Le partner Global AWM Market Research Centre Leader de PwC Luxembourg, Dariush Yazdani, a souligné l’importance de la tokenisation des assets et des marchés secondaires. (Photo: Maison Moderne)

Le partner Global AWM Market Research Centre Leader de PwC Luxembourg, Dariush Yazdani, a souligné l’importance de la tokenisation des assets et des marchés secondaires. (Photo: Maison Moderne)

La Lhoft et PwC ont présenté mardi soir, à l’Atrium, les conclusions de leur enquête sur l’adoption des crypto-assets, menée tous les deux ans, auprès de 128 acteurs du marché. La troisième édition montre un momentum: l’adoption, portée par l’attitude des institutionnels… et par la réglementation soigneusement mise en œuvre par le Luxembourg.

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, c’est bien connu. Appliquée aux crypto-assets, la maxime populaire montre non seulement que les gourous qui dirigent les grands institutionnels, comme BlackRock, Goldman Sachs et J. P. Morgan n’en sont pas, mais que leurs revirements stratégiques poussent l’adoption de ces assets de nouvelle génération à un rythme inédit.

«Fidelity offre un accès au bitcoin à plus de 36 millions de clients particuliers à travers le monde. Goldman Sachs, J. P. Morgan et tous les autres sont tous profondément impliqués dans la construction d’une infrastructure d’actifs numériques», a souligné le programme manager du Cambridge Digital Assets Programme, Christopher Jack, keynote speaker de l’événement organisé ce mardi soir par PwC et la Lhoft à l’atrium du premier. «La tokénisation n’est plus seulement un sujet de discussion, mais c’est en fait un élément actif de la feuille de route dans les conseils d’administration des marchés de capitaux. Ce n’est pas seulement l’avenir de la finance. Cela se produit déjà maintenant. Ce à quoi nous assistons est l’intégration progressive des actifs crypto dans le courant dominant de la finance mondiale. Et pourtant, il y a une tension car, bien que l’élan se construise, le scepticisme persiste. L’incertitude réglementaire, l’infrastructure héritée, l’hésitation stratégique, tout cela reste de véritables obstacles à l’adoption. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes à la croisée des chemins.»

«À la fin du premier trimestre 2025, la capitalisation boursière totale des actifs crypto s’élève à 2.800 milliards de dollars, en baisse par rapport aux 3.800 milliards de dollars du début de cette année, mais c’est beaucoup plus élevé que les 800 milliards de dollars que nous avons vus au plus bas en 2022. Pour mettre cela en perspective, 2.800 milliards rendent la crypto plus importante que l’ensemble du marché américain des obligations à haut rendement», commentait l’expert aux chiffres débités à la vitesse d’une arme de guerre. «Elle est également supérieure à la capitalisation boursière de la plupart des bourses européennes. Mais ce qui est encore plus important que la taille, c’est sa composition. En 2017, le marché des actifs crypto était largement tiré par la spéculation du trading de détail. Mais les institutions ne sont plus en marge. Nous avons maintenant des ETF cotés et réglementés à travers le monde. Nous avons des dépositaires important des cryptos au niveau mondial. Nous avons des fonds de pension, des family offices et des fonds souverains qui gagnent en exposition chaque semaine. C’est un marché qui subit un changement structurel important. Bien sûr, la volatilité n’a pas disparu et il y a encore pas mal de risques», a-t-il encore précisé.

«Au début de 2025, plus de 560 millions de personnes à travers le monde détenaient une forme d’actif crypto. Maintenant, cela représente 7% de la population mondiale», a-t-il dit. «Même les gouvernements s’impliquent avec plus de 130 pays à travers le monde qui se penchent actuellement sur les monnaies numériques des banques centrales, ce qui représente 98% des pays actuels.»

Le programme manager du Cambridge Digital Assets Programme, Christopher Jack, a décrit à l’aide de nombreux chiffres le momentum que l’industrie des crypto-assets est en train de vivre. (Photo: Maison Moderne)

Le programme manager du Cambridge Digital Assets Programme, Christopher Jack, a décrit à l’aide de nombreux chiffres le momentum que l’industrie des crypto-assets est en train de vivre. (Photo: Maison Moderne)

«Au premier trimestre 2025, les bourses de crypto ont traité 5,4 billions de dollars de volume de trading au comptant et 21 billions de dollars supplémentaires de trading de dérivés. Cela démontre que la crypto n’est plus seulement un petit marché émergent marginal. Elle est là maintenant. Et ce qui est tout aussi important, c’est la variété de l’activité que nous observons. Bien que le bitcoin et l’ethereum soient toujours de grands moteurs de volume, nous constatons un intérêt et une liquidité croissants pour les stablecoins, les actifs tokénisés et les produits de trésorerie on-chain. Cette évolution signale vraiment quelque chose de critique. Nous constatons un chevauchement croissant entre l’activité on-chain et off-chain. Les desks institutionnels du monde entier acheminent les transactions vers les bourses réglementées. Les dépositaires intègrent des flux de travail d’actifs numériques et des outils de conformité permettant les vérifications KYC et AML à l’échelle institutionnelle. Et tout cela se passe maintenant.»

Le positionnement unique du Luxembourg

C’est aussi ce qui ressort de la troisième édition du sondage, mené tous les deux ans, auprès de 128 interlocuteurs, et présenté par le partner Global AWM Market Research Centre Leader de PwC Luxembourg, Dariush Yazdani, et par la research manager de la Lhoft, Oriane Kaesmann. Comme ressort aussi le positionnement unique du Luxembourg comme différenciateur stratégique – un élément à prendre positivement dans un univers financier globalisé où la moindre incertitude suffit à refroidir les ardeurs des moins conservateurs…

«La réglementation Mica de l’UE, entrée en vigueur en décembre 2024, fournit un cadre juridique unifié pour les prestataires de services d’actifs crypto dans les 27 États membres. Cette approche globale vous donne crédibilité et service pour les émetteurs, les prestataires de services et les investisseurs. Le Luxembourg s’est également très bien positionné avec ses deux lois – celle sur la blockchain 4 que nous avons présentée lors de la Luxembourg Blockchain Week en décembre de l’année dernière et celle qui est sortie le 6 février, qui portait sur les actifs crypto et les obligations vertes. Maintenant, comparons cela aux États-Unis. Les États-Unis connaissent un changement assez radical dans leur approche réglementaire. Le groupe de travail de la SEC sur la crypto a entamé des discussions sur la manière dont les lois sur les valeurs mobilières applicables s’appliquent aux actifs crypto. Cela pourrait signaler une évolution favorable vers les actifs crypto, mais le paysage est encore très fragmenté aux États-Unis, avec divers projets de loi à l’étude et le Congrès ayant de nombreux points de vue divergents parmi les régulateurs. Cette divergence représente une opportunité stratégique pour des juridictions comme le Luxembourg», a assuré M. Jack. «Le Luxembourg se trouve aujourd’hui à un tournant décisif de l’évolution des actifs numériques. Nous avons un cadre juridique, un environnement réglementaire tourné vers l’avenir et un engagement envers l’innovation. La position proactive du Luxembourg a déjà attiré des institutions financières majeures. Par exemple, Standard Chartered a établi une nouvelle entité au Luxembourg pour offrir des services de conservation de crypto-monnaies et d’actifs numériques dans toute l’UE. En plus de tout cela, nous avons également de nombreuses initiatives stratégiques luxembourgeoises financées par le gouvernement, comme la Luxembourg House of Financial Technology ou Luxembourg for Finance.»

«Le risque fait partie de l’opportunité», a insisté l’expert de PwC, qui a montré que le pouvoir de décision reste ou est largement au Luxembourg. Quand on leur a demandé comment ils évalueraient le marché mondial actuel des crypto-actifs, on voit un point d’inflexion. Clairement, la conviction s’est renforcée, vous voyez le changement de 33% à 50%. C’est en partie l’effet Trump, mais c’est surtout cette institutionnalisation! (…) De grands acteurs traditionnels  prennent des positions sérieuses dans les crypto-actifs, et c’est un signe de confiance qui marque un moment clé de maturité. Les actifs numériques sont de plus en plus intégrés dans la finance traditionnelle. La crypto n’est plus une niche. Elle entre dans le système financier.»

Les talents, toujours le talon d’Achille du développement

Selon l’enquête, ceux qui y voient un potentiel modéré ou élevé sont toujours plus nombreux, même s’ils sont toujours 17% à voir un potentiel «limité» et que ceux qui ne voient aucune logique d’investissement sont eux aussi toujours présents. «Peut-être que votre base de clients ne le demande pas, donc vous n’allez pas dans cette direction. Peut-être que vous n’avez pas l’expertise», a tenté d’expliquer le partner Global AWM Market Research Centre Leader de PwC Luxembourg, qui a salué, comme tous les orateurs, l’engagement de la CSSF à être au service du marché et neutre technologiquement. Les talents sont, derrière le risque, toujours un élément déterminant dans le déploiement des crypto-assets.

Face à Mica et aux nouvelles régulations, «19% sont déjà complètement prêts; 52% sont en train de faire une analyse des écarts. Et encore 21% sont en cours d’obtention d’une licence PSAN (CSP – Crypto Service Provider). Donc, clairement, ceux qui sont engagés dans le marché crypto sont en train de se préparer ou sont déjà prêts», a commenté M. Yazdani. «La finance et les services financiers, par définition, c’est une industrie mondialisée. Et si vous devez adopter différentes régulations, consulter plusieurs cadres réglementaires et vous conformer à chacun d’eux, cela représente un coût — et un risque, non? Et cette incertitude, c’est clairement un des éléments majeurs.»

L’expert de PwC devant son slide sur les tâches à avoir en tête pour continuer à développer l’écosystème au Luxembourg. (Photo: Maison Moderne)

L’expert de PwC devant son slide sur les tâches à avoir en tête pour continuer à développer l’écosystème au Luxembourg. (Photo: Maison Moderne)

«Concernant la tokénisation: si vous êtes dans l’industrie de la gestion d’actifs et de patrimoine, en particulier dans les marchés privés, c’est l’une des tendances majeures que nous observons chez PwC, au sein du Global Asset and Wealth Management Research Center que je dirige. Nous prévoyons un taux de croissance annuel composé de 51% pour la tokénisation à l’échelle mondiale, uniquement dans les fonds d’investissement. Cela devrait dépasser les 300 milliards de dollars d’ici 2028. Donc, clairement, on anticipe une croissance très forte de la tokénisation», a encore dit l’expert de PwC. «Et quand on a demandé à quel point ils considèrent cela comme important, presque 90% ont répondu que c’était un enjeu crucial pour l’avenir de la gestion d’actifs au Luxembourg. Comme vous le savez, l’un des domaines de leadership du Luxembourg, en plus des Ucits, ce sont les actifs de marchés privés. Et à mesure qu’on va vers une démocratisation de ces marchés privés, la tokénisation jouera un rôle clé dans ce domaine.»

Le moment d’investir

53% des personnes interrogées ne prévoient encore rien. Seulement 27% envisagent de se lancer et 20% ont déjà des actifs tokénisés. 

Quels sont les principaux défis qu’on observe lorsqu’on parle de tokénisation? L’absence de standards. «Chacun peut utiliser ses propres standards pour mettre en place des solutions de tokénisation. Et puis, les coûts de mise en œuvre, les exigences techniques», a encore dit M. Yazdani. «Ça revient toujours à la même chose. Quand je parle de transformation digitale – que ce soit l’IA, les crypto-actifs ou la tokénisation – il faut investir. Il faut mettre de l’argent sur la table. Il n’y a pas de repas gratuit. Si vous voulez saisir cette opportunité, vous devez y aller.»

Car il y a clairement ce besoin d’une approche multi-chaînes pour créer de la liquidité, ainsi que d’infrastructures de marché secondaires. L’infrastructure reste encore un point clé autour de la tokénisation.

«Si vous ne faites rien, quelqu’un le fera à votre place», a conclu le CEO Standard Chartered Luxembourg, , au cours d’une table ronde qui a lourdement insisté sur la nécessité pour toutes les parties prenantes à la fois de se lancer, de communiquer entre elles et de communiquer avec le régulateur.