Un comité de crise a été créé à la Banque de Luxembourg pour gérer la situation pandémique et appliquer quotidiennement le plan de continuité des activités. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Un comité de crise a été créé à la Banque de Luxembourg pour gérer la situation pandémique et appliquer quotidiennement le plan de continuité des activités. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Qu’est-ce qu’une banque sous «Covid mode»? C’est un peu l’avènement des Cassandre, soit des risk managers: eux qui anticipent toujours les pires scénarios ont enfin pu prouver qu’ils avaient raison. Coup d’œil dans le rétroviseur à la Banque de Luxembourg avec Étienne Planchard, chief risk officer, et Florence Navarro, head of HR services.

Paperjam est allé à la rencontre de CEO, chairmen ou managers pour évoquer avec eux la manière dont ils ont affronté la crise sanitaire, depuis les premières heures. Entre moments de doute et d’espoir, ils reviennent sur cette période qui a secoué le monde de l’entreprise à bien des égards.

En mars 2020, à l’annonce du confinement, que se passe-t-il chez Banque de Luxembourg ?

Étienne Planchard. – «Nous avions vu arriver cette possibilité, il n’y a pas eu d’effet de surprise… À l’automne 2019 déjà, nous avions revu notre dispositif et anticipé ce risque. En février 2020, nous avons créé un ‘comité de crise’ avec les représentants de tous les métiers de la banque. Au début, on se réunissait trois fois par jour, mais c’était intenable. Nous sommes passés à une fois par jour assez vite. Avant le confinement, nous avions aussi séparé les équipes sur trois sites: boulevard Royal, Howald, et notre centre de back-up à Munsbach.

En quoi consistait ce comité de crise?

E.P. – «Il veillait à la santé et au bien-être des salariés, à préserver la relation avec les clients, sécuriser le dispositif IT et les données de la banque pour le télétravail, et à rester en conformité avec la législation gouvernementale ainsi que la CSSF. Les équipes du service de gestion des risques ont l’habitude d’élaborer des scénarios en cas de problème. Nous avions travaillé sur un plan de continuité de l’activité en cas de crise et nous faisions régulièrement des tests, mais rien ne vaut la mise en pratique, qui a effectivement rejoint la théorie.

Les confinements ont-ils eu une répercussion sur votre activité de banque privée ?

E.P. – «Oui, mais au sens positif. 2021 a été une très bonne année sur les marchés boursiers, comme les autres, nous avons bénéficié de cette croissance et l’activité a été soutenue, malgré les confinements. Sur l’activité de banque privée, il est particulièrement important de garder le lien de confiance privilégié avec nos clients. Nous avons constaté que, même avec les plus âgés, l’utilisation des outils numériques a été efficace et s’est renforcée durant cette période, créant de nouvelles habitudes qu’ils ont gardées. Avec nos clients entrepreneurs, nous n’avons pas enregistré de faillites supplémentaires dues à la période, nous avons continué à les financer, et le gouvernement leur a apporté son aide également. Je crois que durant cette pandémie, nous nous sommes encore plus rapprochés de nos clients, comme banquiers, mais aussi par solidarité humaine.


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Vos salariés ont-ils télétravaillé depuis différents pays?

Florence Navarro. – «Il y a évidemment beaucoup de frontaliers parmi nos équipes, mais nous avons autorisé les accès uniquement vers leur résidence principale en France, Belgique, Allemagne. Il n’était pas possible de travailler à distance depuis une résidence secondaire dans un pays éloigné. Par ailleurs, il y avait toujours des permanences au bureau, par rotation.

Les salariés étaient-ils inquiets? Comment avez-vous répondu à cela?

F.N. – «Dans la cellule de crise, la DRH a été désignée comme relais du service communication et nous avons communiqué avec les salariés deux fois par jour au moyen d’un ‘flash news Covid’, où ils pouvaient trouver les protocoles sanitaires internes, mais aussi les coordonnées du médecin du travail ainsi que d’autres infos pratiques, et plus tard, d’une newsletter ‘stay teleconnected’. Celle-ci était plus destinée à garder le contact entre le manager et ses équipes, on y trouvait des formations pour le management à distance et des outils pour récolter les besoins des collaborateurs.

Personnellement, je trouve qu’avec les réunions en visio, tout le monde est à l’heure et l’ordre du jour est mieux respecté.
Étienne Planchard

Étienne Planchardchief risk officerBanque de Luxembourg

Votre souvenir le plus marquant de cette pandémie?

F.N. – «Ce qui m’a frappée, c’est la solidarité entre les équipes et au sein des équipes, notamment en ce qui concernait la garde des enfants et le ‘homeschooling’. Et aussi le travail constructif avec la délégation du personnel.

E.P. – «Il n’y a pas eu de moment de panique. J’ai été très agréablement surpris par la grande capacité d’adaptation de nos collaborateurs, par leur esprit de responsabilité aussi. Nous avons tous prouvé que nous formons une entreprise agile, pas seulement en théorie.


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Racontez-nous une situation où vous avez rencontré une difficulté particulière.

F.N. – «Nous avons eu deux cas de salariés qui vivaient chacun seul, en appartement, et se sentaient en situation d’isolement très marqué. Nous avions alors des rotations de présence obligatoire au bureau et nous les avons complètement bouleversées pour leur donner la priorité. À l’inverse, les plus fragiles sont restés en télétravail total plusieurs mois.

E.P. – «Les problèmes les plus réguliers concernaient les familles avec enfants en bas âge qui devaient se réorganiser. On a permis l’accès aux systèmes informatiques dès 6h30 le matin, mais pas au-delà de 20h30 le soir, pour des raisons de sécurité, mais aussi pour éviter des amplitudes horaires de travail trop intenses.

Estimez-vous qu’il y a eu une évolution dans vos protocoles de gestion du Covid?

F.N. – «Lorsqu’un cas se présente aujourd’hui, il y a une boîte mail et une page dédiée sur notre intranet, mise à jour en fonction des informations gouvernementales, et le salarié peut tout gérer à distance et en toute autonomie. Globalement, les cas de Covid chez Banque de Luxembourg ont suivi la courbe nationale, il n’y a pas eu de cluster.

E.P. – «Nous avons tout connu: la cantine ouverte, puis fermée, puis rouverte en 2G+, les masques, sans masques, puis re-masques en réunion aujourd’hui… Nous utilisons le CovidCheck seulement depuis que c’est devenu obligatoire, avec des bornes à chaque entrée. Et cela se passe très bien, c’est basé sur la responsabilité de chacun et le principe de confiance.

Quels enseignements ou habitudes allez-vous conserver de cette période lorsque tout sera terminé?

E.P. – «Les moments inattendus sont toujours source d’une grande richesse d’enseignement. Nos clients ont trouvé un intérêt à ce que nous nous rapprochions d’eux. Il faudra s’en souvenir. Sur le télétravail, nous étions timides. Aujourd’hui, je pense que le télétravail ‘raisonnable’ reste dans l’intérêt de tous, car il a clairement apporté une meilleure qualité de vie aux collaborateurs. En tant qu’employeur, nous avons montré que nous pouvions innover, peut-être au-delà de ce que nous pensions. Personnellement, je trouve qu’avec les réunions en visio, tout le monde est à l’heure et l’ordre du jour est mieux respecté. Enfin, je pense que le télétravail apporte de réelles économies à l’entreprise en matière d’infrastructures, à ne pas négliger.»

F.N. – «Au bureau également, certains modes de travail vont rester: davantage de réunions en visio, qui se sont avérées très efficaces, et moins de déplacements inutiles dans nos autres bureaux. Ce que nous avons tous hâte de retrouver: les événements en présentiel!»