La puissance potentielle de production du photovoltaïque a connu une forte hausse ces dernières années, mais la croissance de la production effective reste pour le moment nettement en deçà de ce qui serait nécessaire pour avoir une production locale conséquente et 100% renouvelable. (Photo: ArcelorMittal)

La puissance potentielle de production du photovoltaïque a connu une forte hausse ces dernières années, mais la croissance de la production effective reste pour le moment nettement en deçà de ce qui serait nécessaire pour avoir une production locale conséquente et 100% renouvelable. (Photo: ArcelorMittal)

Portée par une forte croissance, l’énergie photovoltaïque représente désormais près de la moitié du potentiel de production d’électricité du pays. Le rythme de croissance de la production effective reste toutefois trop faible pour offrir un véritable horizon décarboné à un pays qui importe plus de 80% de son électricité.

Au 31 décembre 2021, le photovoltaïque représentait presque la moitié (46,8%) de la puissance de production électrique du pays (277 MW de puissance installée sur 592 MW au total), selon les chiffres de l’ILR. La conséquence d’une accélération substantielle de cette source d’énergie lors de ces trois dernières années: + 29 MW en 2019, + 27 MW l’année suivante et même +90 MW en 2021.

Pour autant, le Luxembourg n’est pas encore exemplaire en la matière. Cette bonne dynamique ne doit en effet pas cacher le retard pris vis-à-vis de ses voisins européens. En 2020, la puissance installée du photovoltaïque représentait 0,295 KW par habitant dans le pays, selon les chiffres d’Eurostat, soit moins que la moyenne européenne (0,310 KW/habitant), et bien au-dessous de ses voisins belges (0,482 KW/habitant), néerlandais (0,627 KW/habitant) et allemands (0,646 KW/habitant). La France, dont la politique énergétique est axée sur le nucléaire, est pour sa part nettement à la traîne (0,178 KW/habitant).

Seulement 14,8% de la production effective

Surtout, la hausse de la puissance potentielle de production des centrales photovoltaïques reste à relativiser si on la compare à leur production effective: en 2021, le solaire représente donc près de la moitié de la puissance installée, mais seulement 14,8% de la production injectée dans le réseau sur la même année (179 GWh sur 1.209 GWh au total, selon l’ILR).

Cette divergence entre puissance potentielle et production effective s’explique par le caractère intermittent de l’énergie solaire, qui produit moins durant des heures ou des saisons de moindre ensoleillement, et pas du tout pendant la nuit. «En général, les heures “pleine charge” sur une année (8.760 heures) sont les plus faibles pour le photovoltaïque en comparaison avec les autres sources d’énergies renouvelables», explique ainsi le ministère de l’Énergie. Ces heures “pleine charge” sont ainsi comprises entre 900 et 1.000 heures par an pour le solaire, contre le double pour l’éolien, voire 5.000 à 6.000 heures pour les centrales à biomasse, qui peuvent presque produire en continu.

Perte de productivité des panneaux

La date d’entrée en service des centrales est aussi à considérer: elle peut provoquer un effet de décalage au niveau des statistiques. Ainsi, «en 2021, pour les 90 MW de photovoltaïque nouvellement installés, un tiers a été mis en service durant le dernier trimestre», explique le ministère. «Ils ont donc opéré pendant seulement trois mois en 2021, qui plus est des mois avec peu de soleil. Le plein impact des 90 MW installés en 2021 sera – au niveau de la production – seulement visible en 2022.»

Un autre argument est avancé par le directeur de l’association Eurosolar, Paul Zens: la perte de productivité des panneaux. «Un panneau perd environ 1% de sa productivité par an», explique-t-il. Pas de quoi remettre en cause le bon fonctionnement d’un panneau sur 20 ou 30 ans, précise Paul Zens, mais cela peut contribuer à ce que la production devienne avec le temps plus faible au regard de la puissance installée.

Il est cependant indéniable que la production a, dans l’absolu, été revue à la hausse ces derniers temps. Avec une illustration l’été dernier: soutenue par un très fort ensoleillement, la production des centrales a atteint 40,1 GWh en juillet 2022, un record. Mais cette hausse de la production effective n’est pas aussi spectaculaire que la hausse du potentiel de production.

Diminuer sa dépendance à l’importation

Cela suffira-t-il pour que le Luxembourg atteigne ces objectifs de décarbonation? Paul Zens espère une croissance «exponentielle» du photovoltaïque pour les prochaines années, mais admet que, pour l’instant, le pays est loin du compte. De fait, si la production d’électricité du pays est à plus de 82% renouvelable, reste que le Luxembourg importe 81,5% de son électricité, principalement d’Allemagne, où la production d’électricité demeure très carbonée.

Une partie de l’enjeu est donc de diminuer la dépendance du pays vis-à-vis de ses voisins, en augmentant la part de production renouvelable locale. L’association Eurosolar ne s’y est pas trompée lorsqu’elle a présenté en juin dernier trois scénarios pour atteindre 100% d’énergie renouvelable d’ici 2030: le premier, très ambitieux, et même utopique, avec une production complète au Luxembourg, le second avec 50% d’importation et le troisième avec deux tiers d’importation.

Loin des 145 GWh en plus par an

Le Luxembourg se dirige plus surement vers le troisième scénario: l’ambition du gouvernement est de réduire les importations d’électricité à 60% d’ici 2040, et – objectif intermédiaire – à 71% en 2030. Dans un tel cas de figure, pour répondre aux besoins du pays, Eurosolar évalue qu’il faudrait 145 GWh d’énergie solaire supplémentaires par an (auquel il faudrait ajouter 107 GWh d’énergie éolienne), soit 0,9 km2 de surface solaire en plus chaque année.

Or, au rythme actuel, et malgré une production clairement à la hausse, le Luxembourg reste effectivement loin du compte: +11 GWh par an en 2018 et 2019, +30 en 2020, +19 en 2021… Loin des 145 GWh annuels. Reste effectivement à espérer que le rythme de croissance du photovoltaïque atteigne un niveau exponentiel ces prochaines années.

Cet article a été rédigé pour la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité en matière d’environnement, de climat, de mobilité, de RSE et de green finance.