La légende Kent Beck sera au Luxembourg la semaine prochaine pour travailler avec les développeurs de Lifeware. Une première pour celui qui a été parmi les signataires du manifeste Agile. Entre autres. (Photo: Robert Opyio Creatives)

La légende Kent Beck sera au Luxembourg la semaine prochaine pour travailler avec les développeurs de Lifeware. Une première pour celui qui a été parmi les signataires du manifeste Agile. Entre autres. (Photo: Robert Opyio Creatives)

L’Américain Kent Beck, signataire du manifeste Agile et expert de l’extreme programming, viendra coacher fin mai la vingtaine de PHD de l’entreprise suisse Lifeware, installée au Luxembourg depuis 2017. Un moment très particulier.

«Nous étions de bêtes mathématiciens!» Massimo Arnoldi s’en souvient encore. Un des trois fondateurs de Lifeware, avec Markus Bieri et Giovanni Müller, venait de terminer le premier système de gestion d’assurance de A à Z pour Credit Suisse. «Notre CEO était si content que, comme cela se faisait dans le monde des fonds et de l’investissement, ils nous a demandé ce que nous voulions. Nous avons répondu une review de notre technologie avec un gourou de la tech de la Silicon Valley.» En 1998, Kent Beck n’a pas encore signé , n’a pas encore commencé à travailler pour Facebook et n’a pas non plus encore tout à fait finalisé sa méthode sur l’extreme programming (XP) mais il s’est déjà imposé chez Apple et chez Chrysler.

Arrivé directement de San Francisco à Zurich, le développeur, peintre et joueur de poker a à peine un mot pour dire que c’est bien. Et surtout une question: «Quand voulez-vous sortir la deuxième version?» Les trois ingénieurs se regardent et comprennent qu’il faudra agir plus vite et reproduire leurs efforts régulièrement.

Une spin-off de Crédit Suisse

C’est là que naît , à la faveur du rachat de Winterthur par Credit Suisse. «Nous étions 60 sur l’assurance chez Credit Suisse et ils étaient 5.000 chez Winterthur. La spin-off était née», s’amuse encore M. Arnoldi, tout en modestie.

Kent Beck est devenu actionnaire de l’insurtech-wealthtech l’année d’après, à une époque où personne ne parlait encore ni d’insurtech ni de wealthtech. Le développeur star est aujourd’hui encore membre du conseil consultatif et, la semaine prochaine, à Luxembourg pour la première fois, il ira motiver la vingtaine de doctorants, principalement en mathématiques, qui travaillent dans la filiale luxembourgeoise de la société, amenés au Luxembourg en 2015 par Matt Moran, aujourd’hui associé à la tête de l’assurance chez PwC.

Lifeware, explique son CEO, Paolo Cattaneo, «ce n’est pas de la rocket science, même pas très exotique. Juste une plateforme de logiciels comme un service pour l’industrie de l’assurance-vie, qui a su séduire La Mondiale, Wealins, Zurich, AG2R ou SunLife» autour d’une idée «simple»: avoir en permanence une infrastructure technologique en ligne avec les évolutions technologiques et réglementaires. «Nous accompagnons en permanence nos clients et nous mettons leur infrastructure à jour au moins une fois par semaine», explique M. Cattaneo.

Un client par an «seulement»

25 ans plus tard, Lifeware «ne veut pas être le prochain Google ou même le prochain ChatGPT – pour être dans les buzzwords du moment», assure encore le CEO, «mais une société qui assure la meilleure qualité de service à ses clients». Des clients qu’elle va «chercher» au rythme d’un par an, sans jamais avoir eu besoin de capital extérieur pour grandir, elle qui engrange 30 millions d’euros de revenus annuels. «Nous générons des bénéfices depuis le début, cela nous a permis de financer nos développements en conservant 100% de notre capital entre les mains de nos fondateurs… et bientôt de nos employés méritants.» Une cinquantaine (de la centaine) d’employés sont tellement impliqués dans ce développement linéaire et rassurants qu’ils seront ainsi récompensés.

Le CEO de Lifeware, Paolo Cattaneo, et un des fondateurs, Massimo Arnoldi, à la tête d’une entreprise qui a choisi de grandir à son rythme, à un nouveau client par an «seulement». (Photos: Lifeware. Montage: Maison Moderne)

Le CEO de Lifeware, Paolo Cattaneo, et un des fondateurs, Massimo Arnoldi, à la tête d’une entreprise qui a choisi de grandir à son rythme, à un nouveau client par an «seulement». (Photos: Lifeware. Montage: Maison Moderne)

Au lieu d’une pléthore de logiciels compliqués à connecter, Lifeware s’appuie sur les mathématiques pour rendre tout opérationnel, interconnecté et plus rapidement. «Le fait qu’ils aient dû démarrer en Suisse, dans un environnement en quatre langues et aux 25 taux d’imposition, s’est inscrit dans leur ADN et ce qui fait que leur arrivée au Luxembourg faisait particulièrement sens», analyse Matt Moran.

«L’automatisation est notre mantra. Parce que cela aide à réduire les coûts et les risques avec une plateforme toujours prête à être améliorée», ajoute M. Cattaneo. «Nous voulons croître au rythme d’un client par an.»

Migration et maintenance

Si beaucoup d’entreprises passent à une nouvelle technologie en conservant la précédente au cas où, Lifeware intègre tout l’héritage au point de rendre les versions précédentes inutiles.

Que gagnent les clients? «La maintenance d’outils technologiques coûte cher, il faut avoir les gens pour les maintenir. Quand ils passent à notre technologie, ils comprennent vite l’intérêt. Comme ils comprennent vite pourquoi leur digitalisation va aller beaucoup plus vite et en respectant les pré-requis des régulateurs», explique M. Cattaneo. Et quand les besoins vont vers la cybersécurité ou l’identification forte, de plus en plus des exigences de ces fortunés clients, l’insurtech noue des partenariats stratégiques. «À chacun son métier», justifient le CEO et le fondateur comme un seul homme.

Même pas blasés après ces 25 ans passés au milieu de ces doctorants (plus de 50% de l’effectif). «C’est très chouette comme entreprise. Tout le monde est très impliqué. Nous avons beaucoup de liberté d’expérimenter. Nous parlons tous le même langage, à la fois pour la technologie et pour notre relation particulière à nos clients.»

La semaine prochaine, parlera aussi ces deux langages. Plus tous ceux, informatiques, qu’il maîtrise pour accélérer de petites évolutions en permanence comme autant de petites rivières qui font les grands fleuves du changement. Sa philosophie n’a jamais changé: «explore, expand, extract». La définition même de l’extreme programming appuyé sur la méthode Agile, . C’était en 1997.