Dopés par des politiques monétaires avenantes ces dernières années, avec des taux d’intérêt se situant au niveau du plancher, les actifs et marchés privés ont attiré un nombre croissant d’investisseurs. La remontée des taux, qui s’opère depuis quelques mois, est-elle de nature à casser cette dynamique? «L’économie globale pourrait en effet ressentir un certain ralentissement, reconnaît , CEO de la LPEA. Et à travers les actifs privés, n’oublions pas que l’on investit dans l’économie réelle. Les entreprises soutenues par ces investisseurs, sont soumises, au même titre que les autres, aux effets conjoncturels. Ceux-ci, toutefois, ne sont pas de nature à remettre en cause un modèle d’investissement qui demeure intact, mature et bien rodé.»
Des pointures au service de la création de valeur
En quelques années, l’activité dans le domaine du private equity s’est considérablement professionnalisée, au départ du Luxembourg notamment. Le pays a fait de l’investissement alternatif l’un des principaux relais de croissance de son industrie des fonds. «L’activité est aujourd’hui portée par des pointures de la finance, de l’entrepreneuriat et de l’excellence opérationnelle, qui mettent toute leur expertise au service de la croissance de petites et moyennes entreprises, voire de start-up si nous parlons de Venture capital», résume Stéphane Pesch.
L’expertise qu’elles placent au service du développement d’acteurs non cotés est de nature à soutenir la création de valeur aussi bien dans des périodes économiques propices qu’à travers des temps plus incertains. «Si l’on constate un recul du nombre de transactions, d’opportunités d’investissement ou d’exits (cessions) depuis quelques mois, dans une approche long terme, les fondamentaux demeurent inchangés, poursuit Stéphane Pesch. Les acteurs du private equity ont les armes pour affronter des périodes plus troublées et, à travers elles, parvenir à développer de nouvelles activités et opportunités.»
Se concentrer sur la création de valeur
L’une des caractéristiques des investissements dans cette classe d’actifs, justement, est qu’ils visent la création de valeur sur le long terme. Investisseurs comme gestionnaires, aux petits soins des sociétés détenues dans le portefeuille, assurant la pérennité et aussi le financement continu de celles-ci, peuvent s’accorder du temps, dans l’optique d’ajuster la proposition de valeur de ces dernières à un nouvel environnement économique et de renforcer leur résilience. «L’enjeu, à travers la démarche, est de veiller à une meilleure valorisation des acteurs soutenus. Si ceux-ci peuvent montrer leur robustesse au fil de la période qui s’annonce, ils n’en sortiront que plus forts, poursuit le CEO de LPEA. À l’issue de toute crise, il y a toujours des opportunités à saisir.»
S’il a été longtemps difficile d’évaluer ce que représentait le marché privé, nous disposons désormais d’estimations solides émanant de la CSSF.
Si, dans un contexte plus difficile, les investisseurs pourraient nourrir certaines craintes, selon Stéphane Pesch «il appartient aux gestionnaires de maintenir des relations de qualité et de confiance avec l’ensemble des parties prenantes, en faisant preuve de transparence et en veillant à un management à la fois plus vigilant et sélectif. Les gestionnaires ont pour la plupart déjà déployé une panoplie de mesures afin de mitiger et de réduire certains risques liés à l’environnement économique, géopolitique actuel.»
509 milliards d’actifs privés domiciliés au Luxembourg
L’intérêt pour le private equity devait donc se maintenir, les investisseurs considérant désormais cette classe d’actifs comme un levier de diversification incontournable. Alors que les marchés financiers sont en proie à des phases de forte instabilité, le marché privé est utilisé pour aller chercher de la performance à long terme et continuera à représenter ce relais de croissance.
Les derniers chiffres peuvent témoigner de l’attrait des investisseurs pour le segment. «S’il a été longtemps difficile d’évaluer ce que représentait le marché privé, nous disposons désormais d’estimations solides émanant de la CSSF, commente Stéphane Pesch. Fin 2021, avant le conflit ukrainien, on estimait à 381 milliards d’euros le volume d’actifs sous gestion domiciliés dans des fonds private equity (comprenant également les fonds de venture capital) au Luxembourg. À cela s’ajoutent 44 milliards d’euros situés dans des véhicules investissant dans l’infrastructure et 84 milliards d’euros dans des fonds de fonds private equity. Au total, sans compter les fonds de dette privée (qu’une étude de KPMG estime à 267,8 milliards d’euros), les actifs sous gestion privés et domiciliés au Luxembourg représentent donc 509 milliards d’euros.»
Dans ce domaine, le Luxembourg est parvenu à se positionner en tant que centre d’excellence en développant un ensemble d’outils de premier choix, de la société en commandite (limited partnership) au RAIF et l’émergence de gestionnaires de fonds alternatifs tiers (third-party AIFM) répondant aux besoins de certains gestionnaires nécessitant une solution pérenne et accessible.
Renforcer le modèle luxembourgeois
Pour le CEO de la LPEA, l’enjeu est de veiller à soutenir le positionnement du pays, à la pointe dans ce domaine. L’ambition est de poursuivre les efforts pour enrichir l’écosystème luxembourgeois, reconnu comme un excellent back et middle office pour les véhicules investissant dans des actifs privés, en y intégrant de nouvelles fonctions. «Avec l’arrivée des AIFM et des fonds à Luxembourg, nous avons développé une expertise et un ensemble de services au niveau du middle office, et plus particulièrement dans le domaine du risk management, de la compliance, de la valorisation des actifs et de la distribution de produits à travers l’Europe, commente Stéphane Pesch. S’il est plus complexe d’accueillir en un claquement de doigts des fonctions de front office, cela doit constituer un objectif à plus long terme. Pour nous, l’un des leviers, accélérateurs nous permettant d’avancer dans cette direction est l’investissement dans des fonctions de relation aux investisseurs et de levée de fonds au départ du Luxembourg».
Il appartient désormais au Luxembourg de rester à la pointe, en veillant à renforcer l’excellence opérationnelle liée à la gestion et à l’administration de ces véhicules, avec des défis importants autour d’une rapide mise en œuvre de la nouvelle mouture de l’ELTIF (European long-term investment fund) ou encore relatifs aux enjeux ESG.