L’augmentation du salaire minimum allemand inquiète les entreprises luxembourgeoises. Actuellement fixé à 9,82 euros par heure, il doit évoluer à 10,45 euros au 1er juillet, puis à 12 euros au 1er octobre. Il reste inférieur au salaire minimum luxembourgeois (16,0465 pour les travailleurs qualifiés pour leur poste, 13,37 pour ceux non qualifiés). Surtout après retenue des impôts, plus importants en Allemagne. Mais l’écart se réduit.
Prenons l’exemple d’une personne qui habite à Trèves et travaille à Luxembourg-ville. Au salaire minimum non qualifié, elle gagne 2.313,38 euros bruts, soit 1.960,37 euros net, selon Calculatrice.lu. Mais aussi retirer au moins 200 euros de carburant, selon les calculs de ViaMichelin, si elle vient en voiture 20 jours par mois. Soit un revenu total de 1.844 euros. En Allemagne, elle aurait droit à un brut de 2.080 euros à partir d’octobre, qui donne 1.484 nets. À elle ensuite de juger si cette différence justifie de passer environ deux heures par jour dans les transports.
Une question que pourraient en tout cas se poser les 2.700 frontaliers allemands au salaire social minimum (SSM) non qualifié. 3.460 gagnent autour du SSM qualifié, selon l’Inspection générale de la Sécurité sociale (IGSS), les autres plus. Sur un total de plus de 50.000 frontaliers allemands.
Ils travaillent, pour la plupart, dans la construction (17,5%). Mais aussi dans les activités financières et d’assurance (13,6%), dans le commerce (12%), l’industrie manufacturière (11,8%), la santé (10,8%) et le transport et entreposage (9%).
Un différentiel pourrait se creuser
«C’est sûr que le Luxembourg perd en compétitivité par rapport à ses voisins», commente présidente de la Fedil. Elle met tout de même en avant d’autres attraits que peut avoir le Luxembourg en matière d’«allocations familiales, de support pour les études, de congés parentaux». , directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC), se veut, lui aussi, rassurant. «Cela pourrait avoir un effet. Mais il restera limité. Les Allemands gagnent souvent plus que le SSM». L’impact aurait été plus important si le salaire minimum augmentait en France ou en Belgique selon lui, car c’est de ces pays que viennent beaucoup de vendeurs ou caissiers rémunérés au salaire minimum.
Il faut un différentiel pour attirer.
Dans l’artisanat aussi, «toute question qui se pose en matière de facteur d’attractivité est déterminante», ajoute Marc Gross, directeur des Affaires publiques à la Chambre des métiers. «Quelques salariés frontaliers ont déjà décidé de quitter leur poste» en raison de la hausse des prix des carburants, remarque-t-il. Une hausse du salaire minimum ne pourrait qu’accentuer ce phénomène pour les Allemands. Pour un secteur où les frontaliers représentent «plus de la moitié» de la main-d’œuvre. Il note cependant que les entreprises les paient au-dessus du salaire minimum. «Il faut un différentiel pour attirer».
«Nous sommes conscients du problème, mais nous n’avons aucune solution», complète , CEO de l’Horesca. Il rappelle que les salaires augmentent aussi au Luxembourg, en plus des coûts d’achat, qui ont pris 30% depuis quelques mois. Alors qu’ils représentaient 27% du prix final pour le consommateur, ils passent à 34%, tandis que les salaires représentent un tiers. «Nos marges se réduisent à néant». Le secteur recherche déjà 2.000 salariés qualifiés au Luxembourg. «Les entreprises vont devoir inventer de nouveaux services qui requièrent moins de main-d’œuvre.» Il relativise: l’horeca n’emploie que 33% de frontaliers selon lui, et les Allemands représentent la «proportion la plus petite». Mais il estime qu’entre 50 et 55% des salariés du secteur gagnent le salaire social minimum, qualifié ou non qualifié.
La difficulté du recrutement
Ferdi Steffen, fondateur de Steffen Holzbau, estime que le problème actuel est la hausse de l’inflation et du prix de l’essence. Ses salariés habitent: «à Prüm, dans l’Eifel, à Trèves et au fin fond de la Sarre». Cela peut représenter jusqu’à 100 kilomètres par jour. «Les gens se demandent si cela en vaut la peine. Nous le remarquons surtout dans le recrutement du personnel.» Il part du principe que ce doute pourrait se manifester encore plus fortement avec l’augmentation du salaire minimum en Allemagne.
Les gens pensent au Luxembourg pour le secteur financier, pas industriel.
Silke Breuer, responsable des ressources humaines chez Carlex Glass, s’inquiète, elle aussi, surtout pour les futurs recrutements. «Après un an, le salaire augmente» dans l’entreprise industrielle située à Grevenmacher. «Quelqu’un qui travaille déjà ici ne va pas démissionner». Elle emploie 500 salariés, dont 30% d’Allemands. Et les contrats intérimaires sont plutôt occupés par des frontaliers français. Mais elle recherche actuellement 11 personnes pour des remplacements. Une tâche «difficile», admet-elle. «Les gens pensent au Luxembourg pour le secteur financier, pas industriel».
Les craintes de Tom Baumert pourraient d’ailleurs devenir réalité. Le ministère du Travail français a annoncé le vendredi 15 avril une hausse de 34 euros du Smic net mensuel, le faisant passer à 1.302 euros à partir du 1er mai, selon la presse française. Même si le montant se trouve encore loin de celui du Luxembourg.