Avec une hausse attendue de 30% des emplois dans la capitale, certains axes vont encore voir leur situation se dégrader. Un des enjeux que les bureaux-satellites ne résolvent que très partiellement. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/archives)

Avec une hausse attendue de 30% des emplois dans la capitale, certains axes vont encore voir leur situation se dégrader. Un des enjeux que les bureaux-satellites ne résolvent que très partiellement. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/archives)

Annoncé en 2022, en 2023, puis en 2024, le plan de mobilité de la Ville de Luxembourg a finalement été présenté ce mercredi 27 mars. Une «vision» qui a le mérite d’avoir embarqué près de 8.500 personnes, mais qui néglige certains aspects de plus en plus présents.

Le Luxembourg avait le Plan national de mobilité 2035, œuvre de l’ex-ministre de la Mobilité, (déi Gréng), saluée par l’Union internationale des transports publics par un award dans la catégorie «Stratégie de transport public et urbain», le plus convoité des prix, se gargarisait alors le ministère. La Ville de Luxembourg a désormais «son» plan de mobilité, plus épais de 26 pages, mais qui s’appuie en grande partie sur «l’autre», cité à 35 reprises.

Attendu en 2022, puis en 2023 et finalement en 2024, le plan communal conclut que le nombre d’habitants devrait augmenter d’ici 2035 à 179.908 – hyper précis – soit une hausse de 46%; et celui du nombre d’emplois passer de 168.000 à 218.583 (+30%) – d’une tout aussi redoutable précision. Comment gérer la hausse des déplacements (de 857.000 à 1.144.000) et des congestions attendue? En ramenant la part des transports en voiture à 49% et celle des transports publics à 51% et en travaillant sur toute une série d’aspects liés aux déplacements et aux modes de transport. Le plan sera présenté à la population plus tard et les stratégies aussi. 

Son principal mérite est de fédérer autour de lui tous ceux qui sont impliqués dans la mobilité et la description du travail accompli depuis fin 2020 est spectaculaire.

D’accord. Mais… le compte n’y est pas. Quatre exemples.

1. Une participation citoyenne à saluer… et à nuancer

Le «Onse» (notre) de «Notre plan de mobilité pour demain» s’appuie sur la participation citoyenne de près de 8.500 personnes, réparties entre celles qui résident dans la capitale et celles qui entrent dans la capitale tous les matins pour travailler. Soit 3 à 5% des publics visés par cette enquête si l’on s’arrête aux statistiques et pas à ceux qui se cachent derrière. Que disent ceux qui n’ont pas participé à l’enquête de la Ville? Quels sont leurs besoins de mobilité? Quand? Le rapport ne le dit pas.

2. De gros écarts entre les prévisions et la réalité

À l’exception de 1974, rappelait la Fondation Idea dans «», publiée avant l’été dernier, les prévisions n’ont jamais été juste et souvent les écarts étaient entre 20 et 30%. «Le scénario ‘dynamisme positif’ de l’IVL de 2004 entrevoyait pour 2020 un Luxembourg à 395.000 emplois (contre 475.000 dans les faits, soit 20% d’écart), un nombre de frontaliers compris entre 136.000 et 168.000 (contre 200.000) et une population allant de 511.000 à 561.000 habitants (contre 626.000). À l’exception des projections démographiques de 1974 (au cœur de la crise sidérurgique), chacun des exercices démographiques depuis les années 1950 a donné lieu à des sous-estimations d’une ampleur souvent considérable, en raison principalement d’une propension à sous-estimer l’immigration nette (indirectement en raison d’une sous-estimation de la croissance économique et de l’emploi), mais aussi l’espérance de vie future (tendance dans les deux cas à ‘prolonger linéairement’ les évolutions passées). Or ces projections ‘erronées’ ont pu avoir un impact sur les processus de décisions publiques en matière d’aménagement spatial du pays.»

3. Le télétravail ignoré

Autre aspect, également pointé par la Fondation Idea et toujours dans le même document: pour diminuer le nombre de voitures sur les routes luxembourgeoises et a fortiori dans la capitale, rien de tel que… de ne pas les mettre sur les routes. Le Covid a donné un fameux coup de main à une pratique jusqu’à 2020 largement réservée aux 50.000 fonctionnaires (35.000 de l’État et 15.000 communaux): le télétravail.

«En passant de 3 (avant la pandémie) à 31 jours par an d’ici 2050, il permettrait de diminuer le nombre de déplacements frontaliers potentiels de 13,5% par jour ouvrable, donc de l’ordre de près de 67.839 unités, ramenant ainsi le nombre de voitures nécessaires pour combler le manque de capacité des transports en commun pour les frontaliers à 285.461», disent les auteurs, qui, selon leur hypothèse (pages 94 à 96), permettrait de contenir la hausse du nombre de voitures à «9.116 voitures ou de 3,3% en une trentaine d’années». Des chiffres à mettre en rapport avec celui qui concerne les résidents: 54% de leurs postes de travail sont en théorie télétravaillables.

Là, l’enjeu est multiple, puisqu’on ignore encore vraiment si le télétravail a des impacts positifs sur le bien-être individuel et sur la productivité ou les émissions de CO2.

4. Quid de la technologie?

À partir de 2025, les premiers véhicules autonomes de type 4 seront commercialisés. Les géants de la puce électronique, Nvidia, Intel et Qualcomm, ont signé de nombreux accords avec des constructeurs automobiles pour se rapprocher du fameux niveau 5 (l’autonomie complète). Ces puces, véritables cerveaux embarqués, pourront régler tous les problèmes liés à la conduite. Cela ne résoudra pas les bouchons d’un coup de baguette magique, évidemment, mais quel est l’impact, sur la mobilité, de la technologie? Et quels seront les impacts de toutes les technologies autour de la «smart city»? Il est possible d’aller beaucoup plus loin qu’une application de mobilité ou qu’un système de guidage vers les parkings de la ville.

Par exemple, pas besoin d’être fan de science-fiction pour imaginer une voiture autonome qui «livre» son passager et retourne se garer sur des parkings spécifiquement équipés, évitant de tourner autour d’un pâté de maisons à la recherche de la dernière place. La littérature commence à être nourrie sur ces sujets.

Est-ce qu’on ne devrait pas, un jour, prendre ces aspects en compte d’une manière ou d’une autre? Et si possible pas trop tard, puisque les délais entre une décision politique et la mise en pratique de cette décision sont très longs. Très très longs.