Luxempart a modifié sa stratégie d’investissement. 2020, année particulière et de transition, a porté tout de même de premiers fruits. (Photo: Maison Moderne)

Luxempart a modifié sa stratégie d’investissement. 2020, année particulière et de transition, a porté tout de même de premiers fruits. (Photo: Maison Moderne)

Le résultat net de Luxempart plonge de 25% dans une année compliquée, mais la valeur du portefeuille et les retours aux actionnaires augmentent de 8 et 10%, préfère remarquer le nouveau tandem de direction John Penning-Olaf Kordes. Le dividende est maintenu à 1,60 euro.

Le retrait de Luxempart de SES n’a pas fait couler beaucoup d’encre, mais il a alimenté nombre de discussions en coulisses. Il est particulièrement révélateur d’un virage qu’a souhaité faire prendre au groupe d’investissement son nouveau duo d’administrateurs délégués (et son comité exécutif).

«Pour nous, SES a été une ligne historique d’une société qui a eu un énorme succès. Qui a aussi largement contribué au succès de Luxempart. C’est devenu une très grosse société, dans laquelle nous avions 1 ou 2%. Notre mandat est de pouvoir investir dans des sociétés où nous pouvons jouer un rôle. Ce n’est pas avec 1% que vous pouvez le faire. D’abord, nous avons réduit notre position et après, nous ne pouvions plus faire notre métier d’investisseurs actifs», explique ainsi John Penning.

«Aujourd’hui, on veut continuer à investir dans des sociétés cotées, mais on veut se constituer un portefeuille plus concentré où on peut jouer un rôle, avoir 10 à 15%, s’allier avec d’autres actionnaires, avoir une place au board, accompagner et agir sur la société. Nos actionnaires, sinon, nous disent qu’ils peuvent acheter le titre eux-mêmes et qu’ils n’ont pas besoin de nous», enchaîne celui qui avait rejoint Luxempart il y a quatre ans, après une carrière chez Deloitte et la création de Saphir Capital Partners, qui a véritablement permis à Luxaviation de décoller.

Moins de lignes, mais plus importantes

La stratégie est aujourd’hui lisible. D’abord, Luxempart veut diminuer le nombre de ses lignes de moitié dans les deux à trois années à venir pour en augmenter leur taille et avoir son mot à dire dans les aventures managériales qu’elle soutient activement.

«Une façon de mitiger le risque est de mettre beaucoup d’attention sur une ligne», assure M. Penning. «Nous ne sommes pas un fonds, nous n’avons pas un horizon d’investissement limité dans le temps. Nous ne retournons pas le capital à nos actionnaires, mais nous payons un dividende, ce qui nous permet d’accompagner les entreprises de façon beaucoup plus longue. Aujourd’hui, ça rassure les entrepreneurs et ça élimine la frustration du private equity obligé de revendre tous les trois à cinq ans, sans réaliser ce qu’ils avaient envie de réaliser.»

«L’entrepreneur face à l’accélération du changement est souvent un petit peu seul», renchérit Olaf Kordes, Luxembourgeois parti étudier et travailler à Paris, chez Arthur Andersen puis chez Alpha Private Equity depuis 1999, et de retour au pays. «Les meilleurs cherchent à s’appuyer sur des gens extérieurs avec lesquels ils ont noué des relations. Nous sommes investis dans une grosse trentaine de lignes avec l’objectif de réduire ces lignes, auxquelles nous apportons notre expérience managériale. Des problèmes, on en a vus au cours de nos carrières, et a priori beaucoup plus que si on était une mono-entreprise. Si ça change plus vite et qu’au bout de cinq ans on juge que c’est le moment, parce qu’on a franchi une étape, de réfléchir à une autre transaction, nous ne sommes pas dogmatiques. Ce qui est différenciant est qu’on ne va pas chercher à activement céder au bout de quatre ou cinq ans.»

L’idée est de viser un ticket de 50 millions d’euros par transaction, mais en ayant de la flexibilité, «on peut commencer beaucoup plus bas, pour autant que nous ayons la conviction qu’à terme, nous aurons un investissement de cet ordre de grandeur. Si on a une belle société qu’on peut renforcer ensuite par des acquisitions…», ajoute M. Kordes.

De 250 à 500 millions d’euros dans des fonds en cinq ans

Et d’un autre côté, la société liée aux actionnaires du groupe Foyer entend investir dans des fonds pour «être exposés à des choses auxquelles nous ne pourrions pas être exposés en direct pour des raisons de segment, de compétences ou géographiques. Nous avons décidé de constituer un portefeuille de fonds plus diversifié qui va au-delà de l’Europe et qui ne fait que du buy-out. On aimerait allouer plus d’argent à de la croissance et du VC, plutôt les start-up. Nous voulons doubler ce segment en taille sur les cinq années à venir. Nous sommes environ à 250 millions d’euros aujourd’hui et nous voulons arriver à 500 millions avec une équipe interne dédiée», ajoute M. Kordes.

Les premiers résultats des deux hommes montrent une hausse de la valeur du portefeuille de 1,575 milliard d’euros l’an dernier à 1,7 milliard, mais un résultat net qui chute de 25% à 157 millions d’euros.

«Il y a deux messages-clés» dans les résultats, décortique M. Kordes. «L’actif net, plus important pour nous que la croissance du patrimoine, est en croissance de 8% pour atteindre 1,7 milliard d’euros. Nous sommes très contents, en cette année de Covid-19, de pouvoir montrer une croissance de la valorisation de notre patrimoine. Le retour pour l’actionnaire, la croissance de l’actif, mais aussi le dividende que nous payons sont de l’ordre de 10%. C’est très satisfaisant. En dehors de la première concrétisation de la stratégie, notre portefeuille a très très bien résisté dans ces temps incertains et compliqués, ce qui montre la pertinence de la politique d’investissement. Je le dis d’autant plus ouvertement que je ne suis arrivé qu’il y a un an. C’est extrêmement important. Nous avons plus de 60% des sociétés que nous avons en portefeuille qui sont en croissance de résultat, parce que nous avons eu la chance ou la stratégie de ne pas trop investir dans des secteurs aujourd’hui très affectés.»

Zooplus, symbole de 2020

«C’est un peu de la chance», complète M. Penning. «Si vous êtes investis dans des restaurants ou des hôtels, c’est très dur. Nous avons une petite exposition à du tourisme ou du loisir via des fonds français, mais qui finalement s’en tirent pas trop mal. Les sociétés ont pu s’adapter et réduire leurs coûts. Quand les vaccinations seront plus avancées, ces sociétés pourront rebondir, sur la base de l’envie des gens d’aller au resto, d’aller en vacances, d’aller à des concerts et au cinéma. Nous sommes aussi exposés à une société qui est le leader dans la vente en ligne de nourriture et accessoires pour animaux domestiques, Zooplus. C’était la volonté d’investir dans des secteurs à forte croissance. C’est vrai que ce genre de secteur a accéléré. Nous croyons beaucoup dans cette société, car il est assez évident que c’est plus pratique de vous faire livrer à domicile que d’aller acheter des sacs de 20 kilos!»

Ce qui n’a pas empêché Luxempart de céder une partie de sa participation en 2020. Du côté des mouvements «remarquables», le rapport annuel évoque:

- les investissements de 112 millions d’euros concernent principalement une prise de participation minoritaire dans Enoflex, une société leader dans les systèmes de fermeture pour bouteilles de vin et de champagne, l’augmentation de capital d’Atenor dans le cadre d’un renforcement des fonds propres en ligne avec le plan de développement de la société et l’acquisition d’une position de 5,1% dans SNP, un prestataire de services informatiques spécialisé dans le domaine de la migration de données pour les logiciels d’entreprise ERP, en particulier SAP;

– de nouveaux engagements pris dans des fonds d’investissement européens et américains qui vont être appelés au cours des prochaines années;

- les désinvestissements de 149 millions d’euros concernent principalement la cession de Mehler Vario System pour un multiple de près de 4 et la cession de LPKF pour un multiple de 2,5;

- Luxempart a également cédé près de la totalité de sa participation dans SES;

- tout en gardant une participation importante dans Zooplus, Luxempart a profité d’une augmentation significative du cours de bourse de cette société en pleine croissance pour céder une partie de sa ligne;

- le groupe a reçu des distributions en provenance des fonds d’investissement pour environ 25 millions d’euros.

En termes de perspectives, 2021 a démarré sur les chapeaux de roue avec une cinquantaine de millions d’euros investis ou en cours d’investissement:

- 25 millions d’euros dans Sogetrel, une société française active dans la construction et la maintenance de réseaux de télécommunication;

- 25 millions d’euros dans iM Global Partners (sous réserve de l’approbation des autorités de surveillance), une plateforme d’investissement et de distribution mondiale dédiée à la gestion d’actifs;

- engagement de souscrire jusqu’à 20% de l’émission obligataire convertible de 60 millions d’euros émise par Schaltbau, pour conserver une position d’actionnaire de référence, avec les autres actionnaires;

- cession de 15% dans NMC (via ICP) en réalisant un rendement annuel de 15%;

- engagement pour 25 millions de dollars dans un fonds d’investissement américain.