Il est 8h30 ce 1er février. La salle de réunion du 5e étage des bureaux d’Elvinger Hoss Prussen offre une belle vue sur Luxembourg, où le soleil qui commence à percer les nuages laisse deviner que la journée sera belle. Pour Luc Frieden, elle sera également longue. Au soir, le comité national du CSV le désignera à l’unanimité comme Spëtzekandidat pour les prochaines élections législatives, dix ans après avoir quitté la Chambre des députés pour s’investir dans des mandats privés, rémunérés ou non.
Le pas décidé, la poignée de main ferme, le regard droit et franc, l’ancien ministre respire la forme. À 59 ans, il a gardé sa taille filiforme de jeune homme. «J’ai la chance d’avoir un bon métabolisme», s’excuse-t-il presque au terme . Devant un café, il évoque les raisons de son retour, motivé notamment parce que «le Luxembourg se trouve face à de grands défis» et «que le gouvernement actuel est en panne». Puis, sans entrer dans les détails «d’un programme qui est encore à élaborer au sein du CSV», il évoque sa vision de la société, sa volonté d’une croissance durable et inclusive, d’une place financière forte, d’un état social qui doit l’être tout autant pour contribuer à la cohésion sociale, d’un plan Marshall pour la transition énergétique et la digitalisation, d’un allègement de la pression fiscale sur les classes moyennes et sur les entreprises… Autant d’éléments qui se retrouveront évidemment dans le programme du parti centriste.
Au fil des questions, l’évidence apparaît: la «bête» politique n’était pas morte, juste en sommeil. Elle est de retour, animée par un regain d’énergie «dont j’avais besoin en 2013», prête à assumer son rôle de chef de meute, mais aussi de mentor auprès des jeunes «que je veux inclure dans notre projet».
Rusé, Luc Frieden sait que, malgré l’accueil enthousiaste réservé par les cadres du comité national, il devra néanmoins convaincre – dans ses propres rangs, mais aussi dans l’électorat – qu’il est l’«homo novus» du CSV. Dans l’Antiquité romaine, ce dernier était un plébéien qui n’avait jamais occupé de charge publique, «un homme nouveau». Ce n’est pas son cas, mais ceux qui douteraient qu’il incarne bel et bien le renouveau «me connaissent mal», dit-il.
Lire aussi
Il confesse aussi «avoir changé depuis ces dernières années». Luc Frieden ne reniera jamais une image de «sérieux et de rigueur, qui est ce que je suis». Mais avoue par le passé avoir pu «apparaître distant, éloigné des gens».
Son premier défi sera donc de convaincre qu’il est resté celui qu’il était… tout en ayant changé (en bien). Pour cela, il compte dans les prochains mois «sillonner le pays pour aller à la rencontre des gens, les écouter et échanger avec eux». Un travail de terrain qui devra adoucir son image d’intellectuel-technicien plus proche de la bourgeoisie aisée de la capitale que de la middle class de la périphérie. En outre, il se voudra un moteur de la confection du programme électoral et de la stratégie qui sera ensuite déployée. Alors que, «in illo tempore», il a rarement souhaité s’impliquer dans les instances internes du CSV.
Oui, la bête est réveillée. Et elle a faim. Peut-être plus que jamais auparavant.