La police avait déployé un important dispositif dans la perspective de la manifestation qui devait avoir lieu entre la place de l’Europe et le Glacis samedi. Ce qui n’a pas empêché plusieurs incidents et 19 interpellations d’avoir lieu. La situation a été beaucoup plus paisible dimanche.

La manifestation de ce samedi à Luxembourg-ville, organisée contre les mesures sanitaires prises dans le cadre de la pandémie et ressenties comme des atteintes aux libertés individuelles, avait été particulièrement bien préparée par les forces de l’ordre. Après les débordements vécus le week-end précédent, la crainte était d’assister à des incidents plus graves cette fois, et plus violents.

La police bien organisée

À raison, puisqu’il a fallu en déplorer plusieurs, notamment des affrontements avec les forces de l’ordre. Le marché de Noël de la place d’Armes a dû fermer temporairement, juste avant que cela ne soit aussi le cas de celui de la place de la Constitution. Dans la soirée, on annonçait une quinzaine d’interpellations. Finalement, il y en aura eu 19. 

Le début d’après-midi, ce samedi qui précède les fêtes de Noël, ressemble pourtant à tous les autres samedis qui précèdent les fêtes de Noël. Il y a beaucoup de monde, notamment des familles, en quête de cadeaux, ou bien simplement venues faire du shopping, avant de passer boire un vin chaud dans un des marchés de Noël de la ville. «Oui, il y a du monde. C’est bien. Cela démontre que les gens ne se laissent pas impressionner», note l’échevin  (CSV), croisé en rue. Il est accompagné de (CSV). Mais aussi de (DP), qui se félicite du «dispositif policier, qui rassure. Car on peut craindre que certains ne viennent juste pour en découdre.»  (CSV) a remarqué de son côté «les policiers belges venus en appui. Merci à eux pour leur soutien.»

Le gouvernement, les médias et même certains scientifiques sont mis en cause par les manifestants. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

Le gouvernement, les médias et même certains scientifiques sont mis en cause par les manifestants. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

La police est là, en nombre, en plusieurs endroits de la ville. Les véhicules sont bien visibles, un hélicoptère patrouille, et même un drone. Au Glacis, vers 13h30, la foule commence à se rassembler. Les premières pancartes sortent, la sono est installée, on fait aussi sauter les premiers bouchons des bouteilles de bière… Luxembourgeois, Français, Allemands ou Belges se mélangent plutôt joyeusement. Mais il ne faut pas être grand devin pour constater que certains attendent que la tension monte, impatients d’aller affronter cette police qui incarne plus que tout les privations de liberté.

À partir de 14h, les premiers discours sont diffusés par les enceintes, placées devant une banderole qui rappelle que c’est «notre guerre». Entre deux cris poussés par des dizaines de gorges comme «Bettel en prison» ou «Liberté, liberté», les propos des orateurs se font plus durs. «Le peuple est souverain, au-dessus de toutes les lois», lance une dame au micro. Applaudie à tout rompre, évidemment.

Plusieurs orateurs ont harangué la foule à tour de rôle, parfois de manière très virulente. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

Plusieurs orateurs ont harangué la foule à tour de rôle, parfois de manière très virulente. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

«Nous ne sommes pas ici pour lutter et dire que nous sommes contre le vaccin», invective un autre qui a pris le relais. «Mais nous sommes là pour notre liberté. Nous sommes tous dans le même bateau. Cette liberté, elle a un prix, il faudra aller la chercher. Il va falloir aller taper à la porte chez quelqu’un pour la reprendre.» Pour cela, une voie sera la politique. «Depuis deux semaines, nous avons créé un nouveau parti, Fir d’Vollek, le seul vrai parti d’opposition.» Même si, dans son élan, il salue et remercie «l’ADR, qui essaye de faire ce qu’il peut et se met de notre côté».

D’abord bon enfant, l’ambiance est ensuite devenue plus tendue. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

D’abord bon enfant, l’ambiance est ensuite devenue plus tendue. (Photo: Luc Deflorenne/Maison Moderne)

Dans la foule, Ysaline et Marc (prénoms d’emprunt) ne cautionnent pas tout ce qui est dit. Mais tous les deux en ont assez de ces restrictions incessantes. «On a accepté la fermeture des salles de sport, des restaurants… Mais maintenant, on nous prive de travail, cela ne va plus», disent-ils. Un autre manifestant, lui, critique «ces scientifiques qui changent de discours. Et ces politiques qui ne cessent aussi de varier leurs propos et leurs mesures. On ne cessait de promouvoir les autotests, mais maintenant, ils ne valent plus rien. Un test était valable 48 heures, maintenant 24 heures. Stop.» Un troisième évoque «cette mauvaise communication. Du coup, nous n’avons plus confiance!»

«Soit tu es avec le peuple, soit tu es contre le peuple», lance un dernier orateur, sous la forme d’un avertissement.

À ce moment, la température est bel et bien montée de plusieurs degrés. Les discours, l’effet de groupe et parfois l’alcool échauffent les esprits. Certains veulent alors aller vers la place de l’Europe. Les organisateurs lancent des appels pour qu’ils restent au Glacis, dans le calme. Ils sont entendus par certains, moins par d’autres. La police fait barrage, calmement.

Mais la mèche est allumée. Des groupes font alors face aux forces de l’ordre, très bien organisées, avenue de la Porte-Neuve. Ils finissent par passer le premier rideau policier, font 200 ou 300 mètres avant de se heurter à un second cordon escorté d’une autopompe. Ils avancent pour empêcher les manifestants d’aller vers le centre-ville. Des fumigènes volent, mais des pierres sont aussi jetées vers les policiers.

La bonne humeur a laissé la place au chaos et à la violence. Des policiers sont poussés et frappés, des coups de matraque arrivent en réplique. L’autopompe entre en action, et les manifestants refluent. Même mouillés, certains repartiront tout de même ensuite à l’assaut.

L’autopompe a dû entrer en action. (Photo: Guy Wolff)

L’autopompe a dû entrer en action. (Photo: Guy Wolff)

Le face-à-face se poursuit au Glacis. Avec, au premier rang, quelques furieux visiblement frustrés de ne pas réussir à déstabiliser les policiers. Il est 16h, et de nombreux manifestants commencent à quitter les lieux.  Lassés, ou simplement inquiets de voir les choses ainsi dégénérer.

Mais d’autres parviennent à gagner le centre-ville vers 17h, pourchassés par la police. Deux marchés de Noël sont fermés, tout comme la circulation sur le boulevard Roosevelt, les trams sont temporairement à l’arrêt…

Les derniers manifestants ont été dispersés vers 18h. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Les derniers manifestants ont été dispersés vers 18h. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Vers 18h, les derniers groupes sont dispersés, et la situation redevient normale peu après.

Dans la soirée, on annonce une quinzaine d’interpellations. Finalement, il y en aura 19. «14 personnes ont été interpellées au niveau administratif», a indiqué la police, dans un bilan dressé dimanche soir. Dans cinq autres cas, «une procédure judiciaire a été entamée, notamment pour les faits suivants: rébellion envers des agents de la police, armes prohibées, agression et menace d’une personne, symbole ou signe propre à troubler la paix publique». Mais d’autres procès-verbaux et rapports pourraient encore être dressés, sur base, notamment, des images filmées par la police.

Mais aucun blessé grave n’est à déplorer.

Des groupes ont marché pour rejoindre le centre-ville. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Des groupes ont marché pour rejoindre le centre-ville. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Dimanche, une autre manifestation était prévue. Une nouvelle marche silencieuse pour les droits et les libertés. La police était évidemment à nouveau bien présente. Mais cette fois, tout s’est déroulé de manière beaucoup plus paisible.

Les 500 manifestants se sont réunis vers 15h place de l’Europe pour rejoindre, comme autorisé, le Glacis, où ils sont arrivés vers 15h30. Tout était fini vers 17h sans aucun incident à déplorer, cette fois.