La directive de l’UE sur le deuxième pilier a été par le Parlement luxembourgeois à la fin de l’année dernière et est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Élaboré par le forum politique multilatéral de l’OCDE pour de la numérisation de l’économie mondiale, le paquet fiscal du deuxième pilier vise à garantir que les groupes multinationaux dont le revenu consolidé est supérieur à 750 millions d’euros par an soient soumis à un taux d’imposition minimum de 15% dans chaque juridiction où ils exercent leurs activités.
Delano a interrogé Thierry Lesage, partner au sein du cabinet de droit fiscal Arendt & Medernach, sur les réformes du deuxième pilier et sur les défis et implications pour les entités multinationales opérant au Luxembourg.
Pouvez-vous nous expliquer la récente réforme fiscale connue sous le nom de «deuxième pilier» et ses principaux objectifs? Et l’état d’avancement de l’adaptation jusqu’à présent?
. – «L’OCDE a proposé une approche en deux piliers pour combler les lacunes des règles existantes qui permettent aux grandes entreprises multinationales d’éviter de payer des impôts. Le premier pilier vise à réaffecter une partie des revenus imposables aux juridictions du marché. Le deuxième pilier vise à mettre en œuvre un impôt minimum mondial sur le revenu des sociétés à un taux effectif de 15%, calculé juridiction par juridiction. Bien qu’elles visent principalement les entreprises multinationales, ces nouvelles règles peuvent également avoir des répercussions sur les structures des fonds d’investissement.
Le deuxième pilier est mis en œuvre au niveau européen par une directive adoptée en décembre 2022 et qui devait être transposée par chaque État membre essentiellement à la fin de l’année dernière.
Le Luxembourg a introduit ces règles dans son droit interne avec la promulgation de la loi du 22 décembre 2023.
Cependant, des ajustements continus peuvent être nécessaires, car le Luxembourg est censé incorporer toute orientation administrative publiée par l’OCDE de temps à autre.
Quels changements ou défis spécifiques prévoyez-vous pour les sociétés internationales opérant et les fonds domiciliés au Luxembourg en réponse aux réformes fiscales du deuxième pilier?
«Les principaux défis auxquels les groupes multinationaux seront confrontés avec le deuxième pilier sont le coût et la charge associés à la mise en conformité. D’une part, la plupart des multinationales ont un taux d’imposition effectif déjà supérieur à 15%.
Le deuxième pilier contient également des règles permettant un taux d’imposition effectif inférieur à 15% dans certaines juridictions, comme la règle d’exclusion des revenus fondée sur la substance, les règles de la sphère de sécurité et les règles spéciales applicables au transport maritime. Cela signifie que, dans de nombreux cas, aucun impôt complémentaire ne sera dû, ou seulement un montant insignifiant.
D’autre part, les règles fiscales internationales contenaient déjà des dispositions ciblant le transfert artificiel de bénéfices vers des juridictions à faible taux d’imposition, comme la déclaration pays par pays (CBCR), qui donne un aperçu des principaux paramètres fiscaux dans toutes les juridictions où un groupe multinational opère.
À mon avis, une utilisation proactive et coordonnée du CBCR par les autorités fiscales afin d’effectuer des contrôles ciblés des prix de transfert aurait conduit à des résultats identiques, voire meilleurs, que ceux du deuxième pilier.
Avec l’introduction du deuxième pilier, quelles sont les implications pour le paysage fiscal luxembourgeois, en termes de compétitivité par rapport à d’autres juridictions, en tant que plaque tournante pour les entreprises multinationales cherchant à établir leur présence en Europe?
«Le deuxième pilier est une réforme globale adoptée au niveau du cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, ce qui signifie que près de 150 pays au total, dont toutes les grandes économies, doivent la mettre en œuvre. Les règles du deuxième pilier devraient être similaires dans tous ces pays, créant ainsi des conditions de concurrence équitables.
Ceci étant dit, le taux d’imposition minimum de 15% devrait également devenir une nouvelle référence. Certains pays porteront leur taux d’imposition sur les sociétés à 15% (comme l’Irlande), tandis que d’autres, qui n’appliquaient pas d’impôt, viennent d’introduire un impôt sur le revenu des sociétés (comme les Émirats arabes unis).
Pour le Luxembourg, l’engagement pris par le nouveau gouvernement de réduire l’impôt sur les sociétés à un niveau plus proche des moyennes de l’OCDE et de l’UE est le bienvenu.
Quelle est, selon vous, l’approche optimale ou votre recommandation aux acteurs de l’industrie pour se préparer aux impacts potentiels des réformes fiscales du deuxième pilier afin de garantir à la fois la conformité et la compétitivité?
«Les entreprises multinationales sont déjà sur la bonne voie depuis un certain temps. Elles ont mis en place des groupes de travail et adaptent leurs systèmes de planification des ressources de l’entreprise. Bien qu’un travail substantiel soit encore nécessaire, elles devraient être prêtes.
Les implications potentielles pour le secteur des fonds sont plus délicates à gérer. L’OCDE a toujours reconnu la nécessité de préserver la neutralité fiscale des fonds, qui ne sont pas, on le comprend, la cible principale du deuxième pilier.
Toutefois, certaines structures de fonds peuvent exceptionnellement être soumises à un impôt complémentaire au titre du deuxième pilier, par exemple dans le cas des comptes gérés. En outre, les exigences en matière de consolidation comptable étant le point de départ du deuxième pilier, un examen critique des obligations en matière de consolidation est essentiel pour les fonds d’investissement alternatifs.»
Cet article est issu de la newsletter Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg, en anglais et en français. . Vous pouvez lire cet article en anglais sur .