles révolues.» Enrico Letta craint que le recours à ces politiques ne mette en péril les quatre libertés de l’Union européenne.

Gérer les réglementations: une approche européenne

En janvier 2017, Donald Trump a signé un décret exigeant la suppression de deux réglementations pour chaque nouvelle réglementation ajoutée. Enrico Letta explique que les nouvelles réglementations du marché unique pour plusieurs secteurs ne sont pas ajoutées en plus des réglementations actuelles, mais remplacent et éliminent plutôt les réglementations nationales.

Une fragmentation du marché unique

Enrico Letta entend s’attaquer de front au problème des aides d’État au niveau national, qui sont trop souvent autorisées par l’UE. «Elles devraient être l’exception et non la règle, sinon cela conduit à la fragmentation et va à l’encontre du principe du marché unique.»

Selon lui, la participation de la Norvège est le meilleur exemple de la valeur du marché unique. Bien qu’elle ne fasse pas partie de l’UE, ce pays paie un «gros chèque» pour en faire partie sans participer au processus de décision.

Le rôle du Luxembourg pour promouvoir la compétitivité

En tant que l’un des fondateurs de l’UE, il a noté que «le Luxembourg a toujours été un pays pro-européen et un moteur de l'intégration européenne». Il s’attend à ce que le pays continue à défendre le marché unique et évite la tentation de la fragmentation. «Le risque mortel pour l’UE est de revenir à la chaleur de nos frontières, de nos drapeaux et de nos langues nationales.»

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.