La poussée attendue des droites extrêmes et populistes a bien eu lieu. Tous groupes confondus, y compris les non-inscrits – comme le parti allemand AfD exclu du groupe ID, le Fidesz hongrois et le mouvement portugais Chega – la droite de la droite pèse 178 députés. Soit le quart du Parlement européen.
Pour autant, les partis proeuropéens qui soutiennent l’actuelle Commission européenne totalisent 396 députés sur les 720 qui composent l’assemblée – 180 pour le PPE, 138 pour les socialistes et 78 pour les libéraux de Renew. Soit six de moins que lors de la mandature qui s’achève. Mathématiquement parlant, la poussée des droites extrêmes s’est faite aux dépens des libéraux qui perdent 24 sièges à cause de la débâcle de Renaissance en France et des verts qui en perdent 19, principalement en France et aussi en Allemagne. Si le virage à droite doit amener les responsables politiques à se poser les bonnes questions – et notamment celle de comment faire en sorte que les citoyens se sentent écoutés et entendus par les institutions européennes –, les grands équilibres au sein du Parlement sont préservés.
L’avenir des droites extrêmes européennes et leur poids au Parlement dépendront de leurs capacités à nouer des coalitions. Avec d’autres partis et entre eux. Ce qui semble difficile tellement les fractures sont nombreuses, particulièrement sur la question russe.
Cette préservation des grands équilibres devrait se vérifier avec les prochaines nominations aux postes clés de ces institutions.

La réparation des groupes au Parlement européen au soir du scrutin en fonction des groupes existants lors de la mandature qui vient de s’achever Source: Parlement européen)
Le premier acte va se jouer au Parlement européen avec l’attribution de la présidence.
Le poste est occupé depuis le 18 janvier 2022 par Roberta Metsola. Cette députée maltaise est membre du Parti populaire européen (PPE). Elle a remplacé à ce poste David Sassoli, décédé en janvier 2022. David Sassoli qui siégeait au sein du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D). Qui va lui succéder?
Le président du Parlement européen est élu à la majorité des voix des députés européens. Si au premier tour de scrutin, personne n’est élu, de nouveaux candidats peuvent joindre les deuxième et troisième tours. Si aucun vainqueur ne peut être désigné, un quatrième et ultime tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête lors du précédent vote. En cas d’égalité parfaite, c’est le candidat le plus âgé qui l’emporte. Pour se présenter, un candidat doit être soutenu par un groupe politique ou par un minimum de 38 députés.
Théoriquement, les groupes ID et ECR à l’extrême droite du Parlement européen pourraient présenter un candidat. Tout comme les centristes et libéraux et les verts. Fort de ses 180 députés, le PPE peut prétendre à ce poste. Mais pour avoir une majorité stable susceptible de soutenir la prochaine Commission européenne, il a besoin de l’aide des socialistes européens (138 députés) et des libéraux (78 députés). Voire des Verts qui ont une carte à jouer.
La durée du mandat est de deux ans et demi – soit une demi-législature –, ce qui facilite la constitution d’alliances basées sur une présidence tournante. Le président élu, le Parlement devra choisir les 14 vice-présidents et les questeurs. Puis voter sur les commissions qui devront être établies pour les années à venir. Ceci fait, il se mettra en vacance et se réunira en session plénière du 16 au 19 septembre. C’est probablement à ce moment que le ou la président(e) de la prochaine Commission européenne, désignée au sein du Conseil des ministres de l’UE devra se présenter devant les députés.
La première session sera aussi l’occasion pour les députés de choisir le groupe auquel ils seront rattachés.
La question Von der Leyen
La question de la succession d’Ursula von der Leyen sera traitée au sein du Conseil européen.
Mais le poste de président de la Commission européenne n’est pas le seul à pourvoir. Les États membres devront également se mettre d’accord sur l’identité des prochains présidents du Conseil européen – un poste actuellement occupé par le belge Charles Michel (PPE), du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – un poste actuellement occupé par Josep Borrell, socialiste espagnol – et sur l’identité des six membres du directoire de la Banque centrale européenne. Les six membres actuels du directoire – Christine Lagarde, Luis de Guindos, Philip Lane, Piero Cipollone, Frank Elderson et Isabel Schnabel – exercent un mandat de huit ans non renouvelable. Le Conseil européen devra se mettre d’accord en 2026 pour le remplacement de l’actuel vice-président, Luis de Guindos, et en 2027 pour celui de l’actuelle présidente, Christine Lagarde.

La suite des événements. (Source: Service de recherche du Parlement européen (EPRS)
Officiellement, le PPE soutient Ursula von der Leyen. Tout comme le CSV comme le réaffirmait le Premier ministre, , lors de la soirée post électorale de ce 9 juin. Mais l’actuelle présidente de la Commission doit faire face à la réticence de certains États membres, l’Allemagne en tête. Son agenda judiciaire pourrait jouer en sa défaveur. Elle est notamment poursuivie pour favoritisme dans l’affaire de la nomination de Markus Pieper – un député PPE allemand – à un poste important et bien rémunéré au sein de l’exécutif européen. Ursula von der Leyen doit également faire face à diverses procédures relatives à sa gestion des contrats pharmaceutiques lors de la crise Covid. avec quatre autres députées écologistes contre le refus de la Commission qui refuse de communiquer bon nombre de documents relatifs aux contrats passés avec l’industrie pharmaceutique au plus fort de la pandémie afin de lancer une production à grande échelle de vaccins (Auken e. a./Commission, Affaire T-689/21). Une décision est attendue pour avant l’été selon la députée déi Gréng.
Dans leurs choix, les membres du conseil devront tenir compte des rapports de force au sein du Parlement européen qui devra valider le choix du prochain président de la Commission. La pratique institutionnelle veut que ce soit le parti arrivé en tête qui ait l’initiative dans le premier choix. Une pratique qui n’est pas inscrite dans les traités. Pas plus que celle des têtes de liste. Mais cette «convention à la constitution» comme la désigne les juristes s’est bien enracinée.
Candidat socialiste à la présidence de la Commission, apparaît en mauvaise posture. Le prochain commissaire européen devrait bien être . Ce qu’a confirmé Luc Frieden ce dimanche 9 juin. Tout comme il a confirmé son refus de toute alliance à droite de la droite. On en saura plus à l’issue du Conseil européen prévu ces 27 et 28 juin à Bruxelles.
Contacté pour parler de son avenir européen, Nicolas Schmit n’avait pu nous joindre au moment de la mise en ligne de cet article. Article qui sera complété à ce moment.