Les quatre principales compagnies de réassurances européennes – Munich Re, Swiss Re, Hannover Rück et Scor – ont enregistré une baisse de 47% de leurs bénéfices nets combinés à l’issue du premier semestre de cette année. Alors qu’ils avoisinaient les 3,6 milliards d’euros à la fin de 2021, ils sont tombés à 1,9 milliard d’euros six mois plus tard.
Alertée par un tel recul, l’agence de notation Moody’s analyse ces chiffres à la lumière du nombre élevé de sinistres dus aux catastrophes naturelles et à des rendements d’investissements plus faibles. Une situation qui ne devrait pas s’arranger au second semestre, estime Christian Badorff, senior credit officer chez Moody’s: «La hausse des prix de la réassurance de dommages soutient les bénéfices, mais l’inflation et les sinistres liés aux catastrophes naturelles sont les principaux risques pour les bénéfices du second semestre.»
Si les résultats des réassureurs diminuent, les prix de la réassurance vont probablement augmenter.
Contacté par Paperjam à propos des conséquences pour le marché luxembourgeois, , administrateur délégué de l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances (Aca), rappelle que «l’activité de réassurance est naturellement internationale». Cependant, «si les résultats des réassureurs diminuent, les prix de la réassurance vont probablement augmenter». Ce qui a une incidence «pour les clients des réassureurs, à savoir les sociétés d’assurances, qui devraient donc payer plus cher les couvertures de réassurance qu’elles achètent».
Les revenus financiers ne compensent plus
Pour sa part, , président du Commissariat aux assurances (CAA), l’autorité de surveillance du secteur au Luxembourg, explique que, d’une part, a causé une augmentation du nombre de sinistres déclarés. D’autre part, la flambée de l’inflation a provoqué une hausse de la sévérité des coûts des sinistres. «À même sinistre il y a un an, le coût a augmenté de potentiellement 20%, alors que le client a payé la même prime», précise Thierry Flamand. Et il ajoute: «Toute la chaîne de valeur est concernée, allant de la main-d’œuvre aux matières premières et leur transport.»
Alors que tous les sinistres sont impactés tant par la hausse de fréquence des sinistres que par leur sévérité au niveau des coûts, il s’agit d’un effet inattendu pour les entreprises du secteur des assurances et de réassurances.
Le président du CAA identifie un troisième facteur de risque pour les profits nets des professionnels: la hausse des taux d’intérêt des banques centrales. Les compagnies d’assurances et de réassurances sont des investisseurs d’instruments de dette. Du coup, «les pertes techniques liées aux coûts des sinistres ne sont pas compensées par les revenus financiers», souligne Thierry Flamand.
À même sinistre il y a un an, le coût a augmenté de potentiellement 20%, alors que le client a payé la même prime.
Dans du secteur des assurances et de réassurances publié le 22 juin, le régulateur européen, l’European Insurance and Occupational Pensions Authority (EIOPA), résumait déjà la situation en une phrase: «Compte tenu des récents mouvements à la hausse des courbes de rendement, des attentes du marché de l’inflation et l’orientation de la politique monétaire, l’environnement de taux d’intérêt ultra-bas n’est plus le discours dominant, et les risques déclenchés par une hausse soudaine des taux d’intérêt semblent plus pertinents.»
Suffisamment de provisions
Les profits du secteur des assureurs et réassureurs vont être affectés. Le CAA s’attendait déjà à une telle situation dans la foulée de la guerre en Ukraine. Une note d’information de l’autorité de supervision, datée du 10 mars dernier, appelait les acteurs du secteur à conduire un «stress test» dans un contexte de recul de la croissance. Le document mettait l’accent notamment sur les conséquences des évolutions de marché sur le ratio de solvabilité des compagnies et leur risque de liquidité.
Malgré une fonte prochaine de leurs profits, le CAA souligne que les compagnies d’assurances et de réassurances établies au Luxembourg ont suffisamment de fonds propres pour supporter des chocs tels que ceux en cours. «Nous veillons à ce que les assureurs aient des provisions suffisantes pour payer les sinistres à trois ans en fonction de l’incertitude des marchés», déclare le président du CAA, rappelant l’importance du principe de prudence.
Dans son dernier rapport de stabilité financière, l’EIOPA indiquait que le secteur européen de l’assurance avait justement abordé l’année 2022 dans de bonnes conditions financières et avec suffisamment de réserves en capital.
En revanche, le 31 août, la Banque centrale européenne notait que le total des réserves techniques des assureurs de la zone euro avait reculé de 477 milliards d’euros entre le premier et le deuxième trimestre de cette année, chutant à 6,166 milliards d’euros. Une tendance à la baisse qui ne devrait pas infléchir à la lumière des perspectives macroéconomiques.