Vue de l’exposition  Opus Incertum  de Daniel Wagener dans le cadre des 54e Rencontres d’Arles. (Photo: Armand Quetsch/CNA)

Vue de l’exposition Opus Incertum de Daniel Wagener dans le cadre des 54e Rencontres d’Arles. (Photo: Armand Quetsch/CNA)

Les Rencontres d’Arles sont désormais ouvertes et le Luxembourg y est représenté cette année à travers l’exposition Opus Incertum de Daniel Wagener. Une exposition qui dévoile, non sans humour, une certaine forme de poésie urbaine.

Depuis sept ans, le Luxembourg est présent aux Rencontres internationales de la photographie à Arles grâce à la volonté et au dynamisme de Lët’z Arles. Cette année, c’est Daniel Wagener qui est l’artiste invité à exposer son travail dans la chapelle de la Charité. Sous le commissariat de Danielle Igniti, il présente l’exposition Opus Incertum qui intègre la catégorie «Émergences» du festival de photographie.

Daniel Wagener vit et travaille entre Bruxelles et Luxembourg. (Photo: Marion Dessard)

Daniel Wagener vit et travaille entre Bruxelles et Luxembourg. (Photo: Marion Dessard)

Daniel Wagener (né en 1988) est le lauréat du Luxembourg Photography Award (LUPA), prix organisé depuis cette année par Lët’z Arles et qui offre au lauréat la possibilité d’avoir une exposition à l’occasion des Rencontres d’Arles avec l’accompagnement d’un curateur, une exposition «retour» au Pomhouse du Centre national de l’audiovisuel (CNA), une publication, des événements favorisant les rencontres avec les professionnels de l’art, un soutien technique et logistique, ainsi que la propriété des œuvres à l’issue de l’exposition.

Va-et-vient entre passé et contemporain

À travers le choix du titre de son exposition, l’artiste évoque ces constructions romaines dont les murs sont réalisés à partir de petits blocs, carreaux cassés ou briques variées. En s’appuyant sur l’idée de l’accumulation de ces éléments disparates et en les liant à une technique de construction, l’artiste interroge le lieu dans lequel il intervient, une ancienne chapelle désaffectée qui sert aujourd’hui de lieu d’exposition. Ce parallèle lui permet aussi de porter un regard curieux et amusé sur notre monde urbain contemporain, sur l’absurdité, mais aussi la beauté qui se dégage des chantiers de construction que nous pouvons croiser tous les jours sur notre chemin.

Pour mettre en scène ses photographies, Daniel Wagener a choisi de jouer sur l’idée du contraste. Alors que la chapelle est une architecture baroque et qu’une partie du mobilier religieux en bois est encore en place, il choisit d’exposer ses photographies sur un dispositif scénographique composé d’éléments industriels, tels que des montants métalliques et des étagères préfabriquées, le tout retenu par des sangles de serrage. Aux courbes et volutes historiques, il oppose la géométrie et la rigueur d’une structure industrielle contemporaine. Il introduit aussi la notion de mouvement et de temporaire en posant simplement des tirages sur des chariots de manutention, ce qui lui permet par ailleurs d’habiter différemment l’espace complexe de la chapelle.

Daniel Wagener et Danielle Igniti, devant l’installation dans la chapelle de la Charité. (Photo: Olivier Querette – Ektadoc)

Daniel Wagener et Danielle Igniti, devant l’installation dans la chapelle de la Charité. (Photo: Olivier Querette – Ektadoc)

Une accumulation dynamique de ses photographies est ainsi orchestrée, créant à la fois une impression de foisonnement et de liberté de regard pour les visiteurs qui sont invités à faire leur propre parcours visuel au sein de cette sélection, savamment composée.

Interroger la place du spirituel

Les photographies, quant à elles, représentent des vues de chantier, des moments saisis dans l’espace urbain, des traces du bâti du présent et du passé. Comme dans un entrepôt, ce stock d’images vient se substituer à l’autel dont il obstrue la vue. L’artiste interroge aussi la nature de l’icône dans notre société contemporaine et nous pousse à réfléchir sur la place du spirituel et son intersection avec le matériel.

«Opus incertum raconte une nouvelle réalité, cherche à documenter les épisodes de construction urbaine, déniche ce que cache l’ostentatoire, révèle ce qui n’est plus aperçu», écrit la commissaire d’exposition Danielle Igniti. «Opus incertum est aussi un hommage au travail collectif et à l’engagement de ces acteurs qui font société pendant les processus de construction, qui assurent les transmissions de méthodes et de culture et qui pratiquent l’échange oral dans une solidarité exemplaire, tout en restant invisibles.»

L’installation témoigne par ailleurs d’une habile utilisation de la couleur, que ce soit dans les photographies elles-mêmes ou dans la mise en scène de leur présentation. On ressent aussi fortement l’amour que l’artiste porte pour le graphic design, lui qui est parallèlement actif dans le milieu de l’édition puisqu’il gère le studio d’impression Chez Rosi qui édite des livres d’art à Bruxelles.

L’exposition est donc accompagnée par une publication qui est plus qu’un catalogue d’exposition. Coéditée avec le Centre national de l’audiovisuel (CNA), il s’agit pour Daniel Wagener de sa première grande publication qui rassemble de nombreuses photographies complémentaires à celles de l’accrochage, ainsi qu’un ensemble de risographies.

Opus Incertum, jusqu’au 24 septembre, .