Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

À la veille des élections européennes de ce week-end, il est opportun de se remémorer les avantages et les inconvénients de l’appartenance à l’Union européenne. Représentant la plus grande intégration de différents pays que l’histoire ait connue, le projet européen restreint naturellement l’indépendance de ses membres sur certains fronts, et en même temps procure de nombreux avantages pour les citoyens de l’Union européenne.

Bien qu’il soit impossible de résumer en un article de manière exhaustive ce que l’Europe nous a apporté, je tenterai d’en esquisser les éléments principaux. Mais avant tout, passons en revue les facettes de l’Europe qui ont alimenté les discours populistes.

Les eurosceptiques mettent souvent l’accent sur les malfonctionnements de l’Europe, sur le manque d’indépendance des États concernant certaines politiques communes ainsi que sur le strict respect des normes européennes. La politique migratoire de l’Europe sert souvent d’argument principal pour les europhobes, qui souhaitent rétablir les contrôles aux frontières afin de mieux réguler les flux migratoires intra et extra-européens. Le refus de plusieurs pays européens d’accepter un quota migratoire lors de l’afflux important de 2015-2016 illustre ce point.

Deuxièmement, les États de l’Union européenne doivent se plier aux règles en matière de politique budgétaire. Parmi ces réglementations, le traité de Maastricht et le pacte de croissance et de stabilité figurent au premier plan. Les États ont donc perdu une certaine autonomie dans l’implémentation de leur politique budgétaire. Un autre argument mis en avant par les opposants à l’Europe concerne les écarts de coût du travail qui existent entre les pays.

Une politique monétaire conjointe à plusieurs pays relativement hétérogènes peut s’avérer être un frein pour certaines économies en période de récession.

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Par exemple, le salaire minimum mensuel brut au Portugal s’élève à 700 euros contre 1.594 euros en Belgique. Cette mesure salariale est 7 fois plus élevée au Luxembourg qu’en Bulgarie. La différence intra-européenne du coût du travail peut conduire au sentiment des travailleurs d’être plus exposés à la concurrence que dans le passé, lorsqu’il n’existait pas d’Espace économique européen.

Ensuite, un nombre plus restreint de pays européens partagent une monnaie unique, l’euro. Le fait de partager l’euro et d’avoir une banque centrale commune signifie que les pays membres ne peuvent plus mener de politique monétaire indépendante. Une politique monétaire conjointe à plusieurs pays relativement hétérogènes peut s’avérer être un frein pour certaines économies en période de récession quand celles-ci ont besoin de taux d’intérêt plus faibles que d’autres états plus robustes. Finalement, pour la plupart des citoyens européens, les décisions prises à Bruxelles leur paraissent distantes.

Par conséquent, peu d’Européens sont intéressés par les politiques menées par l’Europe, en raison de la perception que les décisions prises au niveau européen impactent leur quotidien dans une moindre mesure que les politiques nationales, régionales et communales, qui peuvent avoir une incidence plus directe sur la vie des citoyens.

Les pays qui partagent l’euro bénéficient d’une plus grande stabilité dans leurs échanges commerciaux puisque la monnaie unique a supprimé les variations du taux de change.

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Or, bien souvent, nous négligeons les avantages de l’Europe que nous considérons comme acquis. Parmi ceux-ci, la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne a supprimé les contrôles aux frontières lors de nos déplacements, ce qui constitue un gain de temps pour les voyageurs. La libre circulation des personnes signifie aussi qu’un retraité peut librement prendre sa pension dans un autre pays membre et que les citoyens sont libres de s’installer dans un autre pays.

Un autre point positif de notre appartenance à l’Europe est que le regroupement des pays européens constitue la deuxième puissance économique mondiale après les États-Unis, ce qui confère à l’Europe un poids non négligeable dans les négociations commerciales avec les autres puissances. En effet, la politique douanière commune implique que les biens qui rentrent dans notre zone économique font l’objet de contrôles de qualité et de droits de douane similaires. Une fois un produit étranger introduit dans l’Union, il n’est plus question de contrôle aux frontières ni de droits de douane s’il est vendu dans un autre État membre, ce qui a réduit drastiquement les barrières au commerce entre les membres de la zone de libre-échange.

Les pays qui partagent l’euro bénéficient d’une plus grande stabilité dans leurs échanges commerciaux puisque la monnaie unique a supprimé les variations du taux de change qui existaient auparavant entre les économies de la zone. Tout comme les États, l’Europe dispose de son propre budget, qui représente environ 1% de la richesse générée par an dans l’Europe.

À ce jour, l’Europe est un édifice en cours de construction. Des étapes supplémentaires devront sans doute encore être franchies afin que cette intégration européenne aboutisse.

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Même si cette taille reste relativement limitée, le budget sert, entre autres, à financer des fonds européens de recherche et d’innovation et à subsidier les régions moins développées. Le budget européen est l’un des seuls transferts fiscaux à ce jour à l’échelle de l’Union européenne et favorise la convergence de richesse entre les différents pays. La coopération judiciaire et de sécurité est également un élément important de succès de l’intégration européenne.

Finalement, après avoir énuméré – bien que de manière incomplète – les pour et les contre de l’Europe, il convient à chacun de se forger une opinion et de faire valoir ses propres convictions. À ce jour, l’Europe est un édifice en cours de construction. Des étapes supplémentaires devront sans doute encore être franchies afin que cette intégration européenne aboutisse. Il reste à travailler sur une vraie politique étrangère commune, elle-même rendue possible et pertinente par le développement d’une armée européenne. Ensuite, une plus grande intégration fiscale semble nécessaire afin d’accélérer la convergence de richesse entre les États membres.

Cela pourrait prendre la forme de transferts fiscaux plus importants des régions prospères vers les régions en besoin de financement, ainsi que d’une politique fiscale et sociale commune. L’Europe actuelle est donc sous-optimale. Si davantage d’intégration européenne est souhaitable pour optimiser son fonctionnement et solidifier la région, un recul dans le projet européen amplifierait probablement à terme les fissures déjà existantes, ce qui rendrait encore plus difficile toute intégration complète dans le futur.