«Vouloir élargir les périmètres, c’est oublier que nous sommes aussi face à une crise environnementale», considère Max Leners. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

«Vouloir élargir les périmètres, c’est oublier que nous sommes aussi face à une crise environnementale», considère Max Leners. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Alors que la Semaine du logement vient de débuter, Max Leners revient sur le recueil de contributions publié voici peu par la Fondation Robert Krieps. Qui aboutit à 60 propositions pour tenter de sortir de l’impasse.

Le logement et les problèmes qui y sont liés, on en entend beaucoup parler, presque tout le temps. Quelle est, dès lors, l’originalité de ce livre publié par la Fondation Robert Krieps?

Max Leners. – «La volonté est de susciter le débat, d’une part, mais aussi de remettre en lumière le fait que le ‘problème’ du logement, ce n’est pas que cela. Que, derrière, il y a une série d’autres problématiques sociales. Or, au Luxembourg, on a tendance à oublier cet aspect pour ne parler que du nombre de logements disponibles. En 2019, nous avions publié un premier livre sur ce sujet, mais en recueillant des articles de médias. Ici, nous mettons en avant des contributions venues de différentes personnes: des experts du domaine du logement à l’image d’Antoine Paccoud ou , mais aussi des acteurs de la société civile comme de la Stëmm vun der Strooss, ou André Roeltgen (ancien président de l’OGBL, ndlr), un économiste avec Michel-Edouard Ruben, un historien avec Denis Scuto…

Que feriez-vous si vous étiez ministre du Logement?

«Je me verrais comme le ministre du Logement, et pas seulement le ministre du Logement abordable. Je pense que mon souhait serait de mieux mettre en musique les synthèses qui sont livrées par les experts, comme l’Observatoire de l’habitat. Mon action viserait à mettre tous les acteurs autour de la table, car tous, dont les acteurs économiques, ont intérêt à trouver une solution. Mais je pense aussi aux promoteurs, aux architectes… Avec une obligation de transparence, notamment publique, afin de savoir qui détient quoi. Avec tout ce monde, on pourra avoir un bon échange, honnête. Une bonne réforme sera à ce prix.

Le maître d’œuvre d’une telle initiative doit-il être le politique?

«Sans aucun doute. Car au final, c’est le législateur qui agira. 

C’est imaginable, réellement?

«Oui, et cela a même eu lieu en 1955, avec, à la fin, un compromis sociétal trouvé autour du bail locatif. Mais pour que cela soit efficace, il faut mettre de côté tous les tabous, oublier la politique politicienne. Le dicton dit que pour que le cheval galope, il faut le sortir de son box.

Vouloir élargir les périmètres, c’est oublier que nous sommes aussi face à une crise environnementale.
 Max Leners

 Max Leners secrétaire général Fondation Robert Krieps

Des tabous, il y en a pourtant encore de nombreux…

«Comme la rétention foncière. Pourquoi les propriétaires ne vendent-ils pas? Car cela ne rapporte pas, ou pas assez par rapport à ce que cela pourrait rapporter. Mais à partir du moment où des investissements collectifs, payés par tous, font augmenter la valeur de terrains privés, un impôt foncier sur la rétention est légitime. Le meilleur exemple, c’est le tram à Luxembourg: un équipement collectif, payé avec de l’argent public, qui a fait exploser les prix des terrains privés le long de son parcours. Cette idée de taxer la rétention de terrains constructibles n’est pas nouvelle.

Augmenter les périmètres des zones constructibles, est-ce une «fausse bonne idée»?

«Vouloir élargir les périmètres, c'est oublier que nous sommes aussi face à une crise environnementale. Si on veut atteindre nos objectifs fixés à 2050, ce n’est pas en bétonnisant et en rendant des sols imperméables qu’on va y arriver.

Il faut alors construire plus haut?

«Évidemment que oui. Lors de la table ronde sur le logement menée voici un an à l’initiative de Paperjam, je me souviens d”un promoteur qui disait qu’il aurait aimé construire un étage de plus, mais que le bourgmestre de la commune s’y est opposé.

Si l’on veut un impact, il faut aborder le sujet du logement dans sa globalité.
 Max Leners

 Max Leners secrétaire général Fondation Robert Krieps

Un exemple de blocage assez classique…

«Qu’il faudrait pouvoir débloquer, tout en respectant l’autonomie communale qui a du sens et permet le bon fonctionnement de la démocratie. Le ministre devrait pouvoir agir à ce niveau comme c’est possible pour de grandes infrastructures. Mais tous les élus locaux ne sont pas désireux de voir arriver plus de monde dans leur commune. Ceux qui y vivent, ils les connaissaient, ont une idée de ce qu’ils veulent, savent pour qui ils vont voter… Ce n’est plus le cas si trop de nouveaux arrivent, surtout s’ils risquent de ne plus voter pour eux.


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Simplifier les procédures semble aussi très compliqué?

«Il le faudrait, pourtant. Vraiment digitaliser les choses… Il est évident que, quand les procédures prennent entre 5 et 10 ans, un constructeur-promoteur a besoin de terrains en réserve. Le Luxembourg est parmi les pires élèves en Europe en ce qui concerne les procédures.

Votre livre propose 60 mesures pour s’en sortir. Une issue est donc possible?

«En politique, c'est celui qui voit au royaume des aveugles qui a un avantage. Ces 60 propositions touchent à différents domaines et pourraient être une base pour entamer un dialogue entre tous les acteurs, comme je l'ai expliqué avant. Personnellement, je suis convaincu qu’on peut résoudre ce problème, qu’il n’est pas une fatalité. Tout le monde n’aura pas une villa, mais devrait avoir un accès plus facile au logement. Mais, encore une fois: si l’on veut un impact, il faut aborder le sujet du logement dans sa globalité.

Le logement sera-t-il un thème central de la prochaine campagne électorale législative?

«Cela n’a pas été le cas en 2013, pas été le cas en 2018… Je ne suis pas certain que ce le sera en 2023.»

«La Crise du logement au Luxembourg et les moyens de s’en sortir», de la Fondation Robert Krieps, est disponible dans les librairies Ernster et à la librairie Diderich à Esch.