Quatre bénéficiaires effectifs (russes) majoritaires d’une holding (luxembourgeoise), elle-même placée dans une liste de sanctions internationales, peuvent-ils espérer récupérer leurs assets, situés dans un troisième pays (l’Ukraine), en utilisant une convention signée par l’Union économique de deux autres pays (la Belgique et le Luxembourg) avec le troisième pays?
Deux députés écologistes belges, Samuel Cogolati et Wouter De Vriendt, ont décidé d’en appeler à deux ministres belges, ceux des Affaires étrangères et des Finances, Hadja Lahbib et Vincent Van Peteghem, racontent nos confrères de L’Echo. Leur objectif: empêcher que ces quatre proches de Vladimir Poutine, Mikhail Fridman, German Khan, Alexey Kuzmevich et Petr Aven, tous sous le coup des sanctions, ne puissent récupérer quoi que ce soit.
Le 24 juillet, le gouvernement ukrainien avait annoncé avoir finalisé la nationalisation de la Sense Bank, dixième banque nationale, entamée un an plus tôt, tandis que le procureur d’État avait de son côté indiqué avoir empêché le retrait de grosses sommes d’argent de la banque.
La holding luxembourgeoise, ABH, évoque la situation dans son rapport annuel de 2022, enregistré au Registre luxembourgeois du commerce le 11 juillet. «Compte tenu des restrictions imposées par la Banque nationale d’Ukraine, le Groupe a décidé de déconsolider ses filiales liées à son activité en Ukraine à partir de mars 2022 (note 4), dont JSC Sense Bank, enregistrant une perte d’un montant de 377 millions de dollars. Au 31 décembre 2022 et jusqu’à présent, la propriété légale des actions représente 57,6% (2021: 57,6%) du capital social de JSC Sense Bank (anciennement JSC ALFA-BANK en Ukraine, renommée JSC Sense Bank en novembre 2022) était détenu directement par la Société, tandis que 42,4% (2021: 42,4%) sont détenus par ABH Ukraine Limited. Malgré la perte de contrôle, la Société reste intéressée à trouver des solutions pour sécuriser l’avenir de JSC Sense Bank, et potentiellement rester en tant qu’actionnaire minoritaire sans contrôle dans JSC Sense Bank».
Plus loin, le rapport annuel complète: «Sur la base de l’analyse réalisée, la direction du Groupe a conclu qu’à partir de mars 2022, le Groupe a perdu le contrôle du sous-holding ABH Ukraine. Le Groupe est en conséquence déconsolidé de la sous-holding ABH Ukraine, ce qui a entraîné une décomptabilisation d’actifs pour un montant de 4,349 millions de dollars et des dettes pour un montant de 4,278 millions de dollars.» L’année précédente, l’Alfa-Bank, son nom officiel à ce moment-là, était détenue à 100% par la holding luxembourgeoise pour une valeur de plus de 7 milliards de dollars, dit le rapport annuel de 2021, lui aussi déposé le 11 juillet.
Fin décembre 2022, le groupe comptait 1.039 bureaux ou filiales qui employaient plus de 41.000 personnes et avait enregistré une perte de 2,4 milliards de dollars.
La Belgique est-elle réellement concernée? Pas sûr, disent nos confrères belges selon lesquels le ministère belge des Affaires étrangères a été mis au parfum par son homologue luxembourgeois. Selon eux, même si la Belgique dénonçait le traité qui protégerait les quatre oligarques, les investissements consentis avant la date d’expiration du traité resteront couverts pendant une période de dix ans.