Selon Clément Inbona, les investisseurs doivent désormais plus se concentrer sur les évolutions des politiques budgétaires.  (Photo: La Financière de l’Échiquier)

Selon Clément Inbona, les investisseurs doivent désormais plus se concentrer sur les évolutions des politiques budgétaires.  (Photo: La Financière de l’Échiquier)

C’est un repère pour les investisseurs qui bascule outre-Atlantique: le point d’équilibre entre politique monétaire souple et accommodante et politique monétaire structurellement plus stricte et restrictive perd de sa pertinence face aux évolutions de la politique budgétaire.

C’est la théorie de Clément Inbona, gestionnaire de fonds chez La Financière de l’Échiquier. Pour lui, «pour les investisseurs qui s’intéressent à la situation économique américaine, le débat tourne traditionnellement autour du match qui oppose les ‘dovish’ – partisans d’une politique monétaire souple et accommodante – aux ‘hawkish’ – défenseurs d’une politique monétaire structurellement plus stricte et restrictive». La Fed semble aujourd’hui ne pas devoir dévier de son cap de sitôt. Son directeur a prévenu: la politique monétaire de la Réserve fédérale restera accommodante tant que l’économie ne sera pas proche du plein-emploi. Un plein-emploi qu’il définit par rapport à un taux de chômage de 3 à 4%. Pour mémoire, le taux de chômage américain oscille autour de 10% actuellement.

Pour Clément Inbona, pas de durcissement monétaire à prévoir avant fin 2023, «sauf si l’inflation venait à surchauffer brutalement». Le débat économique s’est déplacé de la politique monétaire vers la politique budgétaire et oppose désormais les partisans d’une relance budgétaire plus mesurée – «les fourmis» – aux partisans de dépenses gouvernementales généreuses et rapides – «les cigales».

Pression pour plus de relance en Europe

«L’enjeu du moment est de savoir si les mesures de soutien et de relance ne seraient pas surdimensionnées, au point de provoquer une surchauffe de croissance et d’inflation, génératrices de déséquilibres mal anticipés», détaille-t-il. «Pour rappel, en 2020, la récession américaine ne s’est élevée «qu’à» -3,5%, là où le déficit budgétaire s’est creusé de -15,6%, soit plus de 10 points de plus qu’en 2019. Pour 2021, les chiffres sont encore plus flagrants: la croissance attendue s’élève à +4,1% aux États-Unis pour un déficit attendu de plus de -10%. Les stimuli budgétaires surpassent de loin les variations du PIB américain en 2020 et 2021. Les stigmates économiques et sociaux de la crise sont profonds économiquement et socialement. Cette confrontation fourmis-cigales semble tout, sauf anecdotique.»

Du côté de la zone euro, le débat porte toujours sur la politique monétaire. Parce que l’ampleur des plans de relance est anecdotique par rapport aux États-Unis. Le déficit de la zone euro est estimé à -9,5%, et devrait se réduire à -6,2% en 2021. Mais la pression des citoyens pourrait le mettre à l’ordre du jour, pense Clément Inbona, pour qui «il semble nécessaire que l’Union européenne et les gouvernements actent rapidement de nouvelles mesures de relance afin que la zone euro, plus durement touchée par la crise, ne soit pas une nouvelle fois à la traîne, comme cela avait été le cas après 2008». Et il n’exclut pas que ceux-ci finissent par réclamer aux autorités politiques européennes une version revisitée de la fable de la Fontaine «La Cigale et la fourmi» en leur demandant: «Eh bien, dépensez, maintenant».