Ouvert dans le cadre de la campagne Rethink your clothes du ministère de la Coopération, le pop-up Lët’z Refashion se veut d’abord un lieu de rencontre pour informer et sensibiliser via des ateliers (les samedis), expositions, tables rondes ou projections. Mais aussi un endroit pour vendre et revaloriser des vêtements et accessoires upcyclés et de seconde main. L’association qui le fait vivre, Caritas, avec l’appui de Fairtrade Lëtzebuerg également impliquée dans la campagne, y organise des vide-dressings ou des swap party mensuelles, soirées où il faut venir avec cinq beaux vêtements que l’on ne porte plus pour repartir avec d’autres (la prochaine aura lieu le 26 janvier à partir de 18h).
Le pop-up shop, et plus globalement la campagne lancée en 2018, se veulent une façon concrète de consolider un mouvement local qui s’étoffe d’année en année, en faveur d’une mode plus durable et plus éthique. Le Lët’z Refashion valorise ainsi les alternatives de production et de consommation de vêtements auprès de différents acteurs, qu’ils soient citoyens, créateurs, institutionnels. «Nous voulons consolider ce mouvement qui est déjà là, nous avons une offre qui a grandi», indique Ana Luisa Teixeira, coordinatrice de Caritas.
95 t-shirts à la poubelle chaque minute
«Au Luxembourg, on jette 12,26kg de vêtements par personne et par an. Cela revient à imaginer 95 t-shirts qui partiraient à la poubelle chaque minute», schématise Sophie Joly, chargée de communication et de sensibilisation à Caritas. La faute à la fast-fashion et ses pièces de mode à bas prix, de qualité souvent médiocre. «Là où les marques de luxe présentaient deux collections par an, elles en sortent jusqu’à huit par an maintenant. Et cela inspire les enseignes de fast-fashion qui peuvent, elles, sortir jusqu’à 24 collections par an», précise Coralie Jegousse, responsable de la campagne Rethink your clothes chez Fairtrade. Alors ici, on favorise la seconde main, et une nouvelle collection Fairtrade sera spécialement créée et vendue au pop-up en 2023.
Ce phénomène de surconsommation que le Lët’z Refashion cherche à contrer a des répercussions bien au-delà des frontières. C’est ce que Caritas et Fairtrade Lëtzebuerg ont souhaité montrer de façon concrète au pop-up shop. Et c’est au sous-sol que l’on prend la mesure du problème de la surconsommation de vêtements. Une exposition intitulée The Revival, du nom d’une ONG basée au Ghana, y montre l’envers du décor de la fast-fashion.
«Le Ghana est un très grand marché pour les vêtements de seconde main. Beaucoup de gens en vivent. Mais aujourd’hui 40% des vêtements qu’ils reçoivent, principalement d’Europe et des États-Unis, ne sont pas réutilisables ou vendables, car de trop mauvaise qualité», pointe Sophie Joly. Le pays ne disposant pas de l’industrie nécessaire pour les recycler, ils sont jetés, formant au fil du temps, des montagnes de textiles qui iront s’échouer en mer. Une double conséquence à la fois économique et écologique, illustrée par des photographies prises à Accra et une projection. Les membres de l’ONG Revival avaient fait le déplacement en octobre dernier pour le lancement de l’exposition.
Que l’on puisse dire, dans quelques années, que quelque chose se passe au Luxembourg en matière de mode plus éthique, plus durable.
«Aujourd’hui, 25 points de vente proposent une offre textile certifiée Fairtrade au Luxembourg. Nous avons aussi mis en place le Fair Fashion lab qui fédère 18 acteurs : illustrateurs, imprimeurs et distributeurs… Une évolution est présente, nous voulons coordonner tout cela pour se dire dans quelques années que quelque chose se passe au Luxembourg en matière de mode plus éthique, plus durable, et respectueuse des droits humains. Il y a quelques années, on ne trouvait pas de café ou de cacao certifiés Fairtrade, aujourd’hui, on en trouve partout. Nous sommes sur la bonne voie», appuie Geneviève Krol, directrice de Fairtrade.
«Nous voulons sensibiliser les jeunes en premier lieu, car c’est à cet âge qu’on commence à avoir du pouvoir d’achat, mais pas uniquement, nous voulons sortir des idées reçues: ce n’est pas pour les bobos-écolos, et la seconde main n’est pas réservée aux personnes en difficulté. À travers les ateliers, on sent un vrai intérêt pour la couture par exemple. Entre 2018 et aujourd’hui, on sent une grande différence», souligne Ana Luisa Teixeira. En 2022, Lët’z Refashion a accueilli en moyenne 17 personnes par jour et a organisé cinq ateliers par mois auxquels ont participé 448 personnes. En moyenne, elle vend 112 articles par mois.
Dans une étude réalisée par TNS Ilres pour la campagne Rethink your clothes, selon les 759 résidents sondés, «trois acteurs principaux peuvent faire évoluer la filière textile: eux-mêmes en tant que consommateurs (68%), les entreprises de production (66%) et les institutions publiques (63%)». Pour les institutions et entreprises, Fairtrade et Caritas notent une belle évolution. «On en compte de plus en plus à utiliser des tenues certifiées Fairtrade: la Ville de Luxembourg pour des uniformes, Post. Demain, il s’agira peut-être des CFL et d’autres», glisse Geneviève Krol.
Pour ce qu’il en est des consommateurs, «30% de la garde-robe n’est en général pas utilisée. La mode peut aussi induire une sorte de pression sociale. Avant d’acheter quelque chose, on peut se demander si on en a vraiment besoin. Et si oui, il ne faut pas avoir peur de poser des questions sur le produit, la matière utilisée, et regarder l’étiquette, même si elle dit finalement peu de choses», conseille Ana Luisa Teixeira. Quelques points à garder en mémoire en cette période de soldes?
Lët’z Refashion, 8-10 rue Genistre à Luxembourg-ville. Ouvert du mardi au vendredi, de midi à 18h, et le samedi de 10 à 16h.