«Il y a moins de Covid. Pourtant, la mortalité augmente», pointent des internautes, après avoir lu les derniers rapports hebdomadaires d’Euromomo. Comment explique-t-on cela?
Il faut d’abord nuancer les chiffes de la plateforme européenne, qui surveille la mortalité dans une vingtaine de régions ou pays (25 pour la deuxième semaine de 2023), en prenant en compte des sources officielles. Pour le Luxembourg, ce sont la Division de l’inspection sanitaire et le Service épidémiologie et statistiques de la Direction de la santé qui les fournissent. Mais ce n’est que le nombre de décès, sans comparaison à l’évolution de la population.
Le z-score et ses limites
Le graphique d’Euromomo montre ainsi un total de 84.334 morts dans 25 pays lors de la deuxième semaine de 2023, et de 89.742 la première, contre une moyenne de 94.036 pour cette même semaine entre 2015 et 2019 (chiffres au 26 janvier 2023). Surtout, on note un pic à 103.649 décès l’avant-dernière semaine de l’année 2022, beaucoup plus que les 75.289 au cours des cinq dernières années avant le Covid. Un seuil qui n’avait pas été atteint depuis les 109.604 de la 14e semaine de 2020. La courbe des décès a dépassé plusieurs autres fois, au cours de l’année 2022, celle qu’elle aurait dû «normalement suivre», si on s’en tient aux moyennes des années antérieures.
Dans ses derniers bulletins, Euromomo fait donc état d’un «niveau élevé de surmortalité». Pour appuyer cela, la plateforme se base sur le z-score: le nombre de décès observé par rapport à celui attendu (sur les cinq années avant le Covid), divisé par l’écart-type du nombre de décès attendu. Un z-score supérieur à 2 correspondant à une surmortalité. Il a dépassé ce seuil pour grimper à 31,62 lors de la 51e semaine de 2022. Un taux certes élevé, mais en 2018, bien avant le Covid, il avait par exemple atteint 23,67. Avant de monter jusqu’à 48,04 en 2020.
Au Luxembourg, seules les semaines 22 et 52 de 2022 et la première de 2023 sont concernées par un z-score supérieur à 2.
Là encore, l’indicateur «ne prend pas en compte l’évolution de la population», explique le Statec à Paperjam. «Il ne permet pas de déterminer l’évolution globale de la mortalité, mais de dire si, pour un moment précis, la fluctuation de décès est considérée comme normale» ou non.
Un taux de mortalité de 0,63% au Luxembourg en 2022
Si on compare à la population, peut-on parler de surmortalité au Luxembourg en 2022?
Non, d’après les chiffres du Statec, qui ne vont pour l’instant que jusqu’en novembre. 4.059 décès ont été enregistrés lors des 11 premiers mois de l’année, contre 4.049 sur la même période en 2021. «Mais la population a fortement augmenté», pour passer de 634.730 à 645.397 personnes. Le taux diminue alors de 0,64 à 0,63% entre 2021 et 2022. Moins que les 0,66% de janvier à novembre 2020 et autant qu’en 2019. En outre, «les données de 2022 sont provisoires et le nombre de décès entre 0 et 4 ans devrait être revu à la baisse, car il ne permet pas de distinguer ceux de moins d’un an des mort-nés», ajoute le Statec.
Le Statec ne fait d’ailleurs état de surmortalité modérée qu’en avril, novembre et décembre 2020 et faible en avril, octobre et décembre 2021. . En 2021, il a «retrouvé un niveau normal», estime l’institut, à 0,7%.
Ceci alors que le Covid a continué de peser. Il était responsable de 509 décès en 2020, 11% du total. En 2021, sa part a chuté à 9,06%. Les 249 enregistrés les 11 premiers mois de 2022 représentent quant à eux 6,13% des 4.059 morts.
Pour rappel, 1.292.956 doses de vaccin ont été administrées au 23 janvier 2023 au Luxembourg. 474.937 personnes présentent un schéma vaccinal complet, ce qui correspond à un taux de 79% de la population de cinq ans et plus.
Les épidémies hivernales en cause
Une autre question se pose: pourquoi Euromomo n’utilise pas le taux de mortalité dans ses calculs, comme le fait par exemple Eurostat (dont les chiffres s’arrêtent à 2021)? «Pour rendre l’outil aussi simple et utilisable que possible, en réduisant le nombre de données à entrer» et demander aux différents pays, explique Lasse Vestergaard, coordinateur de projet pour la plateforme.
Selon lui, si la hausse de la population joue sur les statistiques, elle ne suffit pas à justifier les excès de mortalité en 2022 dans certains pays. Les chiffres ne «permettent pas de donner d’explications, on peut seulement faire des hypothèses». Il met alors en avant les épidémies hivernales. On peut aussi pointer les épisodes de canicule de l’été.
Le ministère de la Santé confirme néanmoins qu’«un excès de décès assez important sur la fin de l’année 2022 a été constaté. Il est probablement dû au pic de la vague de grippe observée au Luxembourg et, de moindre envergure, à la circulation d’autres virus respiratoires qui ne sont pas des maladies à déclaration obligatoire.»