John Parkhouse et François Mousel sont convaincus de la pertinence du modèle de PwC Luxembourg, associant audit et conseil. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

John Parkhouse et François Mousel sont convaincus de la pertinence du modèle de PwC Luxembourg, associant audit et conseil. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

François Mousel va succéder à John Parkhouse au poste de managing partner de PwC Luxembourg au 1er juillet prochain. Ils ont parlé en exclusivité à Paperjam de la passation de pouvoir et des grands défis que la nouvelle équipe dirigeante, une fois installée, devra relever.

a rejoint PwC Luxembourg en 2005 en tant qu’auditeur. Après un court passage par la CSSF de 2009 à 2013, il réintègre le cabinet et devient associé en 2015. En provenance de New York, a, lui, intégré la firme en 1994. Il en devient associé en 1999, puis managing partner en 2015. à celui qui a été un des membres de son équipe de direction lors de son second mandat.

Pourquoi avez-vous voulu succéder à John Parkhouse au poste de managing partner?

François Mousel. – «Ce n’est pas quelque chose que j’ai planifié. C’est plus un concours de circonstances dans lequel, à un moment donné, il y a eu une convergence avec les associés sur une certaine vision de la firme et sur un projet pour la faire avancer. Après s’est enclenché tout un processus de consultations qui a confirmé le soutien des associés et qui s’est conclu par un vote.

Vous parlez de projet. Quels sont vos ambitions et objectifs pour PwC Luxembourg lors de votre mandat?

F.M. – «La vision commune est de devenir le partnership le plus dynamique et le plus impactant pour nos clients ainsi que pour toutes nos parties prenantes. Et celui qui suscite le plus de confiance. Cela implique d’abord que nous restions clairement un leader et un modèle sur nos marchés clés.

Ensuite, nous nous lançons résolument sur une trajectoire de croissance. Après , la prochaine étape, c’est le milliard. Dans 5 ans, dans 9 ans… peu importe. Pour moi, c’est l’objectif à viser. Pour autant que le Luxembourg en tant que pays ne s’effondre pas complètement.

Comment qualifieriez-vous votre style de management? Quel managing partner allez-vous être?

F.M. – «Dans un partnership, le managing partner doit être quelqu’un qui aide les associés et le groupe à avancer. Un management top-down n’est pas le bon modèle. Le bon modèle est basé sur l’engagement. Il faut non pas forcer les associés à aller dans une certaine direction, mais les convaincre de le faire. Il faut des interactions très fortes. Il faut écouter beaucoup et être inclusif. C’est le style dans lequel je me reconnais.

Comment va se passer la transmission du pouvoir entre vous et John Parkhouse?

F.M. – «De la manière la plus lisse qui soit. John et moi, nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons travaillé très étroitement ensemble au cours des quatre dernières années. J’étais d’ailleurs dans son équipe de direction. La prochaine étape va être de décider qui fera partie de la nouvelle équipe et comment l’ancienne et la nouvelle vont pouvoir travailler en parallèle pour faire en sorte que la nouvelle direction soit pleinement opérationnelle le 1er juillet, date officielle du début de mon mandat.

John Parkhouse. – «Collaboration et proximité seront les mots-clés.

Après 8 années passées. La tête de PwC Luxembourg, que bilan tirez-vous de vos deux mandats?

J.P. – «À titre personnel, ce fut une grande expérience. Et je pense que nous avons accompli beaucoup pour la firme. Durant ces années, elle s’est transformée à bien des égards, que ce soit dans le domaine du numérique dans lequel nous avons énormément investi, au niveau de la culture d’entreprise ou encore sur l’aspect humain sur lequel nous nous sommes concentrés. Les retours que nous avons de notre équipe et de nos clients nous indiquent que nous n’avons pas fait fausse route.

Quel est votre meilleur souvenir de cette période?

J.P. – «Il y en a beaucoup qui me viennent à l’esprit. Disons le coup de fil de Xavier Bettel pour me féliciter de ma réélection en 2018. C’était un beau geste qui symbolise tout l’état d’esprit d’un pays dans lequel on se soucie des autres.

Et votre pire souvenir?

J.P. – «. Une affaire qui a éclaté juste deux mois après ma première prise de fonction. Les 12 mois qui suivirent furent autant pénibles pour le pays que pour le cabinet.

Quels conseils donneriez-vous à votre successeur?

J.P. – «Rester humble, rester à l’écoute et rester collégial. Être accessible et essayer de faire la différence. Comme François l’a dit, c’est un voyage dans lequel il faut embarquer tout le monde.

Quels sont les grands défis pour une société comme la vôtre aujourd’hui?

F.M. – «Le plus grand d’entre eux est celui des ressources humaines. Même si l’environnement actuel n’est pas facile, il existe des opportunités de marché extrêmement importantes, tant au Luxembourg qu’à l’étranger. Mais il faut les ressources pour les saisir. PwC n’est pas la seule société qui doive relever ce défi. À nous de faire au mieux pour attirer et fidéliser les gens au Luxembourg, mais aussi depuis l’étranger. Pas pour réduire les coûts, mais pour sécuriser notre modèle de délivrance de services. Cela soulève de nombreux problèmes, fiscaux, sociaux et opérationnels. Notamment l’intégration de ces équipes “étrangères” dans notre collectif.

Le thème de la «grande démission» dont on a beaucoup parlé post-Covid est-il toujours d’actualité?

J.P. – «Je pense que la “grande démission” était un slogan fourre-tout. Si certaines personnes clamaient ne plus vouloir travailler du tout, l’essentiel tournait autour du changement dans la façon dont les gens veulent travailler. Cette volonté de changement va durer. Nous devons fournir de la flexibilité à ceux qui la demandent sans compromettre la culture d’entreprise, l’esprit d’équipe, le coaching et la proximité qui est importante pour une entreprise.

Le marché du recrutement est sous pression. À nous d’offrir des opportunités de carrières et de développement personnel pertinents. La bonne nouvelle, c’est que nous constations une baisse de ce que nous appelons le turn-over volontaire.

F.M. – «Je pense que nous faisons face à un double défi structurel. D’un côté – chose qui n’existait pas il y a encore une vingtaine d’années – une partie de la population dispose d’une plus grande flexibilité dans sa vie personnelle et peut donc se permettre de ne pas travailler continuellement à plein temps. Et de l’autre, le vieillissement de la population ralentit le renouvèlement de la main-d’œuvre.

Les carrières que vous proposez plaisent-elles encore aux jeunes qui sont moins axés sur le long terme? Ne craignez-vous pas une «pénurie» de partners et de directeurs dans les années à venir? 

F.M. – «Plus qu’une question d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, le sujet est celui du but, du dessein. Je pense que notre profession a du mal à expliquer son rôle, son propos. Je pense que les gens sont motivés lorsqu’ils savent pourquoi ils font quelque chose et s’ils sont dans une équipe où ils se sentent entourés. Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas fondamentalement différents des jeunes d’hier. Ils ont juste des attentes et un niveau d’exigence plus élevé. Auxquels on peut répondre en étant plus proches d’eux.

En tant qu’organisation, nous voulons être la plus efficace possible. Mais quand vous êtes trop efficace, vous ne passez pas beaucoup de temps à expliquer pourquoi vous faites les choses en premier lieu. Lorsque vous êtes dans une équipe qui comprend pourquoi vous faites les choses et qui souscrit à cela, le reste est beaucoup plus facile. Parfois, dans le monde moderne, nous avons besoin de revenir aux bases, à l’humain. Tout le monde veut comprendre pourquoi il fait ce qu’il fait.

J.P. – «De manière plus générale, l’attractivité est un défi pour nos professions. L’image dans la presse n’est pas bonne et il faut se confronter à un niveau de règlementation et de contrôle qui augmente de manière spectaculaire. C’est dur à vivre. Il faut accompagner nos équipes au quotidien pour les aider à traverser cela et leur offrir les meilleures perspectives de carrière à long terme.

F.M. – «Actuellement, nous avons un certain nombre d’associés expérimentés qui s’approchent de la retraite. Nous allons promouvoir de nouveaux associés plus jeunes. Ce sera la réalité pour les quatre ou huit prochaines années. Nous sommes un cabinet d’opportunités.


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Le sujet d’actualité pour votre industrie est la scission des activités d’audit et de conseil. Quelle est votre opinion sur cette scission? Vous semble-t-elle opportune?

F.M. – «Je laisse parler l’expérience…

J.P. – «Nous sommes très clairs sur la question. En termes de valeur que nous apportons à nos clients, en termes d’opportunités que nous offrons à nos équipes et en termes d’impact positif plus large que nous pouvons avoir dans la société, notre modèle d’expertise multidisciplinaire est immensément puissant. Y renoncer en passant à un modèle “tout audit” est quelque chose que je regretterai profondément. Ce n’est certainement pas notre projet. Notre stratégie est de croître globalement et localement au sein d’un seul cabinet. Et elle fait l’unanimité des associés.

Si d’aventure, un des Big Four optait pour une telle scission, serait-ce un «game changer» à vos yeux?

F.M. – «Chaque fois qu’il y a eu une scission de ce type dans le passé, un cabinet unique s’est reconstitué tant les synergies sont naturelles et importantes. Le modèle actuel a beaucoup d’avantages. En changer pose plus de questions que cela n’en résout.»

J.P. – «Non. La scission des activités d’audit et de conseil est pour moi une proposition destructrice de valeur.»