Basak Baglayan, chercheuse postdoctorale en droit à l’Université du Luxembourg, examine la faisabilité de l’introduction de lois sur le devoir de diligence en matière de droits humains. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Basak Baglayan, chercheuse postdoctorale en droit à l’Université du Luxembourg, examine la faisabilité de l’introduction de lois sur le devoir de diligence en matière de droits humains. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Alors que le gouvernement réfléchit aux obligations des entreprises de protéger les droits de l’Homme tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement, Basak Baglayan de l’Université du Luxembourg évalue les coûts et les avantages des lois sur la diligence raisonnable pour le pays.

La question a été mise en lumière en 2018, lorsqu’une société de logiciels espions israélienne avec un siège au Luxembourg a été liée au meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Le Grand-Duché n’a jamais enquêté sur les allégations.

Mais les travaux du gouvernement sur les pratiques de diligence raisonnable avaient déjà commencé. Basak Baglayan fait partie d’un groupe de travail qui a élaboré un plan d’action national sur la diligence raisonnable en matière de droits humains. Elle a maintenant été chargée d’une enquête pour examiner l’option d’introduire des obligations obligatoires.

«J’ai reçu huit objectifs de recherche», déclare-t-elle. Ceux-ci vont de l’analyse des exigences en matière de rapports dans les lois existantes et de ce que font les autres pays, aux régimes de responsabilité et de sanctions, ainsi qu’à l’estimation des ressources nécessaires pour appliquer ces lois.

«L’Union des entreprises luxembourgeoises m’aide à atteindre les entreprises», poursuit la chercheuse, en essayant également de mesurer l’impact de la conformité sur les petites et moyennes entreprises, ainsi que sur les grandes entreprises.

«Les entreprises veulent des règles de jeu équitables et elles veulent la sécurité juridique», explique Basak Baglayan. «Nous avons vu des entreprises se prononcer en faveur de la législation, en raison de la pression des investisseurs, mais aussi de la pression des consommateurs.»

Plan d’action

«Nous constatons différents niveaux de progrès dans les affaires et les droits de l’Homme en Europe», poursuit Basak Baglayan. Le Royaume-Uni a adopté en 2015 la loi sur l’esclavage moderne, la France a adopté en 2017 la loi historique sur le devoir de vigilance, et les Pays-Bas ont suivi en 2019 des lois sur la diligence raisonnable en matière de travail des enfants.

Et bien que la Suisse, lors d’un référendum de novembre, ait voté contre une initiative d’entreprise responsable, elle est sur le point d’introduire des obligations de déclaration de diligence raisonnable sur le travail des enfants et les conflits miniers pour les entreprises d’intérêt public.

Tous les pays des Nations unies ont souscrit aux principes directeurs de l’organisation en 2011, rappelle Basak Baglayan. Ceux-ci disent que «les États doivent se protéger contre les violations des droits de l’Homme sur leur territoire et/ou sous leur juridiction par des tiers, y compris des entreprises».

En conséquence, «une cinquantaine de pays ont adopté un plan d’action national ou sont en train de le faire», résume Basak Baglayan. Le Luxembourg est l’un d’entre eux, mais le plan d’action est basé sur une approche volontaire, la sensibilisation et le renforcement des capacités.

Les mesures comprennent l’offre de formations, des contrôles plus approfondis des entreprises participant aux appels d’offres publics, ainsi que la mise en place de projets pilotes dans des entreprises où l’État est actionnaire majoritaire. «Il y a quelques bons points d’action», estime-t-elle, «mais ce n’est pas un instrument juridique.»

Approche européenne

Les militants ont fait pression sur le gouvernement pour qu’il introduise des lois sur la diligence raisonnable, trouvant 92% de soutien public à une telle mesure dans une enquête d’octobre 2020. L’étude de faisabilité de Basak Baglayan fait partie du plan d’action national, mais le gouvernement a été ouvert à favoriser une solution à l’échelle de l’UE.

«Je ne vois pas la législation nationale et l’harmonisation au niveau européen comme incompatibles», estime Basak Baglayan. «Au contraire, elles peuvent se renforcer mutuellement.»

La Commission européenne a lancé une consultation avec les pays membres et les parties prenantes en vue de présenter une éventuelle directive l’année prochaine. «Les directives fixent les normes que les pays membres doivent atteindre, mais pas la façon dont ils devraient le faire», détaille Basak Baglayan.

Une loi nationale pourrait anticiper la transposition d’une directive. «Et cela peut toujours aller plus loin», affirme Basak Baglayan. Par exemple, le Luxembourg est en train de transposer une directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte dans le droit national et, ce faisant, va au-delà des normes minimales de l’UE.

«Il y a aussi des négociations de traités au niveau de l’Onu», explique-t-elle, «bien que cela prenne très probablement des années et des années».

Le Luxembourg est en lice pour un siège temporaire au Conseil des droits de l’Homme de l’Onu pour 2022 à 2024. «Cela pourrait être une opportunité pour le Luxembourg de faire avancer cet agenda au niveau de l’Onu», conclut Basak Baglayan. «Mais il lui incombe également de s’attaquer à ces problèmes.»