«Pour la coalition, l’économie, les affaires sociales et l’écologie sont étroitement liées. Nous souhaitons parvenir à un meilleur équilibre entre ces trois questions», indiquait lors de sa première déclaration gouvernementale le 11 novembre. Un «en même temps» façon luxembourgeoise en quelque sorte.
La priorité du gouvernement dans ses premiers jours, c’était le logement et la crise du secteur de la construction. Ce qui faisait craindre à la députée déi Gréng que la philosophie de Luc Frieden consiste à opposer logement et protection de la nature. «Une vision», disait-elle au sortir des débats sur la déclaration gouvernementale. Crainte justifiée?
Une protection de l’environnement en mode «macro»
Dans le passage consacré dans l’accord de coalition à la protection de la biodiversité et des écosystèmes, à l’exploitation des ressources naturelles et à la lutte contre la pollution de l’environnement, on pouvait lire l’engagement d’intensifier les efforts dans tous ces domaines tout en évitant que «des procédures fastidieuses, des conditions excessives et une bureaucratie dissuasive n’entravent les progrès dans d’autres domaines importants. La politique de protection de la nature ne doit pas devenir une politique d’entrave que les citoyens considèrent comme arbitraire.
Le gouvernement s’engage pour une protection de l’environnement avec les citoyens qui garantit une sécurité de planification et qui suit des procédures rapides, claires, intelligibles et justes.» Le 19 juin, les trois ministres concernés par la politique du logement – le ministre des Affaires intérieures , le ministre du Logement et le ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité – présentaient le plan du gouvernement pour faciliter et accélérer la réalisation de logements. Un plan qui constitue la suite du premier paquet de relance pour le logement et de la table ronde organisée avec l’ensemble du secteur de la construction.
La liste des espèces protégées révisée
Parmi les mesures annoncées, il y avait la nouvelle approche retenue par l’exécutif en matière de protection de l’environnement. Une véritable «révolution copernicienne» qui voit le gouvernement substituer à l’approche «micro» actuellement pratiquée une approche «macro», une approche «susceptible de réduire sensiblement les travaux d’études à mener, d’accélérer la réalisation des constructions et d’économiser ainsi les ressources d’ordre financier et humain, tout en axant les efforts en matière de protection de l’environnement sur des projets écologiques d’envergure, qui permettent de générer des plus-values certaines pour l’environnement», détaillait Serge Wilmes.
Concrètement, le système d’évaluation et de compensation sera révisé. Tout comme le sera la liste des espèces protégées. Désormais, le statut de protection sera limité aux seules espèces menacées, rares ou vulnérables au niveau national, ainsi qu’aux espèces protégées au niveau européen. Globalement, à l’intérieur des périmètres constructibles, les mesures compensatoires – en résumé, les mesures d’atténuation face à la destruction de l’habitat des espèces protégées ou encore des zones de chasse – seront supprimées.
En contrepartie, des mesures compensatoires seront introduites sur les terrains appartenant à l’État. À savoir l’interdiction des pesticides, l’augmentation des surfaces sous exploitation biologique ou sous contrat biodiversité de 200 hectares par an durant cinq ans. Un service de conseil en matière de protection et de création d’environnements naturels sera institutionnalisé auprès de l’Administration de la nature et des forêts afin d’aider les maîtres d’ouvrage. Des mesures qui n’ont pas soulevé pour l’instant plus d’émotions que cela.
6,65 milliards d’euros pour le climat
Dans l’accord de coalition, on trouve également l’expression de la volonté de respecter les engagements pris au niveau international et la réaffirmation du soutien au Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pnec). Une volonté qui se traduisait dans le premier budget de la coalition voté le 25 avril. Le ministre des Finances, , annonçait une augmentation des dépenses pour la mise en œuvre du Pnec. Dépenses qui passent de 2,22 milliards en 2023 à 2,47 milliards cette année et à 2,68 milliards en 2025.
Le budget alloué pour la période 2024 à 2027 au Fonds climat et énergie atteint pour sa part 1,5 milliard. Le budget reprenait l’engagement de conduire «une politique climatique et environnementale ambitieuse, pragmatique et socialement équitable. Les citoyens seront impliqués dans la transition énergétique et auront la possibilité d’opter pour un mode de vie durable indépendamment de leur situation financière» ainsi que l’accélération du déploiement des énergies renouvelables «en mobilisant des investissements massifs».
Un Pnec ambitieux
Tous ces engagements avec les enveloppes y afférentes étaient repris le 11 juin dans le discours sur l’état de la Nation. Le discours fini, les ministres étaient à la manœuvre pour mettre en place les mesures annoncées. Depuis le 11 juin, les annonces se sont multipliées.
La mise à jour du Pnec était adoptée par le gouvernement le 17 juillet. Avec quatre objectifs clés: 55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 2007; arriver à la neutralité climatique d’ici 2050; une part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à 37% en 2030 et atteindre au titre de l’efficacité énergétique l’objectif de -42% – soit 36.949 GWh – en 2023. Pour y arriver, le gouvernement mise d’abord sur une simplification de l’action administrative pour accélérer plus rapidement les projets de décarbonation ainsi que sur des aides à destination des entreprises comme des particuliers.
Une transition subsidiée
Sur le front des allocations, les aides Klimabonus «Wunnen» et «Mobilitéit» sont prolongées jusqu’en juin 2026 avec des ajustements «pour plus d’équité sociale». Pas question de faire des économies insistait Serge Wilmes lors de la présentation du détail des aides. «Le Klimabonus ‘Mobilitéit’ coûtait 80 millions d’euros par an en 2024. Avec le nouveau régime, la dépense va descendre à 45 millions d’euros. Et cet argent dépensé en moins pour ce régime sera redirigé pour financer les autres régimes, comme l’assainissement énergétique où, là, les chiffres ne sont pas encore au niveau que l’on souhaite.» Et de rajouter que l’objectif reste d’arriver à 49% de véhicules électriques en 2030.
Le régime d’aides à la protection du climat et de l’environnement pour les entreprises contenu dans le projet de loi 8386 évolue également. Doté d’une enveloppe de 412,4 millions d’euros – soit 60 millions de mieux que le régime actuel –, il exclut totalement les énergies fossiles et surfe sur la vague de la simplification administrative décidée par le gouvernement.
Le ministre de l’Économie espère que ce nouveau cadre permettra de faciliter le déploiement du futur réseau de transport d’hydrogène, sa grande priorité. «Je suis convaincu qu’un pays qui n’investit pas dans l’hydrogène, que ce soit dans les infrastructures de production ou dans les solutions d’approvisionnement, est un pays qui n’aura plus d’industrie demain. On a besoin d’hydrogène au Luxembourg et cela fait partie de notre stratégie de décarbonation», insistait-il en présentant ce plan. Le régime de bonification d’impôt pour les investissements afin de soutenir les entreprises dans leur transition écologique et numérique avait été mis à jour en début d’année. Ce nouveau cadre concerne les investissements et les dépenses effectués par les entreprises dans le cadre de la transformation digitale et de projets de transition écologique et énergétique ainsi que – c’était la grande nouveauté – les dépenses effectuées par les entreprises dans le cadre de cette transformation. Le taux de la bonification d’impôt s’élève à 18%.
Une politique climatique avec les citoyens
La politique environnementale du gouvernement se veut sociale. Les ajustements des Klimabonus «Wunnen» et «Mobilitéit» en fonction des revenus et du pouvoir d’achat en témoignent.
Tout comme en témoigne la mise en place d’un train de mesures destinées à atténuer – voire à compenser – l’expiration programmée et progressive du plafonnement des prix de l’énergie. Si le plafonnement du prix de l’électricité est maintenu jusqu’en 2025, sa disparition au 1er janvier se traduira par une hausse de 60% selon les dernières données du Statec. Ce qui a incité le gouvernement à mettre en place un système d’aides pour les ménages sous la responsabilité du ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil, . Ces aides, selon le Premier ministre, «couvriront la moitié de l’augmentation des tarifs prévue pour 2025».
Dans le détail, la prime énergie pourra être en fonction des revenus triplés et la limite de revenus marquant le seuil jusqu’à laquelle la prime énergie peut être touchée est augmentée. La participation de l’État au financement de la hausse des frais d’énergie des structures d’hébergement pour personnes âgées est reconduite pour 2025. «En contrepartie, les prestataires bénéficiant de cette participation s’engagent à ne pratiquer aucune hausse des prix pendant la période visée, à l’exception des hausses dues à une adaptation des tarifs à l’indice du coût de la vie», précise le ministère. L’enveloppe affectée à ces mesures est de 50 millions d’euros. Une dernière mesure avait été annoncée lors du discours sur l’état de la Nation et qui n’a pas encore été transcrite dans la loi: le préfinancement des installations photovoltaïques. Le dossier est sur la table du ministre des Finances et devrait se conclure cet automne.
Cet article est issu de notre .