De nombreux consommateurs l’ont remarqué, les linéaires dédiés à la moutarde sont clairsemés ces dernières semaines au Luxembourg, mais aussi ailleurs en Europe. (Photo: Paperjam)

De nombreux consommateurs l’ont remarqué, les linéaires dédiés à la moutarde sont clairsemés ces dernières semaines au Luxembourg, mais aussi ailleurs en Europe. (Photo: Paperjam)

Des linéaires clairsemés et des références indisponibles: la moutarde se raréfie dans les allées des supermarchés, ces dernières semaines. Mais certains producteurs semblent échapper à cette tendance. Explications.

Les bocaux jaunes se font plus rares au rayon moutarde dans les supermarchés: nombreuses sont les références à manquer à l’appel, en particulier les marques Amora et Maille du géant de l’agroalimentaire Unilever.

«Les quantités de graines de moutarde cultivées ont été beaucoup moins importantes que d’habitude, presque divisées par deux au Canada par exemple», indique la multinationale néerlando-britannique.

Celle-ci dit s’approvisionner en Bourgogne et au Canada, deux pays où les aléas de la météo ont affecté les récoltes en 2021. Dans l’Hexagone par exemple, le gel a affecté la production de graines de moutarde tandis que l’Ouest canadien a connu un «dôme de chaleur» l’été dernier, qui a généré une sécheresse prononcée.

«L’impact de cette pénurie est majeur pour nos productions de moutardes Amora et va se faire ressentir toute l’année 2022 puisque nous estimons à date qu’il nous manquera plus d’un tiers de nos besoins en graines de moutarde pour assurer nos volumes de production 2022», poursuit la société cotée en bourse.

Fait intéressant: la pénurie semble plus prononcée sur la moutarde de Dijon d’Amora que sur les produits de la marque Maille, positionnée plus haut de gamme au niveau tarifaire.

La Moutarderie de Luxembourg passe entre les mailles du filet

La prochaine récolte de graines de moutarde se profile pour octobre 2022. En attendant, un autre manquement se fait sentir puisque la guerre en Ukraine impacte aussi – dans une moindre mesure – le marché de la moutarde. «L’Ukraine, sans être un gros producteur, représentait un plan de secours, nous comptions dessus pour faire la jonction avec la prochaine récolte, mais cette solution est tombée à l’eau», confie à L’Usine Nouvelle Luc Vandermaesen, président de l’association Moutarde de Bourgogne.

Comme nous produisons presque seulement pour le marché luxembourgeois, nous n’avons pas besoin d’une masse énorme de graines de moutarde.

Yann MunhowendirecteurMoutarderie de Luxembourg

Pourtant, des références restent présentes en rayon, en particulier les marques de distributeur, mais aussi les références de la Moutarderie de Luxembourg. «Comme nous produisons presque seulement pour le marché luxembourgeois, nous n’avons pas besoin d’une masse énorme de graines de moutarde», explique son directeur Yann Munhowen.

«Nous avons besoin de deux camions de graines de moutarde par an, des géants comme Amora-Maille ont des besoins sensiblement plus élevés», ajoute-t-il. La PME de Munsbach emploie une dizaine de salariés pour une production annuelle de 260 tonnes de moutarde. À titre de comparaison, Amora-Maille produisait 37.000 tonnes de moutarde – des chiffres datant de 2011 – dans son usine bourguignonne.

Tension sur les prix

La situation est cependant loin d’être simple pour l’entreprise luxembourgeoise: elle fait face à des tracas de disponibilité des matières premières ce qui pèse sur les prix. «Le prix de la tonne de graines de moutarde a triplé, voire quadruplé par rapport à avant le Covid et la guerre en Ukraine», observe Yann Munhowen.

Certaines références font défaut, en particulier celles de la marque Amora. (Photo: Paperjam)

Certaines références font défaut, en particulier celles de la marque Amora. (Photo: Paperjam)

Lui qui se fournissait jusqu’alors au Canada a diversifié son approvisionnement en se fournissant en Ukraine. «La moutarde produite en France est en majorité de la moutarde de Dijon, fabriquée à partir de graines de moutarde brune cultivée principalement en Bourgogne et au Canada», pointe le Luxembourgeois. Bénéficiant de plus de liberté dans le choix de ses fournisseurs, il s’adapte donc à la situation.

Quant à l’huile, autre ingrédient phare pour la PME dont la gamme comporte sept autres types de sauces, la situation est identique: en trouver est plus difficile, et les prix ont triplé par rapport à l’avant-crise.

«Aussi bien pour le colza que la moutarde, nous attendons avec impatience les nouvelles récoltes et les tarifs qui en découleront», insiste le responsable. Il dit avoir indexé, cette année, ses prix de vente de 10% à 15%. Dans le contexte inflationniste actuel, il n’exclut pas de devoir les rehausser une nouvelle fois «peut-être en janvier ou peut-être plus tôt, en fonction de la situation».