Les syndicats s’interrogent sur l’efficacité d’une recommandation générale au télétravail en temps de crise, sans règles précises à ce sujet. (Photo: Shutterstock)

Les syndicats s’interrogent sur l’efficacité d’une recommandation générale au télétravail en temps de crise, sans règles précises à ce sujet. (Photo: Shutterstock)

Le gouvernement recommande le télétravail. Pourtant, les dispositions de la loi Covid n’imposent pas sa pratique renforcée, et son obligation a même été supprimée dans la fonction publique. La responsabilité est laissée aux partenaires sociaux et aux employeurs. Ce que regrettent plusieurs syndicats.

Le télétravail reste d’application, a indiqué le gouvernement luxembourgeois, , votées . «Le monde du travail est réglé par des recommandations qui sont constamment adaptées», a ainsi expliqué la ministre de la Santé  (LSAP). Rappelant que «le patron a l’obligation d’assurer la sécurité et la santé de ses collaborateurs». De suite, le Premier ministre  (DP) a insisté: «Le télétravail n’est certainement pas levé. Partout où cela est possible et partout où cela est faisable, le télétravail sera maintenu.»

Il s’agit donc là d’une recommandation, et non d’une obligation, relève la Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH) dans son avis sur le projet de loi 7743. «Ceci correspond à la position de la Commission européenne, qui, dans une communication du 2 décembre 2020, recommande la mise en place de solutions de travail à distance chaque fois que cela est possible. (…) La CCDH constate pourtant que, depuis octobre 2020, les différents projets de loi ayant introduit des mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 n’ont fait aucune mention d’un recours renforcé au télétravail.»

Laisser la liberté aux partenaires sociaux

Pourquoi ne pas inscrire le recours au télétravail, en le détaillant de manière précise, dans les lois Covid? «Il y a eu une convention sur le télétravail conclue entre les partenaires sociaux. Je pense que le gouvernement voulait que les partenaires sociaux s’accordent», répond , avocat spécialisé en droit du travail.

, elle vise à clarifier le cadre légal autour de cette pratique dans le secteur privé, mais cela vaut au-delà de la crise sanitaire. Dans celle-ci, il apparaît que les partenaires sociaux ne voulaient pas que le télétravail puisse prendre à un moment ou un autre la forme d’une obligation. En parallèle, Me Castegnaro rappelle que la demande de pétitionnaires pour un «droit» au télétravail pour le salarié  en son temps. Selon l’avocat, la question de rendre le télétravail obligatoire revient en réalité à se demander si, pendant la crise, le salarié peut revendiquer un «droit» au télétravail ou non.

Mais, malgré tout, le gouvernement pourrait-il imposer le télétravail par la loi, au moins pendant la crise? «À mon avis, cela poserait pas mal de problèmes au niveau de la liberté des entreprises», estime Guy Castegnaro. 

Responsabilité de l’employeur

Et quand bien même on donnerait malgré cela une base légale au télétravail obligatoire, «une loi générale ne sert à rien, elle doit être précise». Or, il existe tant de différences selon les secteurs, ou les entreprises au sein d’un même secteur, qu’il serait difficile d’être exhaustif.

En Belgique, où , des contrôles ont quand même lieu pour voir s’il est appliqué, relève la .

Guy Castegnaro rappelle que l’employeur doit de toute façon . Ainsi, si les conditions de travail au bureau, par exemple dans certains open spaces, ne le permettent pas, et que les tâches peuvent être effectuées à domicile, l’employeur devrait proposer le télétravail à ses salariés pour respecter les règles sanitaires liées au Covid-19. «On rend responsable chaque employeur.»

Et pourquoi pas de limite au nombre de personnes par mètre carré en open space, comme c’est le cas dans les commerces? «On pourrait le faire», dit l’avocat. Mais là encore, les employeurs sont déjà tenus d’appliquer les règles sanitaires en vigueur, dont la distance minimale de 2 mètres.

Le paradoxe de la fonction publique

Des règles plus précises sur le télétravail en temps de crise auraient malgré tout été les bienvenues pour les syndicats. «Effectivement, il y a une recommandation générale, on dit que c’est la responsabilité de l’employeur de savoir garder la santé de ses salariés, mais on ne va jamais dans les détails. On se demande quel impact ça a réellement», commente Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL. «S’il y a trop de monde, il y a des règles à respecter au niveau des commerces, mais pas pour les salariés.» Conscient que le télétravail n’est pas applicable pour tous, le syndicat ne demande pas une obligation, mais «au moins une règle, si les mesures sanitaires ne peuvent pas être appliquées et que l’emploi est télétravaillable».

Dans la fonction publique, le gouvernement avait rendu le télétravail obligatoire à plein temps quand cela était possible lors des dernières restrictions fin 2020, mais il a décidé de supprimer cette obligation. La liberté est donc à nouveau laissée aux chefs d’administration d’autoriser le télétravail jusqu’à quatre jours par semaine. Une contradiction entre les recommandations nationales et leur application dans le service public, que pointe d’ailleurs également du doigt la CCDH dans son avis.

D’un côté, on utilise le slogan ‘Restez à la maison’, et de l’autre, on ne prend pas la décision de prolonger cette obligation.

Steve Heiligersecrétaire généralCGFP

Tout comme la Confédération générale de la fonction publique (CGFP): «Nous aurions préféré une obligation par les temps qui courent, nous sommes encore en temps de crise», déclare Steve Heiliger, secrétaire général, qui prévoit des décisions différentes selon les chefs d’administration. «D’un côté, on utilise le slogan ‘Restez à la maison’, et de l’autre, on ne prend pas la décision de prolonger cette obligation.» Au-delà de la crise, le syndicat espère aussi que des règles claires encadrant la pratique dans la fonction publique entreront dans un règlement grand-ducal.