Jim Bichard, global insurance leader et partner chez PwC United Kingdom, et Matt Moran, head of insurance, deputy advisory leader et leader of strategy au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Jim Bichard, global insurance leader et partner chez PwC United Kingdom, et Matt Moran, head of insurance, deputy advisory leader et leader of strategy au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Jim Bichard et Matt Moran, de PwC, ont discuté avec Paperjam des défis du secteur de l’assurance: la difficulté à assurer les risques classiques, l’émergence de nouveaux risques, l’évolution des attentes des consommateurs et les défis opérationnels que devront relever les assureurs demain.

Le premier grand défi auquel doivent faire face les assureurs est celui de l’augmentation de la sinistralité. Une augmentation qui pèse sur les comptes et qui pose en filigrane la question du risque assurable.

L’augmentation de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles a des effets bien visibles: «Nous avons vu au cours des cinq dernières années qu’il n’y a pas assez de capacité pour pouvoir régler tous ces sinistres», constate Jim Bichard. Ce qui a entraîné «un changement fondamental dans l’environnement tarifaire, notamment chez les réassureurs. Les prix ont augmenté de façon permanente».

Outre l’augmentation des prix, le secteur a dû procéder à une réévaluation des risques, «notamment les risques moins modélisés comme les tempêtes, le gel, les inondations ou les incendies de forêt». Ce qui a modifié leur acceptation. Mais sans pour autant refuser ces risques. Si les modalités et les coûts de couverture changent, ni Jim Bichard ni Matt Moran n’estiment que l’on s’achemine vers l’exclusion de risques «inassurables». Le secteur doit également faire face à l’émergence de nouveaux risques comme l’actuel risque géopolitique et de cyberguerre. Cyberguerre qui ajoute quelque part un étage à un cyberrisque qui effraie les assureurs. «Mario Greco, CEO de Zurich Assurance, les estimes inassurables», rappelle Matt Moran. Un avis qui compte.

Le montant des capitaux prêts à entrer dans le secteur de l’assurance a considérablement augmenté.
Jim Bichard

Jim Bichardglobal insurance leader et partnerPwC United Kingdom

Dans un premier temps, «le secteur va travailler encore plus avec les gouvernements et les communautés pour essayer de les rendre plus résilientes ainsi que de prévenir certaines de ces pertes».

Mais, pour Jim Bichard, cette réévaluation va être l’opportunité de voir de nouveaux capitaux et de nouveaux acteurs entrer dans l’industrie. «Il est certain que le montant des capitaux prêts à entrer dans le secteur de l’assurance a considérablement augmenté au cours des dix dernières années. Des capitaux provenant de sources plus diverses que jamais. Mais il y a de la concurrence pour le capital. Les assureurs doivent promouvoir leurs activités pour attirer des capitaux qui pourraient s’investir dans d’autres secteurs», complète Matt Moran.

Pour qui l’actuel attrait du private equity pour l’assurance va inciter l’assurance – «un secteur qui évolue très lentement» – à accélérer sa mutation.

Des mutations concernant aussi bien les business modèles – qui sont challengés par l’actuelle remontée des taux d’intérêt qui menace les rendements de leurs actifs et donc leurs capacités à honorer leurs engagements – que les relations clients. Des relations qui reposent de plus en plus sur le digital et la gestion des données.

«La révolution numérique est synonyme pour les clients d’instantanéité. Une expérience qui n’est pas dans les traditions des assureurs. Une grande partie de notre activité ces dernières-nées a consisté à aider nos clients à transformer leurs modèles d’entreprise grâce à la technologie et à la numérisation pour rendre ces entreprises plus agiles et plus souples» détaille Matt Moran.

«Mais pour attirer ces capitaux, il faut trouver le bon équilibre avec le régulateur. L’assurance est un investissement de long terme et le régulateur devrait en tenir compte en autorisant notamment des investissements de très longue durée pour les fonds alternatifs», poursuit Jim Bichard.

L’assurance est vendue et pas achetée.
Jim Bichard

Jim Bichardglobal insurance leader et partnerPwC United Kingdom

Le contexte de crise économique et d’érosion du pouvoir d’achat des ménages conjugué à l’augmentation des primes fait-il de l’assurance un produit de luxe?

«Il y a un dicton qui dit que l’assurance est vendue et pas achetée», rappelle Jim Bichard. Sauf en cas d’obligation légale, l’assurance reste une dépense «discrétionnaire». «Dans la mesure ou le revenu discrétionnaire des ménages a baissé, impact il y aura.»

Mais il observe que ce que les clients cherchent à garantir a énormément évolué et continue à le faire. «Du côté non-vie, les gens sont beaucoup plus intéressés par la garantie de leurs actifs intangibles par rapport à leurs actifs physiques. Et du côté de la vie, les gens s’intéressent beaucoup plus au bien-être, à la santé et à l’assurance qui va les aider à avoir une longue vie, plutôt qu’à un résultat fixe en matière de retraite ou d’épargne.»

Au final, le marché de l’assurance est probablement plus important que jamais. Au secteur de rendre ses produits plus pertinents pour rester compétitif. «Je suis confiant que le secteur de l’assurance va continuer à croître à un rythme supérieur à celui du PIB, ne serait-ce que parce que les gens ont plus de choses à assurer, qu’il s’agisse de leurs moyens de subsistance, de leurs entreprises ou de leurs biens personnels.»