L’étude indique que seulement 3 institutions financières luxembourgeoises sur 22 étudiées mentionnent les droits humains dans leurs statuts. (Image: Shutterstock)

L’étude indique que seulement 3 institutions financières luxembourgeoises sur 22 étudiées mentionnent les droits humains dans leurs statuts. (Image: Shutterstock)

Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) a publié, le 8 février, une étude pointant les «lacunes» de la place financière luxembourgeoise en matière de droits humains. Elle demande au gouvernement une loi sur le devoir de diligence et appelle à plus de rigueur.

Au sein des acteurs publics et privés de la finance au Luxembourg, l’engagement en faveur des droits humains serait insuffisant, selon la dernière étude d’ASTM, intitulée «La place financière du Luxembourg et ses directives en matière de droits humains». Selon elle, seuls 3 acteurs sur les 22 concernés mentionnent spécifiquement une attention aux droits humains dans leurs statuts, rapports annuels ou actes de gouvernance (parmi lesquels les organismes de contrôle et de régulation du secteur, mais aussi les principales associations et les lobbyistes). Il s’agit de l’ABBL (Association des banques et banquiers Luxembourg), l’INDR (Institut national pour le développement durable et la RSE) et la LSFI (Luxembourg Sustainable Finance Initiative).

Les autres se contentent donc de recommandations générales sur les aspects sociaux, ce qui ne serait pas suffisant. Et ce malgré deux plans nationaux élaborés par le gouvernement pour mettre en œuvre les principes directeurs des Nations unies, dont le .

Nous demandons une taxonomie sociale, car la crise climatique n’est pas plus importante que les droits humains.
Antoniya Argirova

Antoniya Argirovaresponsable plaidoyer politiqueASTM

L’ONG demande donc que soient strictement appliqués, par voie législative, les principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits humains. Elle veut un engagement politique global, un processus de diligence raisonnable, et va jusqu’à demander la mise en place de mesures de réparation pour les entreprises qui ne respectent pas ces principes. «Nous demandons une taxonomie sociale, car la crise climatique n’est pas plus importante que les droits humains», soutient Antoniya Argirova, responsable du plaidoyer politique au sein d’ASTM.

Plus de rigueur et de moyens de contrôle

Quatre études de cas visent volontairement à montrer les défaillances du secteur financier luxembourgeois, notamment à travers des exemples liés à des violations de droits humains en Chine, en Palestine et en Amérique latine. Dans son viseur, ASTM cible tout particulièrement les organismes de régulation que sont la Commission de surveillance du secteur financier et le Commissariat aux assurances, lesquels, selon elles, «ne mentionnent nulle part les droits humains dans leurs documents de synthèse ou de gouvernance, même pas sous forme de recommandation». 

L’industrie financière a bien compris qu’elle doit veiller à la conformité sociale de ses investissements, dans tous les domaines.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance

ASTM pointe aussi du doigt le fait que la Place communique largement sur les aspects de finance durable, mais «injustement», selon l’ONG. Le combat pour la biodiversité ou contre l’usage de plastiques n’a pas encore été déclaré, mais il sera certainement au moins aussi virulent que celui en faveur du respect des droits humains.

La cible «financière» est une cible habituelle. Toutefois, le Luxembourg est également reconnu par rapport à d’autres pays. Ce qui n’empêche pas Michaël Lucas, coordinateur général d’ASTM, de parler de déséquilibres: «En matière d’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), il y a déjà un déséquilibre dans le E, entre les efforts faits pour lutter contre la crise climatique et ceux en faveur de la biodiversité. Mais il y a un autre déséquilibre dans le S, entre les droits civils et politiques et les droits économiques et sociaux dont font partie les droits humains.»


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Bémol au travail d’ASTM, seules quelques-unes des institutions financières luxembourgeoises ont été contactées pour la réalisation de l’étude.

La place financière peu consultée

, CEO de Luxembourg for Finance, s’en étonne d’ailleurs et ajoute: «Pourquoi nommer les droits humains plus que les autres? Qu’ils ne soient pas spécifiquement mentionnés n’altère en rien le fait qu’ils soient pris en compte dans le mécanisme social global de vigilance et d’information demandé par la loi sur la taxonomie verte, d’une part, et , d’autre part. Je ne veux pas exonérer le secteur financier de son devoir de vigilance envers les droits humains, mais il faut comprendre que le processus est lancé, avec un objectif fixé à 2050 pour l’ensemble des critères. Il faut du temps pour changer toutes les composantes d’une économie, d’autres instruments de contrôle suivront.»

Chez LFF, on rappelle s’être intéressé au sujet en profondeur lorsqu’avait été publiée en 2020 une étude réalisée avec l’Université de Genève, », laquelle sera mise à jour et présentée en octobre 2022. Les experts financiers de l’industrie y exprimaient déjà que «le respect des droits humains ne doit pas être laissé aux seules initiatives volontaires et que les gouvernements doivent fixer des normes juridiques claires». 

Selon Nicolas Mackel, il n’y a aucun désaccord sur l’objectif en soi, mais sur les moyens d’y arriver. «Ce n’est pas encore un système idéal, mais on ne peut pas dire que ce soit le Far West! L’industrie financière a bien compris qu’elle doit veiller à la conformité sociale de ses investissements, dans tous les domaines.»

De son côté, l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi) rappelle les fondements des régulations en place dans un communiqué: «Le Luxembourg se conforme aux deux textes européens applicables. Le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité requiert de considérer le respect des droits de l’Homme, critère repris dans la définition des facteurs de durabilité. Par ailleurs, pour tout produit financier réalisant des investissements durables au sens de la taxonomie, il convient d’appliquer les principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales et des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme