La mobilité fait partie des éléments déterminants dans le choix d’une carrière au Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La mobilité fait partie des éléments déterminants dans le choix d’une carrière au Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Deux chercheurs du Liser se sont penchés sur les profils des nouveaux frontaliers belges. Avec comme constat général une certaine attractivité exercée auprès des profils plus diplômés, des plus jeunes et des habitants proches de la frontière.

Qui sont les travailleurs(euses) qui décident de devenir frontaliers(ères)? Pour apporter des éléments de réponse sur une base scientifique, les données sont indispensables. Et c’est du côté des autorités belges qu’Andrea Albanese et David Marguerit ont trouvé les éléments probants pour livrer, en juin dernier,, couvrant 2003 à 2017, par agrégats thématiques. Et ce, dans le contexte d’un projet initié par le Fonds national de la recherche (FNR) sur le phénomène frontalier.

Selon le Statec, sur les 204.600 frontaliers (en 2021), quelque 50.200 sont Belges, derrière les Allemands (51.900, plus nombreux que les Belges depuis 2020) et les Français (110.200). Sur dix ans, le Luxembourg a capté 11.300 frontaliers belges, 13.100 Allemands et 34.000 Français.

«Nous avons focalisé notre étude tout d’abord sur le niveau d’éducation», précise David Marguerit. «Nous avons vu apparaître ce qu’il est convenu d’appeler un effet en U. Autrement dit, les catégories de niveau d’éducation faible et les catégories de niveau d’éducation plus élevé ont plus tendance à se retrouver parmi les nouveaux frontaliers belges. Avec une nette tendance du Luxembourg à attirer les plus diplômés.»

Selon l’institut statistique belge Iweps, en Wallonie, 41,7% des 30-34 ans ont un diplôme de l’enseignement supérieur; 58,4% en région bruxelloise et 52,4% en Flandre. Un réservoir potentiel éclaté à travers l’ensemble du royaume voisin.

«Les personnes qui disposent d’un niveau d’études primaires ou d’un bachelor ont la même probabilité de devenir frontaliers et la probabilité s’accroît encore lorsque vous touchez aux masters et doctorats», ajoute Andrea Albanese. Des profils qui correspondent, a priori, aux besoins d’un marché de l’emploi luxembourgeois qui fait justement face à une pénurie de main-d’œuvre.

Quant au niveau d’éducation «moyen», dans le creux du U, à savoir disposant du diplôme d’études secondaires, ces profils ont plutôt tendance à travailler dans leur pays.

L’étude revient aussi sur les rémunérations perçues en Belgique avant de travailler au Luxembourg, débouchant sur le même phénomène en U, en lien avec les cursus évoqués.

L’importance du trajet domicile-travail

Des profils peu ou très diplômés et qui disposent d’ores et déjà d’une forme d’expérience antérieure au Luxembourg ou vis-à-vis de lui, affine l’étude. «Cette notion d’expérience peut aussi concerner un membre du ménage ou de la famille qui a partagé son vécu de travailleur frontalier, ce qui enlève d’éventuelles barrières psychologiques», note Andrea Albanese.

À l’inverse, on retrouve aussi parmi les nouveaux arrivants des demandeurs d’emploi belges qui retrouvent un nouveau projet au Luxembourg.

Parmi les facteurs qui peuvent inciter à franchir le pas, la mobilité joue bien entendu un rôle non négligeable. La probabilité de devenir frontalier est plus élevée chez ceux qui peuvent rejoindre rapidement leur lieu de travail, qu’il s’agisse des transports en commun ou en voiture aux heures de pointe.

«La distance est aussi importante», ajoute David Marguerit. «Celles et ceux qui vivent au plus près de la frontière ont une plus grande probabilité de devenir frontaliers. Nous observons aussi chez certains une relation entre un déménagement en provenance d’autres régions belges et le fait de devenir frontalier relativement rapidement. Nous ne savons toutefois pas si le déménagement était motivé par le nouvel emploi ou s’il a permis de trouver ensuite un job au Grand-Duché.»

Un phénomène à suivre… à une autre échelle

Quant aux tranches d’âge, «les plus jeunes ont plus tendance à devenir frontaliers car ils sont plus mobiles», ajoute M. Albanese. Les perspectives d’évolution et d’avantages compétitifs en matière de revenus par rapport à la Belgique peuvent aussi expliquer cet intérêt.

Si le sexe des nouveaux frontaliers ne fait pas l’objet de cette étude, d’autres travaux en cours indiquent la nécessité de continuer à œuvrer en faveur d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et de la répartition des responsabilités au sein d’un même foyer. «Nous avons constaté par ailleurs que lorsqu’un enfant vient au monde, la probabilité pour les femmes de travailler au Luxembourg décline fortement», note Andrea Albanese.

La compréhension des nouveaux frontaliers, un sujet à élargir à l’échelle de la Grande Région pour aider à la prise de décision des pouvoirs publics. Et en appréhender les effets indirects comme les besoins en infrastructures de transport ou la propagation de la hausse des prix de l’immobilier aux territoires voisins.


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Dans l’immédiat, les diplômés belges de l’enseignement secondaire pourraient faire l’objet d’une attention politique côté luxembourgeois. En misant, par exemple, sur la formation professionnelle continue. De l’upskilling comme élément d’attractivité.