«Les marques de café Grand’Mère, L’Or, Senseo, Jacques Vabre, Velours Noir, Maxwell et Tassimo ont décidé de nous imposer une hausse de prix de 25% que nous avons souhaité négocier. En réaction, la multinationale a décidé de ne plus nous livrer. Désolé pour la gêne occasionnée»: voilà le texte publié par Intermarché sur des affichettes visibles ces derniers jours dans les allées de ses supermarchés en France.
Face à la hausse du prix des matières premières, Jacobs Douwe Egberts a revu ses tarifs, une pratique par ailleurs fréquente pour de nombreux fabricants en ce début d’année. Sauf que l’enseigne aux mousquetaires n’a pas accepté et les livraisons ont cessé, quelques jours du moins. Car vendredi 4 février, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a appelé le fournisseur à réapprovisionner les points de vente, tandis qu’en coulisse, les tractations continuent jusqu’au 1er mars.
Cet exemple n’est pas unique en son genre: au Royaume-Uni, environ 70 références Colgate-Palmolive ont été retirées des rayons du géant de la distribution Tesco. Là aussi, un conflit tarifaire est à l’origine de la mesure.
Un rapport de force différent
Ceux-ci ne sont pas rares, mais ce qui l’est davantage, c’est que les fabricants décident de ne plus livrer les supermarchés, et donc freinent potentiellement leurs volumes de ventes. Ces dernières années, il arrivait que des enseignes – en guise de pression sur leurs fournisseurs – retirent leurs références de leur assortiment. En Belgique, Colruyt l’a fait avec le pot de 400 grammes de Nutella, en novembre dernier, au moment où il négociait avec Ferrero. Mais cette fois, la balle semble passée dans l’autre camp.
Dans ses publiés lundi 7 février, le géant belge des biscuits et snacks Lotus Bakeries a reconnu que dans un premier temps son entreprise a pu contenir la montée des tarifs grâce à des contrats d’achat à long terme des matières premières et emballages.
La mise en œuvre cohérente de ces augmentations de prix nécessaires peut entraîner des perturbations avec certains clients à court terme.
«L’année 2022 s’annonce difficile (…), nous sommes confrontés à des augmentations de coûts sans précédent», a déclaré Jan Boone, CEO de la maison mère des Biscoff (ex-Spéculoos) et Dinosaurus. La hausse des tarifs est donc inévitable, et l’industriel a déjà donné le ton: «La mise en œuvre cohérente de ces augmentations de prix nécessaires peut entraîner des perturbations avec certains clients à court terme, mais c’est une question de temps.»
Idem pour les deux géants mondiaux des boissons gazeuses: PepsiCo et Coca-Cola ont fait état la semaine dernière d’une hausse des tarifs à venir portée par les coûts croissants des cannettes en aluminium, du transport et de la main-d’œuvre.
Petit pays, petit marché
Les enseignes de grande distribution pourraient donc être exposées à de nouvelles ruptures d’approvisionnement. Et au Luxembourg? Le leader du marché, Cactus, dit connaître «moins de difficultés pour nous approvisionner sur tous les marchés voisins». L’enseigne aux 60 points de vente dispose de sa propre centrale d’achat et estime qu’«avec un réseau de distribution à taille humaine, il est plus facile de trouver les quantités dont on a besoin pour combler les demandes de notre clientèle».
Le numéro deux du marché, Delhaize, admet avoir été «contraint d’adapter les prix tout en essayant de limiter cet impact autant que possible pour le client» dans ses 57 magasins luxembourgeois. Sa maison mère, Ahold Delhaize, est membre de deux centrales d’achat distinctes: AMS Sourcing (avec notamment le britannique Morrisons et d’autres enseignes actives en Europe) et Coopernic (E.Leclerc, Coop Italia et Rewe Group).
Quant à Match et Smatch, leur directeur marketing Olivier Oberlechner se veut rassurant: «Les problèmes d’approvisionnement restent limités et sont actuellement sans conséquence notoire sur nos rayons.» Les 28 points de vente du groupe disent bénéficier d’une structure à taille humaine et d’une part importante de produits locaux et européens dans l’assortiment. L’enseigne ajoute qu’elle ne répercute pas entièrement la hausse des prix sur ses tarifs.
Auchan, pour sa part, dit ne pas connaître de difficultés d’approvisionnement, «ou très occasionnellement», dixit sa chargée de communication, Sophie Morlé. L’enseigne française met en avant la largeur de sa gamme et «en cas de difficulté d’approvisionnement chez un de nous fournisseurs, nous pouvons nous tourner rapidement vers une autre de nos sources».
Une échelle différente
Aussi, nombreuses sont les grandes surfaces à mettre en avant leurs offres promotionnelles. Celles-ci peuvent influencer les consommateurs dans le choix de leur enseigne de grande distribution sur des marchés à forte concurrence, comme la France par exemple.
Mais force est de constater qu’au Luxembourg, la guerre des rabais entre supermarchés n’est pas virulente, les clients peuvent facilement se déplacer dans les pays voisins pour y trouver certains articles et qui plus est, l’étroitesse du marché rend anecdotique l’impact de toute potentielle rupture d’approvisionnement en comparaison à des grands pays comme la France ou l’Allemagne.
Le risque de se retrouver sans le café de sa marque préférée ni le dentifrice de son choix semble donc très minime au Luxembourg.