On a attendu longtemps la fumée blanche, ce mardi soir, au château de Senningen. Très longtemps même. Une durée forcément à mettre en rapport avec la complexité de réussir à dégager des solutions à la crise de l’énergie et à l’inflation.
Cette journée de mardi, la troisième de cette tripartite entre le gouvernement, les syndicats et le patronat, avait d’ailleurs plutôt mal commencé. Après la pause déjeuner, plusieurs heures, afin que les trois camps puissent analyser les propositions formulées et se rapprocher d’un accord.
La reprise était fixée sur le coup de 18h. Mais il fallut finalement attendre quelques secondes au-delà de 23h pour voir (DP), le Premier ministre, passer la porte de la salle de conférence de presse de Senningen avec «l’accord de principe» qu’il cherchait à obtenir depuis dimanche après-midi. Il n’était évidemment pas seul, mais accompagné de plusieurs ministres – (DP), (LSAP) et (déi Gréng) –, de représentants du patronat – , le président de l’UEL – et de syndicats – , présidente de l’OGBL, , celui du LCGB, et , celui de la CGFP. Mais aussi de nombreux collaborateurs, tout ce petit monde arborant des mines fatiguées, mais, semble-t-il, satisfaites.
Un paquet à plus d’un milliard
Un peu à l’image d’un Premier ministre qui ne pouvait qu’avoir le sourire au moment de lancer: «Nous avons ficelé un paquet anti-inflation sans précédent dans sa forme et dans son envergure!»
Un paquet comprenant de très nombreuses mesures – dont certaines devront être davantage détaillées prochainement. Le gouvernement veut baisser l’inflation de 4 points, pour arriver à 2,6%.
Pour cela, le gouvernement va limiter la hausse du prix de gaz à +15% par rapport à son niveau actuel, le gel des prix de l’électricité, une réduction doublée (de 7,5 à 15 cents par litre) pour le mazout, mais aussi une baisse temporaire de la TVA sur tous les biens et services (de 17 à 16% pour le taux normal, de 14 à 13% pour l’intermédiaire et de 8 à 7% pour le réduit) et l’ajustement du salaire minimum sur l’évolution du salaire moyen. Sans oublier de nouvelles aides énergétiques pour les PME (un total de 150 millions, avec un maximum de 400.000 euros par entreprise) et les prolongations de l’allocation de vie chère et de la prime énergie pour toute l’année 2023.
Ce pacte anti-inflation est évalué, dans son ensemble, à plus d’un milliard d’euros. Mais il ne devrait pas trop malmener la dette luxembourgeoise. du PIB, cher au Premier ministre et à l’accord de coalition de son gouvernement. Et donc ne pas mettre à mal le AAA du Luxembourg auprès des agences de notation.
Deux indexations en février et avril 2023
«Ce paquet est le bon investissement pour réduire cette inflation qui impacte tous les ménages et toutes les entreprises», expliquait avec conviction Yuriko Backes, la ministre des Finances. «Il va apporter un peu de tranquillité dans cette crise. Notamment en repoussant un peu plus les indexations…»
Grâce aux mesures de ce pacte pour limiter l’inflation, le Statec ne prévoit, en effet, désormais plus qu’une seule nouvelle tranche d’index d’ici fin 2023 – alors que . Elle est envisagée pour février prochain et remplace celle qui était prévue en novembre 2022.
L’année 2023 ne devrait donc connaître que deux indexations: et celle de février.
Cependant, une nouvelle tripartite sera convoquée si trois tranches indiciaires venaient finalement à tomber en 2023. Et à ce propos, on note que les deux autres tranches qui avaient été envisagées pour cette même année sont, quant à elles, pour le moment, repoussées à 2024 dans les prévisions du Statec.
Cet accord va être compliqué à supporter pleinement, en raison des charges supplémentaires qu’il implique pour les patrons…
Une situation qui donnait le sourire aux représentants des syndicats. «Nous avions deux grands objectifs lors de cette tripartite: soutenir le pouvoir d’achat de la population par la mise en place d’un bouclier énergie, comme on le voit en France. Et sauvegarder le système d’index. Les deux sont atteints, nous sommes donc satisfaits», glissait Patrick Dury, le président du LCGB.
Un constat que tirait aussi Nora Back, ajoutant tout de même «qu’il n’a pas été simple de maintenir l’indexation. Il a fallu lutter pour ne plus avoir de manipulation ou de report…», expliquait la présidente de l’OGBL, en référence à la tripartite de mars dernier où (en raison du décalage d’un an de la tranche prévue initialement à l’été 2022).
Espéré début octobre
De son côté, Michel Reckinger, le président de l’UEL, parlait, lui, d’un accord qui «va aider les ménages. C’est un pas en avant pour eux et nous sommes solidaires. Si les ménages sont aidés, les entreprises sont, elles, contentes du plus grand pouvoir d’achat de ceux-ci.» Les aides énergétiques vont aussi soutenir les «entreprises standards. Et le gouvernement fera le plus possible, dans les conditions permises par l’Union européenne, pour aider celles qui ne rentrent pas dans cette catégorie. Néanmoins, cet accord va être compliqué à supporter pleinement, en raison des charges supplémentaires qu’il implique pour les patrons. Le soleil est encore loin. Les temps restent durs…»
En attendant, Xavier Bettel pourra, lui, s’envoler ce mercredi pour New York où a lieu l’Assemblée générale de l’ONU – puis le Japon – le cœur un peu plus tranquille. Les signatures formelles de ce pacte anti-inflation pourraient intervenir à son retour, mercredi prochain. D’ici là, l’accord de principe aura sans doute été affiné et les syndicats OGBL, LCGB et CGFP auront pu consulter leur base. La mise en place des différentes mesures est, elle, espérée pour début octobre…