Une petite rose, mais surtout avec beaucoup d’épines. Les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont rendu un rapport spécial quant au plan de lutte de l’UE contre la désinformation, qui date de 2018, et n’ont pas hésité à le critiquer vertement.
L’éducation aux médias abandonnée en rase campagne
Si la Cour estime que le plan va «dans le bon sens», seul satisfecit, il n’a pas tenu toutes ses promesses. Par exemple, aucune révision n’a eu lieu depuis trois ans, «alors que les tactiques, les acteurs et les technologies de la désinformation ne cessent d’évoluer». Elle pointe aussi un certain désordre dans l’action: en 2020, la Commission a publié le plan d’action pour la démocratie européenne, qui prévoit lui aussi des mesures de lutte contre la désinformation, sans préciser clairement comment il s’articule avec le plan d’action de 2018. La crainte est que «le fait de poursuivre des objectifs semblables dans le cadre de différentes initiatives ne complique la coordination et n’induise un manque d’efficience».
Autre point noir: l’absence de dispositifs globaux «pour faire en sorte que la réponse de l’UE soit bien coordonnée, efficace et proportionnée à la nature et à l’ampleur de la menace». L’efficacité du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) doit aussi être améliorée.
De plus, alors que le plan d’action associait secteur privé et société civile, «il n’a permis ni d’obliger les plateformes en ligne à rendre compte de leurs actions, ni de les amener à jouer un rôle plus actif dans la lutte contre la désinformation».
Quant à l’éducation aux médias, elle en prend aussi pour son grade. Les auditeurs, peut-on lire dans le rapport spécial, «pointent l’absence d’une stratégie d’éducation aux médias qui tienne compte de la lutte contre la désinformation et soulignent la fragmentation des politiques et des actions visant à renforcer la capacité des citoyens à accéder aux médias et aux communications, à les comprendre et à interagir avec eux».
Pas de cadre juridique européen
Face à ce constat, «nous recommandons de renforcer et de mieux coordonner la réponse de l’Union à la désinformation», affirme M. Baudilio Tomé Muguruza, membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport.
Mais ce qui constitue une énorme difficulté est que les États membres sont responsables au premier chef de la lutte contre la désinformation. Hormis une série d’initiatives stratégiques et l’article 11 de la charte des droits fondamentaux qui traite de la liberté d’expression et d’information, l’UE ne dispose pas véritablement de cadre juridique pour traiter la désinformation.