Pour le président de la Fédération des hôpitaux luxembourgeois, Philippe Turk, à l’initiative de la Healthcare Week Luxembourg, l’événement veut créer une plateforme d’échanges au-delà des frontières. (Photo: Sip)

Pour le président de la Fédération des hôpitaux luxembourgeois, Philippe Turk, à l’initiative de la Healthcare Week Luxembourg, l’événement veut créer une plateforme d’échanges au-delà des frontières. (Photo: Sip)

La deuxième édition de la Healthcare Week Luxembourg se tiendra les 1er et 2 octobre à Luxexpo. L’événement, destiné à fédérer l’écosystème de la santé de la Grande Région a aussi vocation à dessiner les grandes lignes de ce que sera la santé demain, tant sur l’aspect médecine pure que sur la prise en charge des patients et le fonctionnement du système de santé. 

Dans la famille des grands salons dédiés à la santé, le Luxembourg veut se faire sa place, au même titre que le Salon Santexpo à Paris, ou le Medica à Düsseldorf. La deuxième édition de la Healthcare Week Luxembourg organisée à l’initiative de la Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL), avec l’appui de l’agence événementielle Quinze Mai, se tiendra ainsi les 1er et 2 octobre à Luxexpo. Au programme: deux jours de conférences et de débats avec des acteurs clés du système de santé de la Grande Région, au sens large. Le point sur cette nouvelle édition avec le président de la Fédération des hôpitaux, Philippe Turk.

La première édition de la Healthcare Week Luxembourg s’était tenue en septembre 2023, qu’en avez-vous retiré? 

Philippe Turk. – «L’initiative en elle-même a été un grand succès. C’était une première de réunir à Luxembourg tous les acteurs du secteur de santé élargi, et pas seulement ceux qui sont en charge des patients. Nous avons accueilli 2.500 visiteurs, et un peu plus de 100 exposants. Et nous avons senti chez les partenaires du monde de l’économie, du monde de la recherche et de l’enseignement qu’ils appréciaient cette initiative. C’est sans doute quelque chose qui manquait. Mais le facteur clé du succès, à mon avis, c’est que nous ne visons pas seulement un événement luxembourgeois, mais un événement à l’échelle de la Grande Région. 

Pourquoi est-il essentiel en matière de santé de penser au-delà des frontières du Luxembourg? 

«Pour confronter les idées des quatre systèmes de santé qui nous environnent, dans lesquels nous vivons. Y compris en matière de recherche, d’innovation et d’enseignement où il y a un potentiel de collaboration absolument impressionnant. D’ailleurs, dans nos conférences et tables rondes, nous ferons intervenir des gens des différents pays environnants. Nous voulons créer un petit laboratoire européen des systèmes de santé, c’est une réflexion commune qui nous semble extrêmement utile. Au sein des systèmes de santé européens, nous avons tous les mêmes défis. Celui des ressources humaines, de l’innovation, des parcours de soins… Donc, je pense que les réponses doivent être apportées de façon commune. C’est pour moi, une des grandes idées derrière la Health Care Week. Nous ne sommes pas dans un ilot isolé. 

Après la première édition, des collaborations concrètes ont-elles vu le jour entre certains acteurs qui ont participé à la Healthcare Week Luxembourg? 

«Notre ambition est avant tout de créer une plateforme d’échanges et de discussion. Après la première édition, plusieurs acteurs de la santé se sont fédérés auprès de la Fedil, ce qui est une bonne chose. Il y a un deuxième élément qui est aussi à souligner, c’est le nouveau cercle des associations de patients, le Capat (Cercle des associations de patients). Car aujourd’hui, la notion de patient-partenaire prend de plus en plus d’importance dans le domaine de la santé. Avec le Capat, nous avons développé un modèle luxembourgeois, pour voir comment faire évoluer cette notion, au-delà des frontières. 

Comme la notion de patient-partenaire, celle de médecine personnalisée prend de l’ampleur. Comment ces thématiques seront-elles abordées pendant l’événement?

«Notre première séance le 1er octobre sera consacrée à la médecine et à l’évolution de l’écosystème vers la médecine personnalisée. Il y a des tas de concepts qui sont liés, et qui vont de l’éthique, jusqu’au mécanisme de financement, etc. Cela remet en cause beaucoup de choses dans le système de santé.


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Quel sera le fil rouge de cette année?

«La médecine du futur, de façon très globale, avec effectivement un accent sur la médecine personnalisée et la notion de création de valeur. C’est le concept de value-based healthcare qui décrit le système de santé non pas comme quelque chose qui coûte de l'argent, mais comme quelque chose qui crée de la valeur. Ce sont des notions qui sous-tendent l’évolution générale des systèmes de santé. Quant à la médecine personnalisée, elle va nous mettre devant des défis énormes, à la fois de technologie, de modalité de financement… Est-ce qu’on pourra se payer tout ça? Est-ce qu’on pourra garder des systèmes de santé solidaires? Il faut aborder cela à la fois sur le plan conceptuel, mais aussi par l’appui des technologies, dans la perspective des patients. Il faut aussi penser à tout ce que cela impliquera en matière d’enseignement et de recherche. D’où l’importance de réunir tous les acteurs pour penser cette médecine du futur. 


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Cette année, la Healthcare Week Luxembourg ne se tient plus sur trois mais sur deux jours. Comment avez-vous conçu la programmation scientifique?

«Nous avons un pour le programme scientifique qui regroupe quelques hospitaliers, mais aussi d’autres acteurs qui vont des instituts de recherche, à l’université, au ministère de l’Économie, Luxinnovation… Tous sont très actifs afin de penser des tables rondes, des conférences. Nous aurons 30% de surface supplémentaire prévue par rapport à l’année dernière, avec un nombre similaire d’exposants. Par contre, nous avons comprimé l’événement sur deux jours parce que pour les exposants, c’était un peu long. Sinon, le modèle reste le même avec toujours une conférence principale sur la main stage, avec les grands orateurs et les tables rondes. Il y a aussi une agora où l’on fait des présentations au niveau de la Fédération des hôpitaux. Lors de la première soirée, un diner de gala sera organisé, avec la remise des dont l’objectif est de donner de la visibilité aux gens qui entreprennent, qui travaillent à l’amélioration des systèmes, dans trois catégories: innovation in hospital management, recherche médicale, et start-up. 

Il y a des tas de progrès à faire dans de nombreux domaines. Le milieu hospitalier et le milieu médical et soignant sont prêts. 
Philippe Turk

Philippe Turkprésidentprésident de la 

Comment percevez-vous l’arrivée de l’IA dans le monde de la santé?

«L’IA apporte une vague monstrueuse d’innovation dans la santé comme dans tout le reste. Et il va falloir comprendre ce qui se passe et trier dans cette vague ce qui est utile et nécessaire pour avancer. Elle va jouer un rôle dans tous les segments: la recherche, l’enseignement, la prise en charge des patients. Elle est d’ailleurs déjà présente dans l’organisation de l’hôpital, dans l’imagerie médicale. Mais je pense que nous allons connaître une accélération spectaculaire, que ce soit dans la gestion des ressources humaines à l’hôpital, la recherche en biotech, le diagnostic des maladies, et dans la création de nouveaux médicaments.

Où en est le Luxembourg par rapport à d’autres pays sur les innovations en santé?

«C’est justement un des challenges du système. Nous avons eu jusque-là assez peu d’interactions entre la recherche et la pratique clinique. Il y en a toujours eu et les centres hospitaliers ont une assez longue expérience la matière. Mais c’est un élément qu’il faut absolument approfondir. Les hôpitaux sont prêts à le faire, mais il faut définir des politiques de support. Par rapport à l’étranger, nous avons une pratique de recherche et d’enseignement moins complète. Au Luxembourg, les études de médecine n’existent que depuis quelques années et elles sont encore incomplètes. Donc il y a des tas de progrès à faire dans de nombreux domaines. Le milieu hospitalier et le milieu médical et soignant sont prêts. 


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Qu’est-ce qui pourrait freiner le développement du système de santé luxembourgeois dans ce sens? 

«Il y a un problème de ressources humaines et de vocation dans toute l’Europe. Et les réponses ne peuvent pas être uniquement locales. Il faut aussi faire évoluer les pratiques et les méthodes de travail. Une autre question que notre société doit se poser, c’est quelle est la part de notre richesse que nous sommes prêts à dépenser pour le système de santé, car il ne va pas devenir moins cher dans les années à venir. Si on veut garder un système basé sur une solidarité et un accès universel, il faut vraiment réfléchir à le rendre plus efficace, et pouvoir financer des innovations thérapeutiques dont les malades vont profiter en premier lieu. Il y a beaucoup de réflexions systémiques à faire. Nous estimons que le système de santé luxembourgeois est en partie sous-financé. 

Un autre enjeu fort de la «santé du futur» est la gestion des données. Où en est-on sur ce point?

«C’est là un enjeu énorme. Au Luxembourg, je pense que nous avons maintenant une bonne approche. Nous sommes encore dans une phase de ‘capacity building’. Nous avons créé le Luxembourg National Data Service (LNDS) qui se porte garant à la fois de la qualité légale et éthique des données et je pense que là, le gouvernement a pris de bonnes options pour avancer dans ce sens.»