Malgré un secteur financier qui contribue à 25% du PIB et la présence de 124 banques, l’économie luxembourgeoise reste déconnectée de la place financière. (Photo: Shutterstock)

Malgré un secteur financier qui contribue à 25% du PIB et la présence de 124 banques, l’économie luxembourgeoise reste déconnectée de la place financière. (Photo: Shutterstock)

Alors que, dans la foulée de la pandémie et de la guerre en Ukraine, l’économie réelle commence à subir des effets de second tour, le secteur financier luxembourgeois reste pour l’instant épargné. Il a même permis à l’économie de se maintenir, mais pourrait afficher des signes de faiblesse.

La Commission européenne a examiné de près la stabilité macroéconomique de chaque État membre. Pour le Luxembourg, elle s’inquiète des conséquences de la pandémie et de la crise géopolitique , particulièrement au niveau du taux de surendettement des ménages, de l’impact du prix de pétrole dans l’inflation et des dépenses des retraites. Concernant le secteur des services financiers du pays, la Commission donne une tout autre note, bien plus positive.

Avant la pandémie de Covid-19, entre 2013 et 2019, le PIB luxembourgeois affichait une croissance moyenne de 2,8% par an. Une bonne reprise post-récession qui s’explique par un redressement du commerce international, entraînant une croissance plus rapide des transactions et tout particulièrement dans le secteur des services financiers.

Avec des activités financières «en constante expansion», l’industrie financière contribue désormais à plus de 25% du PIB luxembourgeois, note la Commission européenne dans son rapport sur la stabilité macroéconomique du pays. Elle pointe même que le secteur des services financiers du pays constitue le principal contributeur au revenu national par personne, soit l’un des plus élevés au monde.

Les institutions bancaires

L’ampleur de l’industrie financière dans l’économie du pays a d’ailleurs permis d’amortir le choc de la pandémie. Les appels à télétravailler à domicile ont été en effet facilité «par la proportion très élevée d’emplois dans les services financiers (…) qui peuvent être exercés à domicile et à l’infrastructure numérique de haute qualité». Avec plus de la moitié des employés travaillant à distance, le gouvernement a ainsi pu contenir les infections de Covid-19, relève le rapport de la Commission.

L’exécutif européen note en outre qu’une action coordonnée au niveau international «est à la base de la bonne performance du secteur financier». Les banques ont par exemple bénéficié d’un soutien financier, notamment via des subventions et des crédits garantis provenant des programmes d’urgence nationaux et des instruments financiers européens.


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Les soutiens reçus par les institutions bancaires ont, dès lors, contribué à stabiliser les conditions des marchés commerciaux et financiers. Par conséquent, tout en s’améliorant en 2021, le produit bancaire luxembourgeois a continué d’attirer davantage d’investissements. Parmi ces investissements, une partie importante de l’épargne accumulée par les ménages pendant les périodes de confinement.

L’industrie des fonds

Bien que la rentabilité des banques se soit affaiblie au cours des dernières années, la Commission met en avant qu’elles ont également continué à afficher des ratios de fonds propres solides.

La Commission n’hésite pas à rappeler que le Luxembourg est un centre financier d’importance mondiale, ses banques ayant 955 milliards d’euros d’actifs, «soit environ 20 fois la taille de l’économie». En revanche, la Commission fait remarquer que «seule une petite partie des institutions financières luxembourgeoises a des directes avec l’économie nationale». Sur les 124 banques enregistrées au Luxembourg, environ sept d’entre elles s’adressent directement aux clients de détail nationaux.


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À son tour, l’industrie des fonds d’investissement a tout particulièrement profité de l’environnement des transactions facilitées au moment de la pandémie. À cet égard, la Commission européenne indique que la valeur des actifs a atteint un record historique en décembre 2021, atteignant 5,9 trillions d’euros. Un chiffre qui a connu une croissance de 17,8% en 2021. De la sorte, la Commission rappelle que le Luxembourg constitue le deuxième plus grand centre d’administration de fonds, après les États-Unis.

Le facteur de l’incertitude

L’expansion dont a témoigné le secteur luxembourgeois des fonds en 2021 a largement bénéficié de la reprise économique, de la hausse des valorisations sur les marchés des actions et d’une «réallocation significative» de l’épargne des ménages et des entreprises vers les fonds d’investissement. L’exécutif européen souligne en outre la capacité de la Place à s’être positionnée «comme l’un des domiciles privilégiés pour les fonds d’investissement durables dans l’UE».

Si le climat des affaires a été porteur pour l’industrie financière luxembourgeoise au cours de la pandémie, la Commission européenne note que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ne devrait avoir qu’une répercussion indirecte sur cette dernière. L’exposition directe du système financier luxembourgeois à la Russie et l’Ukraine, en part totale des actifs, reste «très limitée».

Les bonnes performances du secteur financier de la Place en période de pandémie pourraient par contre rapidement s’estomper au regard de «l’incertitude accrue» quant à la durée de l’invasion russe, l’escalade potentielle des sanctions et des représailles. Plus les degrés de ces facteurs de risques sont élevés, plus la valeur des actifs des fonds pourrait diminuer.

Finalement, la Commission européenne pointe du doigt que le Luxembourg, en tant que place financière internationale, est confronté au «risque inhérent» de blanchiment d’argent. Notant que les réformes au niveau du Registre des bénéficiaires effectifs sont bien engagées, elle soulève le problème de l’amélioration de la supervision des professionnels fournissant . Même si les déclarations de soupçons par ces professionnels ont augmenté, la Commission déplore que «toutes les catégories de professionnels ne déclarent pas en fonction de l’exposition au risque élevé et certaines catégories ne déclarent aucun soupçon». Sûrement de quoi alimenter les discussions en préparation de l’inspection du Luxembourg par le Gafi (Groupe d’action financière) en novembre prochain.