Tim Roth et Trine Dyrholm à l’affiche du film «Poison». Désirée Nosbusch dit avoir eu «une lucky star» lors du tournage, «par moments, tout semblait impossible, puis soudain, le ciel s’ouvrait et la lumière arrivait au bon moment.» (Photo: Deal Productions)

Tim Roth et Trine Dyrholm à l’affiche du film «Poison». Désirée Nosbusch dit avoir eu «une lucky star» lors du tournage, «par moments, tout semblait impossible, puis soudain, le ciel s’ouvrait et la lumière arrivait au bon moment.» (Photo: Deal Productions)

Le premier long-métrage de la Luxembourgeoise Désirée Nosbusch, «Poison», a été présenté en avant-première au Luxembourg à l’occasion du LuxFilmFest, ce mardi 11 mars. Adapté de la pièce «Gif» de l’autrice néerlandaise Lot Vekemans, le film met en scène Tim Roth et Trine Dyrholm et explore la rencontre, dix ans après un drame, d’un couple qui ne s’est pas revu depuis.

Présenté en avant-première au Luxembourg le mardi 11 mars, «Poison» marque les débuts de Désirée Nosbusch en tant que réalisatrice de long-métrage. Inspiré de la pièce de théâtre «Gif» de Lot Vekemans, le film met en scène Tim Roth et Trine Dyrholm dans un huis clos émotionnel, où un couple se retrouve pour la première fois après dix ans de séparation.

Dix ans après une tragédie, Edith (Trine Dyrholm) et Lucas (Tim Roth) se retrouvent dans un cimetière. Les mots sont hésitants, les silences lourds. «Nous ne pouvons pas faire notre deuil ensemble», confie Désirée Nosbusch. «Celui qui reste figé n’est pas meilleur que celui qui fuit. Ce sont juste deux façons différentes d’affronter la perte.» Entre confrontation et souvenir, «Poison» explore ce lien qui persiste malgré les années, malgré tout.

Dès les premières minutes, «Poison» impose son rythme. Une lenteur assumée, qui ne doit rien au hasard. «Il est bien sûr lent, mais il l’est intentionnellement», affirme Désirée Nosbusch. «Après mon premier montage, nous avons beaucoup discuté de la possibilité d’accélérer le début, car il faut un certain temps avant que les personnages ne se retrouvent face à face. Mais j’ai décidé de m’y tenir.»

Elle explique ce choix par l’expérience qu’elle souhaite offrir au spectateur. «Aujourd’hui, nous arrivons au cinéma en courant. Nous nous demandons où sont nos clés, où est notre boisson, où nous avons garé la voiture. Puis le film commence et nous ne sommes pas encore complètement là. Avec «Poison», il faut accepter de ralentir, de s’asseoir, de respirer et de s’ouvrir à l’histoire.»

Une adaptation fidèle, mais repensée pour le cinéma

L’attachement de Désirée Nosbusch à «Poison» remonte à plus d’une décennie. «J’ai découvert la pièce il y a 13 ou 14 ans, quand on m’a proposé d’y jouer au théâtre ici au Luxembourg. Je me souviens m’être dit: ‘Mon Dieu, j’ai rarement lu une pièce moderne aussi profondément touchante, aussi parfaitement orchestrée, comme une symphonie.’ Chaque mot était exactement à sa place, rien ne manquait, rien n’était en trop.»

Elle ressent alors le besoin de porter cette œuvre au cinéma. «Quand j’ai étudié la réalisation à UCLA, Mel Brooks nous disait toujours: ‘Si une histoire te colle à la peau comme un pot de miel et que tu n’arrives pas à t’en défaire, alors c’est celle qu’il faut raconter.’ C’est ce qui s’est passé avec «Poison». Je ne pouvais plus l’oublier.»

Pourtant, adapter une pièce de théâtre à l’écran représente un défi. «On ne peut pas simplement transposer du théâtre au cinéma. Il faut l’ouvrir, l’adapter, tout en restant fidèle à son essence. J’ai fait en sorte de respecter ce qui m’avait touchée en premier lieu.» Certaines répliques sont restées intactes, comme la première phrase d’Edith lorsqu’elle revoit Lucas après dix ans. «Ils ont vécu un drame. Ils ne se sont pas revus depuis. Et la première chose qu’elle lui dit, c’est ‘Oh, tu es déjà là.’ J’ai trouvé ça brillant, et nous n’avons jamais pensé à la modifier.»

Le choix du cimetière de Vianden

L’essentiel du film se déroule dans un cimetière, un cadre qui, pour la réalisatrice, devait impérativement inclure un élément clé: l’eau. «L’eau est essentielle dans cette histoire. Elle symbolise le passage, le fait que quelque chose doit partir pour que quelque chose revienne.»

Trouver l’endroit idéal n’a pas été simple. «J’ai visité tous les cimetières du Luxembourg et je ne trouvais pas ce que je voulais. Je me suis même demandé si nous ne devions pas aller tourner aux Pays-Bas, où l’eau est plus présente. Puis, un soir, ma cheffe décoratrice, qui était à Hambourg, m’a appelée en me disant: ‘J’ai trouvé le cimetière parfait sur Google Earth.’ J’étais persuadée qu’elle se trompait de pays. Mais elle m’a dit: ‘Non, c’est au Luxembourg, à Vianden.’»

En découvrant l’endroit le lendemain, la réalisatrice sait immédiatement qu’elle a trouvé le décor idéal. «Vianden, c’est là où, enfant, on faisait notre première excursion avec l’école, où l’on prenait la télécabine pour monter au château. J’avais oublié cet endroit, mais il était exactement comme je l’avais imaginé.»

Désirée Nosbusch:«Nous sommes tous des conteurs. Parfois, nous racontons des histoires devant la caméra. Parfois, nous les racontons derrière.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Désirée Nosbusch:«Nous sommes tous des conteurs. Parfois, nous racontons des histoires devant la caméra. Parfois, nous les racontons derrière.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Un tournage soumis aux caprices de la météo

Filmer en extérieur en plein hiver a posé de nombreuses difficultés. «Nous avons tourné fin janvier et en février. Certains jours, nous avions quatre saisons en une seule journée.»

Un matin, l’équipe découvre un décor entièrement recouvert de neige, alors que la veille, le sol était dégagé. «Nous avons dû utiliser des chalumeaux pour faire fondre la neige sur les tombes, car nous devions assurer la continuité des scènes.» Parfois, la nature a joué en faveur du film. «J’espérais que, lorsque les personnages commenceraient à s’ouvrir l’un à l’autre, la lumière apparaîtrait. Et c’est arrivé. Nous étions sur la colline et, soudain, le soleil a percé.»

Un duo d’acteurs magnétique

La réussite du film repose en grande partie sur l’alchimie entre Tim Roth et Trine Dyrholm. Dès le départ, Désirée Nosbusch savait qui elle voulait pour incarner Edith. «Je cherchais une femme forte, qui ne serait pas une victime. Même si elle est enfermée dans sa douleur, elle ne suscite pas la pitié. Trine est cette femme.»

L’objectif était de faire ressentir la complexité du lien entre Edith et Lucas. «Je ne voulais pas que le public pense ‘Pauvre femme, il l’a quittée pour une plus jeune, il va avoir un enfant alors qu’elle ne peut plus en avoir.’ Je voulais qu’on soit tour à tour de son côté, puis du sien, puis de nouveau du sien. Chaud, froid, chaud, froid.»

Leur première rencontre sur le plateau est un moment clé. «Ils ne s’étaient jamais vus avant le tournage. Mais dès qu’ils sont entrés dans la pièce où nous allions nous réunir, j’ai regardé mon chef opérateur et nous nous sommes dit: ‘Nous avons un film.’»

Désirée Nosbusch, elle-même actrice, s’est servie de son expérience pour diriger ses comédiens. «Je sais ce dont un acteur a besoin pour se sentir en sécurité et être capable de poser son âme sur la table. Mon rôle était de créer un espace où ils pouvaient tout essayer sans crainte.»

L’expérience l’a convaincue de continuer dans cette voie. «J’ai un nouveau projet en développement. Une histoire qui se déroule en Irlande du Nord, sur le pardon et l’impact du passé sur les générations futures.»

Le passage de l’autre côté de la caméra lui apparaît comme une évidence. «Nous sommes tous des conteurs. Parfois, nous racontons des histoires devant la caméra. Parfois, nous les racontons derrière.»