«Sur le plan économique, nous avons assisté à une mandature avec beaucoup de surprises: nous étions vulnérables à des chocs que l’on ne s’imaginait pas et qui sont arrivés, et il y a eu une mobilisation assez rapide des corps intermédiaires et des pouvoirs publics au Luxembourg pour prendre les problèmes avec une certaine rapidité et surtout de manière pragmatique», analyse Vincent Hein, économiste à la Fondation Idea. Cette dernière a présenté, ce mercredi 29 mars, son dernier document de travail intitulé «Rétrospective économique 2018-2022».
«La rétrospective économique des cinq années écoulées est largement dominée par l’analyse des effets d’une succession de deux chocs, sanitaire puis géopolitique, face auxquels l’économie luxembourgeoise semble avoir plié (un peu), mais pas rompu», poursuit-il. «Le gouvernement les a bien gérés, d’abord parce que le Luxembourg a eu la chance de ne pas être touché par la pandémie de la même manière que d’autres régions européennes. Et ensuite, le gouvernement avait des marges de manœuvre budgétaires que n’avaient pas forcément tous les pays européens.»
Un petit miracle au niveau de l’emploi
Dans son analyse réalisée par Muriel Bouchet, Vincent Hein, Ioana Pop et Michel-Edouard Ruben, la Fondation Idea explique notamment que l’inflation a été contenue, qu’il y a tout de même eu un léger ralentissement de l’investissement, que le chômage est inférieur au niveau de 2018 ou encore que le Luxembourg attire toujours avec le phénomène notable des «néo-frontaliers atypiques» – les frontaliers de nationalité luxembourgeoise, qui représentent près d’un emploi sur dix sur la période 2017-2022.
«Le pays connaît un petit miracle de l’emploi: malgré les crises, l’économie luxembourgeoise a continué de créer de nombreux emplois sur les cinq dernières années avec un taux de croissance annuel moyen de l’emploi intérieur de 3,1%, contre une moyenne de +3% entre 2013 et 2018», précise Ioana Pop. «Au total, le pays compte 70.000 emplois de plus qu’il y a cinq ans. Le taux de chômage a également amorcé sa décrue en 2021 et affiche désormais un niveau inférieur à celui du début de la mandature (4,8% contre 5,5%).»
Durant cette période 2018-2022, l’activité a également été fortement soutenue par les dépenses publiques, de nombreuses mesures ont été mises en place pour limiter la poussée inflationniste et préserver le pouvoir d’achat. «Ces marges de manœuvre budgétaires ont été appréciables face aux chocs, mais les dépenses publiques sont passées de 42,3% du PIB en 2018 à 44,9% en 2023. Il y aura forcément un moment où les marges de manœuvre budgétaires de l’État ne seront plus aussi importantes que ce qu’elles étaient il y a quatre ans. Donc il faudra aussi peut-être rentrer dans des discussions un peu plus compliquées sur la répartition des efforts à faire dans les crises», avertit Vincent Hein.
«Moins de cadeaux à tout le monde»
Le budget 2023 laissait augurer une nette montée en puissance de l’endettement public au cours des années à venir. Alors que la dette brute consolidée serait déjà passée de 20,9% en 2018 à 26,3% en 2023, elle frôlerait de peu le seuil gouvernemental des 30% dès 2026, avec 29,5%.
La dette sera-t-elle donc un des défis du prochain gouvernement? «Oui, le Luxembourg est un petit pays qui est très ouvert aux vents contraires, et doit peut-être plus que les autres faire attention à la stabilité de ses finances publiques, qui est aussi un argument d’attractivité pour les investisseurs, et les transitions qui sont devant nous, notamment la transition écologique, vont nécessiter des investissements supplémentaires. Mais, selon nous, cela va nécessiter que les dépenses publiques soient plus orientées vers les investissements que vers des dépenses non ciblées, ce qui a été le cas durant cette mandature. Donc, clairement, le prochain gouvernement devra être probablement plus courageux et devra sans doute faire moins de cadeaux à tout le monde, cibler ses politiques et montrer qu’il prépare l’avenir plus qu’il ne fait le pompier», répond Vincent Hein.