Me Catherine Wagener et Me Elodie Rousseau, Counsels au sein du Cabinet Brucher Thieltgen & Partners (illustration : Maison Moderne / photo : Brucher Thieltgen & Partners) 

Me Catherine Wagener et Me Elodie Rousseau, Counsels au sein du Cabinet Brucher Thieltgen & Partners (illustration : Maison Moderne / photo : Brucher Thieltgen & Partners) 

Largement répandus au Luxembourg, les avantages numéraires et en nature permettent aux employeurs d’attirer certains profils recherchés. Parmi ces privilèges, la prime à l’embauche suscite de plus en plus l’intérêt. Dans un contexte marqué tant par la compétitivité des offres que par les difficultés à recruter du personnel qualifié dans des domaines précis, cette dernière pourrait gagner en importance.

Au Luxembourg, le droit du travail permet à tout employeur d’offrir à ses collaborateurs un package salarial attrayant. Puisque tout n’est pas réglementé, le dirigeant bénéficie d’une certaine liberté à ce niveau, mais à condition que sa politique en matière d’avantages ne soit pas contraire à l’ordre public. « Pour attirer les talents, le pays offre de nombreux avantages. Nous pensons tout d’abord au salaire qui est particulièrement séduisant », commente Catherine Wagener, avocat à la Cour au sein du Cabinet Brucher, Thieltgen & Partners. Prenant en compte les salaires et traitements ainsi que les coûts non salariaux (cotisations sociales des employeurs), Eurostat positionne les salariés luxembourgeois parmi les plus coûteux de l’UE (43€/heure).

Attirer et fidéliser les talents expérimentés

D’autres avantages peuvent dépendre du secteur d’activité visé, ainsi que de l’expérience des talents. « Plus l’entreprise est active dans un domaine spécifique et le poste à pourvoir requiert un profil expérimenté, plus le package salarial devra être attractif », ajoute Elodie Rousseau, avocat à la Cour. Parmi les avantages les plus répandus, nous pouvons citer les chèques repas, les véhicules de fonction, cartes essence, ainsi que la mise à disposition de matériel informatique (téléphone, ordinateur portable, etc.). « Ces avantages en nature doivent reposer sur un principe de non-discrimination et d’égalité de traitement entre salariés d’une même catégorie ».

D’autres avantages, moins connus, concernent majoritairement des postes nécessitant des profils hautement qualifiés, souvent recrutés à l’étranger. « L’employeur peut mettre à disposition un logement et payer les frais de scolarité des enfants du salarié. Il est également libre de subventionner les intérêts d’un prêt, de financer les frais de mutuelle ou encore de proposer un régime de pension complémentaire, ce qui est souvent observé dans le secteur bancaire. Enfin, dans de grosses structures, les employés ont régulièrement la possibilité de prendre des participations à la société sous forme d’actions (stock-options) », explique Catherine Wagener.

La prime d’embauche, un avantage en expansion et attractif

Relativement courante dans les pays anglo-saxons ou encore dans le milieu sportif, la prime d’embauche (sign-on bonus) commence à émerger dans la pratique luxembourgeoise. « Alors que cette pratique n’était pas du tout courante à Luxembourg, nous avons été sollicités à plusieurs reprises à ce sujet durant les derniers mois. Des employeurs souhaitant y avoir recours nous consultent pour s’assurer que cette prime n’est pas contraire au droit luxembourgeois et nous interrogent sur la manière dont elle peut être mise en place ».

Cet avantage consiste en une compensation financière unique que l’employeur s’engage à verser à un nouvel employé au moment de son arrivée. Il a pour principale vocation d’attirer des profils spécifiques ou hautement qualifiés souvent difficiles à recruter, et de les encourager à intégrer une nouvelle structure.

« D’un point de vue juridique, nous n’y voyons rien de problématique. Ce n’est pas interdit par le Code du travail. Il s’agit finalement d’une forme de prime particulière qui n’est pas conditionnée par la réalisation d’objectifs ou résultats, mais par l’embauche même du salarié. Peuvent toutefois surgir des difficultés pratiques. Très souvent, l’employeur souhaitera, en plus, conditionner le paiement à l’engagement du salarié de rester un certain temps dans l’entreprise, généralement une année au moins, faute de quoi il s’engage à la rembourser.  La jurisprudence peut alors considérer une telle clause comme potestative (dépendant de la volonté de l’une des parties), surtout en cas de licenciement avant cette durée de présence minimale, et donc contraire au droit du travail  », analyse Elodie Rousseau.

En cas de démission de l’employé avant le délai de présence convenu, obtenir le remboursement de la prime peut s’avérer complexe dans les faits. « Pour se prémunir contre ce risque d’abus, nous pourrions lui conseiller de différer le paiement au terme de la durée de présence minimale convenue, ou encore d’échelonner celui-ci mensuellement. Ainsi, en cas de démission prématurée, il ne subit qu’une perte limitée. Il peut aussi être utile de prévoir les modalités de remboursement via un avenant au contrat », conclut-elle.

Bien que sa mise en œuvre pratique soulève encore des questions et nécessite des ajustements, cette prime à l’embauche pourrait devenir de plus en plus fréquente pour attirer de nouveaux talents au Luxembourg qui rencontre aujourd’hui des difficultés en matière de recrutement.

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