Après 14 mois à bord de la Station spatiale internationale, les 12 bouteilles de Château Petrus 2000 sont rentrées le 14 janvier. Une première dégustation, le 1er mars, a lancé le début de la recherche scientifique autour de l’impact du réchauffement climatique sur le vin. (Photo: Space Cargo Unlimited)

Après 14 mois à bord de la Station spatiale internationale, les 12 bouteilles de Château Petrus 2000 sont rentrées le 14 janvier. Une première dégustation, le 1er mars, a lancé le début de la recherche scientifique autour de l’impact du réchauffement climatique sur le vin. (Photo: Space Cargo Unlimited)

Les 12 bouteilles de Petrus 2000 envoyées dans l’espace par la start-up luxembourgeoise Space Cargo Unlimited sont revenues sur Terre. Et elles ont commencé à livrer leur verdict dans le cadre des recherches scientifiques autour des conséquences du réchauffement climatique.

«La vigne est le canari dans la mine: elle est la première à ressentir l’impact du réchauffement climatique.» Six ans après le début de son aventure avec Emmanuel Etcheparre, Nicolas Gaume, CEO et cofondateur de Space Cargo Unlimited, livre une première analyse. «Nous avons grandi avec l’amour de la science et l’esprit d’entreprise. Des enfants de Jules Verne et de Louis Pasteur. C’est en étudiant le vin que Louis Pasteur a découvert la pasteurisation et une partie de ses théories.»

«La Terre change, et nous devons agir. Comment nous nourrirons-nous demain? Et comment nourrirons-nous nos enfants demain? Dans les années 1970, les grandes maisons de Bordeaux produisaient des vins à 11 ou 12 degrés. Aujourd’hui, les mêmes terroirs sont plutôt à 14 degrés. Et demain?», s’est interrogé l’entrepreneur.

Ce mercredi, à la mairie de Bordeaux et en présence du maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, les deux entrepreneurs ont présenté une première salve de retours d’expérience après la dégustation de la première des 12 bouteilles de Petrus 2000 qui ont passé 14 mois – 438 jours et 19 heures – dans la station spatiale internationale, à 450 kilomètres de distance de la Terre, grâce aux agences spatiales française, européenne et américaine et à des partenaires comme Thales, SpaceX ou Blue Origin. Ce n’est pas rien puisque les récipients en verre et l’alcool sont tous les deux interdits habituellement sur la Station spatiale internationale.

Deux à trois années de plus que le Petrus 2000 «normal»

«L’espace a des clés environnementales qu’on connaît mal», a assuré M. Gaume. «On a recréé, dans l’espace, tous les paramètres terrestres à l’identique, sauf un: la gravité, un élément fondamental qui n’a pas changé depuis plus de quatre milliards d’années. Lorsqu’on enlève la gravité, on crée un stress prodigieux, et la nature réagit et établit une stratégie. Nous espérons que ce stress et cette stratégie nous montreront une voie à suivre», a commenté le dirigeant de la start-up luxembourgeoise Space Cargo Unlimited.

Symboliquement, lors de la conférence de presse diffusée sur Teams, Nicolas Gaume a sorti une des 12 bouteilles de son emballage pour l’espace. (Photo: USC)

Symboliquement, lors de la conférence de presse diffusée sur Teams, Nicolas Gaume a sorti une des 12 bouteilles de son emballage pour l’espace. (Photo: USC)

Habituellement profond et charnu, particulièrement indiqué pour les foies et les volailles, le Château Petrus 2000, qui s’échange autour de 3.000 à 4.000 euros la bouteille, n’a pas été endommagé dans l’espace, ont assuré les différents experts qui se sont succédé pour rendre compte de leurs premières impressions. La première dégustation s’est déroulée le 1er mars, à l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux, qui a organisé une dégustation organoleptique pour 12 spécialistes, conduite par Philippe Darriet, directeur de l’unité de recherche Œnologie de l’Institut. 

Il a fallu la même force d’extraction pour la déboucher qu’un Petrus 2000 qui n’est pas allé dans l’espace, signe que le bouchon a joué son rôle. Des différences sont apparues en termes de couleurs, d’arômes et de goût.

«Le vin a survécu», s’est ainsi félicitée la célèbre critique Jane Anson. «Les tanins semblent plus soyeux, plus évolués, et le côté aromatique est plus accentué, notamment sur la violette. Il semble plus fumé aussi. Je dirais qu’il semble avoir deux à trois années de vieillissement supplémentaires par rapport au même vin qui est resté sur Terre.»

Les 320 sarments de vigne revenus sur Terre ont été replantés en Bretagne et leur développement est spectaculaire, même s’il est encore prématuré d’en tirer des conclusions. (Photo: Space Cargo Unlimited)

Les 320 sarments de vigne revenus sur Terre ont été replantés en Bretagne et leur développement est spectaculaire, même s’il est encore prématuré d’en tirer des conclusions. (Photo: Space Cargo Unlimited)

Les expériences sur ces 12 bouteilles vont se poursuivre jusqu’à la publication d’un premier papier scientifique autour de ces recherches. Dans l’intervalle, 320 sarments de vigne sont aussi revenus et ont été replantés en Bretagne dans les serres du groupe Mercier, leader mondial dans la production de plants de vigne et la création de vignobles, avec lequel Space Cargo Unlimited a scellé un partenariat stratégique. «Le premier retour, mais il est encore beaucoup trop tôt pour en tirer des conclusions», a dit M. Gaume, «semble indiquer que la vigne pousse beaucoup plus vite, qu’elle a plus de feuilles et donne plus de fruits.»

Les 12 bouteilles de Petrus ont pris la direction de la Station spatiale internationale le 2 novembre 2019, avec le soutien technique de Thales Alenia Space et de l’entreprise américaine Nanoracks, pour revenir sur Terre le 14 janvier dernier à bord d’une capsule Dragon (SpaceX), avant de rejoindre Bordeaux pour démarrer un programme de recherche et d’analyses qui va se poursuivre plusieurs années. Space Cargo Unlimited travaille avec des équipes et des partenaires à Bordeaux et Toulouse (France), Erlangen (Allemagne) et Turin (Italie) dans le cadre de la mission Wise.