(Article actualisé vendredi soir avec le communiqué du Parquet).
La mécanique est d’une triste banalité dans le monde des cryptos: d’un côté, une société qui promet des rendements astronomiques, soit en mettant sur le marché des «tokens» dont le prix varie en fonction de la communauté qu’elle parvient à exciter par l’appât du gain, soit en se présentant comme des traders reconnus, capables de générer ces profits même quand le cours de ces monnaies est aussi plat que la Belgique; de l’autre, des internautes qui rêvent de devenir riches, vite et sans effort.
Ce jeudi, après les révélations de nos confrères du Land, fin janvier, le parquet reconnaît qu’une instruction est ouverte dans le dossier «C4Winners» pour escroquerie et blanchiment, que des perquisitions ont été menées et que deux personnes ont été arrêtées et placées sous mandat de dépot. Rappelons que comme tout sujet judiciaire, les intéressés sont présumés innocents jusqu’à une condamnation définitive.
Dans ce cas, la plateforme promet à des internautes qui déposeraient leurs assets des rendements phénoménaux alors que le cours du bitcoin n’a pris l’ascenseur vers les 100.000 dollars que depuis que la SEC a autorisé certains ETF en bitcoin.
Comment fonctionne son concept? 50% des fonds des internautes sont utilisés pour «trader» et 50% sont détenus à long terme. Difficile, lorsque le cours de ces cryptoassets est plat, de générer des bénéfices, sur lesquels la société prend 20% selon les conditions d’utilisation. D’où des soupçons que seuls les nouveaux clients auraient permis à ceux qui opèrent la plateforme de reverser des bénéfices aux plus vieux clients, ce que l’on qualifie généralement de schéma de Ponzi.
Selon les termes d’utilisation, la plateforme est développée par une société suédoise, C4Wave Capital K.B., qui aurait une licence suédoise pour opérer. «La société dont vous parlez n’a aucune licence dans notre registre» répond l’équivalent suédois de la CSSF ce vendredi matin.
Même s’il s’en défendait dans le Land, Adrien Castellani a bien lancé un peu de promotion de cette plateforme, en 2022, . Le trentenaire messin, selon le registre du commerce, serait derrière les sociétés C4W Management (qui a au Luxembourg un agrément de gestionnaire de fonds alternatif) et C4W Digital Assets et dirige le fonds Crypto4Wealth.
Spécialisée dans la traque des arnaques dans cet univers, la fintech luxembourgeoise Scorechain a publié un billet de blog, ce mercredi 13 mars. Selon ce billet, le montant de l’arnaque pourrait aller jusqu’à 100 millions d’euros, et lèserait 4.000 clients. Contactée, elle explique être tombée un peu par hasard, sur des forums de discussion sur les interrogations des internautes.
Elle a identifié quatre portefeuilles principaux par lesquels «C4W acheminait les fonds principalement vers des bourses majeures telles que Binance, Kraken, Crypto.com et Coinbase, obscurcissant ainsi la traçabilité des actifs».
À la suite du papier du Land, le 19 janvier, la fintech dit avoir remarqué une série de transactions de 150.000 à 300.000 euros, qui semblent indiquer que ceux qui les ont passées se sont débarrassés de leurs assets virtuels pour récupérer du cash ou pour rendre leurs assets plus difficiles à identifier en passant par des mélangeurs.
Plus difficile mais pas impossible. La start-up luxembourgeoise se dit capable de tracer les mouvements jusqu’à au moins 100 rebonds. Imaginez que vous vendiez un vase à la sauvette, à quelqu’un qui le revendrait dans la foulée et ainsi de suite: Scorechain serait capable de retrouver un à un les 100 premiers vendeurs pour savoir où sont passés les fonds qui ont servi à ces transactions.