Un passionnant puzzle se met en place avant que l’État ne présente son «Automobility Incubator», mardi 3 décembre à Bissen, après des années de procession dansante: Uber est arrivée au Luxembourg dans un partenariat avec Weber, Pony.ai a signé un memorandum of understanding avec l’État en mars… et, selon Bloomberg, le premier aurait l’intention de participer à l’entrée en bourse du second en y investissant autour de dix millions de dollars, «pour utiliser la technologie de Pony.ai en dehors des États-Unis», dit une source à Bloomberg. De là à imaginer un robotaxi sur quelques routes luxembourgeoises, il n’y a qu’une ouverture de l’application…
«Dans le cadre de notre expansion mondiale en cours, Pony.ai est reconnaissante de compter sur Emile Weber, l’un des fournisseurs de transport les plus fiables et respectés du Luxembourg, comme partenaire stratégique pour cette initiative. Alors que Pony.ai apporte sa technologie autonome de classe mondiale et son expertise en ingénierie, avoir un prestataire de transport local aussi prestigieux qu’Emile Weber comme partenaire est essentiel au succès de ce partenariat», a dit le fondateur et CEO de Pony.ai, James Peng, dans le communiqué d’octobre.
L’entrée en bourse est un moment-clé pour une entreprise qui doit, comme l’explique un professionnel de l’investissement, «se mettre à poil». Dans le prospectus que l’entreprise chinoise a déposé à la Commission américaine des opérations boursières, on apprend:
– que la société a réalisé un chiffre d’affaires total de 68,4 millions de dollars en 2022 et de 71,9 millions de dollars en 2023, des revenus provenant des services de solutions d’ingénierie, des services d’exploitation de conducteurs virtuels et des ventes de produits;
– que ses pertes se montent à 148,25 millions de dollars en 2022 et à 125,328 millions de dollars en 2023;
– qu’elle prévoit de lever 240 millions de dollars par le biais de son introduction en bourse, en supposant que le prix de l’offre publique initiale se situe au milieu de la fourchette prévue de 11 à 13 dollars par ADS et que l’option de surallocation soit exercée en totalité (soit 12 dollars comme base de calcul, le prix n’étant pas encore fixé);
– qu’en plus de l’offre publique, la société a conclu des accords de placement privé simultanés avec des investisseurs stratégiques pour un montant total d’environ 153,4 millions de dollars;
- qu’elle a déjà fait rouler 250 robotaxis et 190 camions de logistique;
- qu’elle a déjà environ 200.000 clients sur son application pilote.
Luxembourg, unique hub en Europe
Environ 40%, soit 125,3 millions de dollars, seront utilisés pour le lancement à grande échelle de sa technologie de conduite autonome sur ses principaux marchés adressables, y compris les services de robotaxis et de camions robots. Pony.ai a déjà conclu des partenariats avec des constructeurs automobiles, des entreprises de transport et des plateformes logistiques, et ces fonds pourraient être utilisés pour renforcer ces partenariats ou en conclure de nouveaux. «Nous avons officialisé un protocole d'accord avec le gouvernement luxembourgeois en mars 2024 afin de stimuler l’évolution de la mobilité autonome au Luxembourg, en tant que centre régional. Nos efforts collaboratifs avec le gouvernement luxembourgeois et des partenaires locaux visent à promouvoir l’innovation technologique et à concevoir des solutions adaptées au marché européen», dit le prospectus, qui cite, outre la Chine et les États-Unis, une présence en Corée, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
40% seront investis dans la poursuite des investissements dans la recherche et le développement de sa technologie de conduite autonome. Le restant, 62,6 millions de dollars, pour les besoins généraux de l’entreprise et pour des investissements et des acquisitions stratégiques potentiels afin de renforcer ses capacités technologiques et son écosystème global, bien qu’elle n’ait identifié aucune opportunité d’investissement ou d’acquisition spécifique à l’heure actuelle.
Une introduction en bourse en suspens
Mais Pony.ai ira-t-elle au bout de son idée? Pas sûr. Née en Chine, Pony.ai est passée par des entités à intérêt variable consolidées (les anciens VIE). Puis a fait un pas en arrière en allant enregistrer sa holding aux Caïmans pour pouvoir ouvrir aux États-Unis. Soit une holding et deux sociétés, une en Chine et une aux États-Unis. Juste avant la signature de son accord au Luxembourg, Pony.ai a mis fin aux accords contractuels avec les anciens VIE, dont elle a acquis les actions auprès de leurs actionnaires désignés respectifs. Ces anciens VIE sont devenus des filiales à part entière de la filiale chinoise Pony AI Inc.
Sauf que pour pouvoir être cotée aux États-Unis, la loi américaine Holding Foreign Companies Accountable Act (HFCAA) exige que les sociétés étrangères cotées aux États-Unis permettent au Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) d’inspecter leurs auditeurs. Si le PCAOB n’est pas en mesure d’inspecter un auditeur pendant deux années consécutives, la société sera identifiée comme un «émetteur identifié par la Commission» (Commission-Identified Issuer). Si une société est identifiée comme un «émetteur identifié par la Commission» pendant trois années consécutives, ses titres seront interdits de négociation sur les marchés boursiers américains.
Le PCAOB a pu mener des inspections en Chine en 2022, mais il n’a aucune garantie qu’il pourra le faire à l’avenir. C’est cela qu’il faut assurer pour que des investisseurs décident d’acheter des actions de la start-up chinoise.