La remontée des taux d’intérêt déstabilise les marchés cotés. Les actions ont reculé peu ou prou de 20%, tandis que sur le marché obligataire, on constate des baisses de près de 15%. «Pendant ce temps, la performance des marchés privés reste positive», constate Willian Guilloux, Partner et Head of Investment Team chez Cedrus & Partners.
Pour lui, à la question récurrente de savoir si une forte hausse des taux va amener une explosion de la bulle des marchés privés, il répond «non». «Ce que l’on observe, c’est que si nos clients – de gros institutionnels et des investisseurs de long terme – procèdent à des arbitrages dans leurs portefeuilles, c’est des actions vers le fixed income. Pour ce qui est des marchés privés, les investisseurs institutionnels restent en phase d’attente, mais ne sont pas sortants».
Ce qu’il regarde aussi avec attention, ce sont les sorties. «L’industrie des marchés privés fonctionne sur un modèle de réinvestissement permanent. Chaque fois qu’une sortie s’opère, on réinvestit ailleurs. La crainte des General Partners (GP) c’est de se dire que si la sortie se grippe, le marché de la levée d’actifs va se gripper. Ce qui pourrait provoquer un trou d’air.»
Un outil de diversification qui fait sens
En attendant, il estime que les marchés privés restent un outil de diversification «puissant» pour les investisseurs. «Cela a du sens d’en avoir. Plus même qu’avant cette crise parce que l’on voit que cela offre une forme de résilience temporelle et qu’au niveau du risque, ces actifs sont moins exposés au bêta du marché. Leur risque est un risque spécifique, lié à une industrie particulière qui, par définition, est mieux maîtrisé par les gérants.» Et si William Guilloux s’attend à un dégonflement des valorisations, celui-ci sera limité.
Même s’il reconnaît que le marché privé n’a encore jamais été testé. «Ces 10 dernières années, nous avons eu énormément de vent dans le dos avec des performances positives pour tout le monde. Les taux étaient bas et l’argent bon marché. C’était dur de distinguer celui qui était bon de celui qui était très bon.» De fait, ces 20 dernières années, on a constaté une inflation des multiples au fur et à mesure que les taux ont baissé et donc des niveaux de performances très élevés pour les marchés privés face aux marchés cotés. «Quelles que soient la région et la période, les marchés privés ont surperformé les marchés cotés. Sur les 10 dernières années, le rendement annualisé du S&P 500, est de 15% et celui de l’Eurostoxx 50 de 8% alors que les marchés privés délivraient 18% net.»
Vers une baisse des rendements
Il s’attend désormais à une baisse du rendement des marchés privés dont il voit la performance t’orner autour de 10%, loin devant les actions. «Moins exubérant, le marché restera cependant résistant.»
À ses clients, il conseille de revoir leurs attentes de rendement à la baisse, d’être encore plus sélectif «dans un monde où le coût de l’argent augmente» et de diversifier les sources de primes. Et il recommande de se pencher sur les marchés privés secondaires – «une stratégie contra-cyclique» – et sur les infrastructures – «des investissements de croissance à long terme avec un bon positionnement face à l’inflation».