La pénurie de matériaux pourrait mettre des chantiers à l’arrêt au Luxembourg si les stocks ne se remplissent pas. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La pénurie de matériaux pourrait mettre des chantiers à l’arrêt au Luxembourg si les stocks ne se remplissent pas. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Du bois à l’acier, l’offre en matériaux de construction a du mal à suivre la demande mondiale. Conséquence, des prix qui explosent et peu de visibilité pour les sociétés, qui s’inquiètent de retards et suspensions de chantiers.

Prix en hausse, retards de livraison… Les matériaux de construction se font rares depuis déjà plusieurs semaines, au Luxembourg comme chez ses voisins. Si bien que le Comité de conjoncture a décidé aux entreprises concernées.

D’où vient cette pénurie? «Il y a plusieurs explications», avance , secrétaire général du Groupement des entrepreneurs, qui représente les entreprises de la construction. Pour le bois, il pointe du doigt les taxes mises en place fin 2017 par Donald Trump sur les importations canadiennes, qui pousseraient les entreprises américaines à se fournir… en Europe.

USA et Chine font bondir la demande en bois, acier et cuivre

«C’est le principe de l’offre et de la demande, qui fait augmenter les prix.» Et justement, les marchés américains, en plus des chinois, auraient repris plus vite qu’en Europe. Faisant bondir la demande mondiale en bois, mais aussi en acier ou en cuivre. De même pour le pétrole servant à fabriquer le plastique de certains tuyaux. Vient ensuite «l’effet boule de neige» sur l’ensemble du chantier: «sans tuyau, l’électricien ne peut pas mettre son câble», illustre-t-il.

Il parle d’une hausse des prix de 70% pour l’acier, de 20% pour le cuivre et de 40% pour le plastique. Ce qui pose problème aux entreprises ayant signé des contrats à prix fixes avec leurs clients.

La crise touche particulièrement les chantiers dans «le parachèvement, tout ce qui est toiture, pose de tuyaux», cite-t-il. «Il est évident que les retards vont se réduire avec le temps.» Mais quand? «Impossible de le dire, c’est le grand problème.»

Des stocks qui diminuent

Chez Prefalux, spécialisée dans la construction bois, «nous utilisons les matériaux commandés il y a plusieurs semaines et pour lesquels les livraisons ont été confirmées par les fabricants», témoigne Christian Nilles, directeur général. «C’est pour les projets qui devront démarrer d’ici deux mois que nous recevons des retours très inquiétants de nos fournisseurs bois sur la disponibilité et les délais de livraison très importants», précise-t-il.

Certains produits sont d’ailleurs déjà en rupture de stock, «comme les panneaux de construction, pour lesquels il faut dès maintenant réserver des contingents pour être sûr d’avoir du matériel en automne. S’approvisionner à court terme, pour répondre par exemple à une demande complémentaire d’un projet en cours, est devenu impossible, les stocks des revendeurs sont vides.» De même, «pour tous les matériaux de construction à base de pétrole (membranes d’étanchéité, isolants, silicone…) et métalliques (matériel de fixation, sous-construction), les délais d’approvisionnement se sont rallongés de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois». Il craint, à court terme, de «devoir arrêter des chantiers».

L’entreprise Kuhn Construction peut elle aussi compter sur son stock. «Mais nous ne savons pas pour combien de temps», s’inquiète , administrateur délégué de la société. «Si la situation continue, je ne sais pas quand nous pourrons de nouveau avoir le matériel dont nous avons besoin. Nos fournisseurs n’ont pas de délais de livraison de la part de leurs propres fournisseurs.» 

Situation similaire pour l’entreprise Félix Giorgetti. «Pour le moment, nous arrivons à nous approvisionner. Mais personne ne sait nous donner de précisions sur les délais», indique son gérant, . Qui espère ne pas avoir besoin du chômage partiel.

Retards de trois à quatre mois

La pénurie ne concerne pas seulement les entreprises de construction. À la Menuiserie Reckinger, «nous avons des problèmes pour recevoir différents matériaux, surtout le bois et la quincaillerie», raconte le «junior chef» de l’entreprise familiale, Jos Reckinger. Conséquence: des retards de trois à quatre mois pour certains chantiers, pour la restauration (sol, portes, plafonds) de certaines maisons, par exemple. Pas de quoi bloquer ses 14 salariés, qui ne bénéficient pour le moment pas du chômage partiel.

Le menuisier fabrique portes, escaliers et meubles, avec du bois importé principalement «du nord de l’Europe, de Norvège, Suède, ou parfois d’Allemagne». Dont le prix a augmenté de 30%, faisant par exemple passer le prix au m3 de son hêtre à 900 euros. Pour la quincaillerie, on est à «+5 à 15%».

Les doléances du secteur

Pour mesurer l’ampleur de la situation, la Chambre des métiers a questionné les entreprises de la construction. 29% d’entre elles se disent touchées par la hausse des coûts de l’acier, 27% pour le bois, 22% pour les matières d’isolation, et 21% pour d’autres matériaux, détaille son directeur, Tom Wirion.

La Chambre et le Groupement des entrepreneurs attendent maintenant un retour du gouvernement quant à leur demande de rallongement des délais pour les travaux publics, afin d’éviter des pénalités de retard aux entreprises. Ces dernières peuvent aller jusqu’à 20% du total de l’offre. Un courrier a été envoyé au ministre des Travaux publics.

Les deux organisations souhaitent également que l’adaptation des prix pour les marchés publics se fasse par acomptes, et non à la fin du chantier. Pour les clients particuliers, «il faudra trouver un terrain d’entente», estime .