Frontaliers français ou non, vous avez été plusieurs à regarder le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen mercredi soir, et à vous intéresser à l’élection présidentielle française de manière générale. Philippe Poirier, politologue, explique pourquoi.

Le débat d’entre-deux-tours de la présidentielle, c’est un grand rendez-vous pour les électeurs français… mais pas que. Luxembourgeois, frontaliers belges, français… Nous avons posé la question à plusieurs personnes à Luxembourg-ville, au lendemain du débat. Et beaucoup l’avaient regardé, même partiellement.

Pourquoi les Luxembourgeois s’intéressent-ils à l’élection française? «La première raison, c’est que les membres du gouvernement qui travaillent sur la loi luxembourgeoise ont pour habitude de s’intéresser aux textes de ce grand pays francophone», analyse le politologue . «Le Luxembourg et la France sont des États fondateurs de l’Union européenne», poursuit-il. En plus de cet aspect européen, il cite les «relations économiques entre les deux pays, les nombreux travailleurs frontaliers ou les grandes banques installées à la fois au Luxembourg et à Paris». Sans compter une «importante communauté résidente» de Français au Luxembourg.

L’élection française aura un impact sur la Belgique, sur le Luxembourg et sur tous les pays frontaliers.
Alexandre

Alexandrecitoyen belge

Le débat intéresse donc au-delà des frontières pour ces raisons, mais aussi parce qu’il se voulait «clivant sur des orientations économiques, de migration, environnementales, qui ont un impact sur d’autres pays en Europe». La montée «de la droite», avec Marine Le Pen en France, est aussi «représentative d’une orientation qu’on retrouve dans d’autres pays d’Europe».

L’élection française est également «la plus importante, en Europe, qui désigne le responsable politique de manière directe». À l’inverse de la Belgique ou du Luxembourg, où les partis forment des coalitions pour gouverner. «Il y a un intérêt dû au processus de personnification des politiques.»

Une certaine lassitude

Même s’il reste un événement très attendu, qui a rassemblé 68,3% des audiences en France selon les chiffres de Médiamétrie, il a réalisé là son plus mauvais score de l’histoire des duels d’entre-deux-tours. Entre TF1, France 2, les chaînes d’information et les chaînes parlementaires, il a été suivi par 15,6 millions de téléspectateurs.

«Seules les audiences réalisées en France métropolitaine sont prises en compte», précise cependant Médiamétrie à Paperjam. La société française de mesure d’audience n’a pas pu donner de chiffres sur le nombre de téléspectateurs à l’étranger. Côté luxembourgeois, TNS Ilres non plus.

Celui qui opposait déjà Marine Le Pen et Emmanuel Macron en 2017 avait attiré 16,5 millions de personnes. En 1981, 30 millions de téléspectateurs avaient regardé le débat entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Nouveauté cette année, l’émission a aussi été diffusée sur plusieurs chaînes Twitch, rassemblant plus de 270.000 spectateurs, selon les médias français.

Un remake de 2017, il n’y avait pas d’effet d’originalité.
Philippe Poirier

Philippe PoirierpolitologueUni

Pour expliquer ce désintérêt, Philippe Poirier avance plusieurs hypothèses: un «bloc de gauche», absent au second tour et qui ne retrouve peut-être «pas d’intérêt dans le second tour». Ce qui pourrait être un signe de «forte abstention ou vote blanc», imagine le politologue luxembourgeois. Il constate également une «lassitude», dans plusieurs pays, sur les sujets politiques. Surtout que le débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron était «un remake de 2017, il n’y avait pas d’effet d’originalité» qui aurait pu pousser des gens à le visionner. Enfin, «selon les sondages, beaucoup d’électeurs sont déçus par le niveau d’engagement dans la campagne».