(Cet article a été actualisé à 17h45 avec la réaction de la ministre des Finances, Yuriko Backes).
Le projet de loi 8183, déposé le 24 mars par le ministère des Finances, apporte des modifications ponctuelles à la «boîte à outils luxembourgeoise» dans le domaine des fonds d’investissement. C’est-à-dire aux cinq lois sectorielles relatives aux fonds d’investissement et aux gestionnaires: les lois Sicar, FIS, OPC, GFIA (gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs) et FIAR (fonds d’investissement alternatifs réservés). Un texte «élaboré sur base d’un dialogue étroit avec les autorités compétentes concernées et les représentants du secteur des fonds d’investissement luxembourgeois» peut-on lire dans les documents parlementaires.
Ce projet de loi de «mise en cohérence» des textes existants vise à «favoriser la compétitivité et l’attractivité de la Place en matière de fonds alternatifs», a résumé le rapporteur (DP). Ce texte ne transpose aucune disposition issue d’un texte européen, insiste-t-il, histoire d’éviter le débat sur la tendance actuelle du gouvernement à aller toujours plus loin dans la transposition de textes venus de Bruxelles.
Le secteur des fonds alternatifs entendu
Les modifications principales qu’apporte le projet répondent à la demande des professionnels du secteur des fonds alternatifs. La première est l’abaissement du seuil d’investissements de 125.000 à 100.000 euros. 100.000 euros étant le seuil pratiqué sur la plupart des marchés concurrents de la Place en la matière. «Le standard européen», précise André Bauler.
Les fonds alternatifs sont réservés aux investisseurs avertis. Dont les professionnels sont censés mesurer leur niveau de connaissance de ces produits tout comme leur profil de risque. Le projet apporte d’ailleurs des indications sur la manière d’opérer cette appréciation.
Un autre grand filtre est lié à la capacité d’investissements. Le ticket d’entrée a été fixé au Luxembourg à 125.000 euros. Un montant que les professionnels jugent trop élevé et qui mettrait la Place dans un désavantage compétitif face à d’autres juridictions. Comme l’Irlande par exemple. Alors pas question de descendre les seuils trop fortement. La philosophie même de ces fonds — des fonds de type fermés, utilisant des appels en capitaux et visant une stratégie long terme — l’interdit. Trop de souscripteurs avec des participations trop «faibles» obligeraient les gérants à sacrifier énormément de performance pour créer un coussin suffisant de liquidité.
Le projet de loi prévoit également le rallongement de la période de constitution du capital minimum pour les fonds Sicar, FIS, OPC (partie II) et FIAR. Un délai porté à 24 mois, contre 12 aujourd’hui. L’idée est de s’adapter aux modes de fonctionnement des stratégies illiquides pour lesquelles, schématiquement, le capital n’est appelé que lorsque le gérant a trouvé les bonnes opportunités d’investissements.
La taxe d’abonnement toilettée, mais pas supprimée
L’autre grand sujet pour les professionnels, c’est la taxe d’abonnement. . Ce n’était d’ailleurs pas le sujet d’un texte centré sur le secteur des fonds alternatifs. Même si cela a été évoqué dans les discussions en commission et en séance au moment du vote donnant lieu à une passe d’armes qui dépassait totalement le sujet du jour.
Le député CSV appelait à sa disparition au nom de la compétitivité, une demande balayée par (LSAP), attaché au milliard de recettes rapportée au budget de l’État. Un Yves Cruchten soutenu par (déi Greng), au nom des investissements nécessaires pour financer la transition vers une économie durable. Sans surprise, (ADR) voulait la disparition de cet impôt idéologique.
Sur le fonds, la loi précise beaucoup d’éléments techniques de la taxe d’abonnement — comment la calculer, qui doit la payer, à qui, comment et endéans quels délais — en unifiant les régimes jusqu’alors disparates selon que la structure (soit une Sicar, un FIS ou un FIAR).
La taxe d’abonnement est cependant adaptée pour répondre aux vœux de la Commission européenne qui souhaite voir les États membres donner un coup de pouce fiscal aux ELTIF et au produit de retraite européen (PEPP). Ces deux véhicules se verront appliquer des taux préférentiels de 0,01% à la place du taux de droit commun de 0,50%. Ils pourront dans certains cas même être totalement exonérés de la cotisation.
Dans un communiqué, la ministre des Finances, (DP), s’est félicitée de cette avancée. «nous ouvrons la voie à de nouvelles opportunités et consolidons le rôle du Luxembourg comme centre financier majeur, tout en favorisant l’essor de nouveaux produits européens tels les ELTIF ou les PEPP. Avec cette législation modernisée, le Luxembourg continue à innover et à anticiper les tendances du marché, affirmant sa position de leader dans le domaine des fonds d’investissement».
Le Luxembourg occupe déjà une position de premier plan dans l’internationalisation de l’industrie des fonds d’investissement depuis plus de 35 ans. Déjà le leader européen en matière de fonds OPCVM, le Luxembourg est également devenu un centre incontournable pour les fonds alternatifs. Avec plus de 5.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, 300 gestionnaires de fonds d’investissement agréés et plus de 3.300 organismes de placement collectif, le secteur des fonds luxembourgeois joue un rôle clé dans le financement de l’économie européenne et au-delà.