«Au Luxembourg, en 2022, 76% des entreprises comptant au moins cinq salariés ont déclaré éprouver des difficultés à recruter du personnel.» C’est sur ce chiffre marquant que s’ouvre l’étude du Luxembourg institute of socio-economic research (Liser) sur le lien entre les conditions de travail et le manque de main-d’œuvre dans les métiers ne nécessitant pas de diplôme universitaire. Et le manque de candidats est la raison invoquée par «72% des entreprises ayant des difficultés à recruter sur des postes non qualifiés.» Alors, pourquoi ce type de profession à du mal à attirer les demandeurs d’emploi?
Dans le policy brief du Liser, mené dans le cadre d’un projet Lowskin de partenariat public-privé soutenu par le Fonds national de la recherche, en collaboration avec un portail de recherche d’emploi sans CV et l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem), l’institut identifie cinq «groupes de professions ne nécessitant pas un diplôme universitaire» qui «sont confrontés à une pénurie de main-d’œuvre». Il s’agit:
– des métiers qualifiés du bâtiment et assimilés, sauf électriciens;
– des métiers qualifiés de la métallurgie, de la construction mécanique;
– des métiers qualifiés de l’artisanat et de l’imprimerie;
– des métiers de l’électricité et de l’électrotechnique;
– et des ouvriers de l’assemblage.
Les conditions salariales hors de cause
Assez logiquement, la première condition à laquelle on pense est le salaire. Le Liser a ainsi étudié «les données de l’enquête sur la structure des salaires dont la dernière vague disponible date de 2018» (qui concerne les résidents et les frontaliers), pour les professions en pénurie mentionnées ci-dessus. Il les compare avec les mêmes données pour les professions qui en sont proches dans la classification internationale des métiers (Isco), mais qui, elles, ne sont pas en pénurie.
Il constate d’abord que le salaire horaire brut est assez identique dans ces deux groupes. Puis, que «le niveau de salaire est moins dépendant des heures supplémentaires et des heures postées» et que «le poids que représentent les primes et indemnités annuelles dans la rémunération annuelle est en moyenne légèrement plus faible» dans les professions en pénurie étudiées. Il tire donc la conclusion suivante: «Les conditions salariales dans les groupes de professions en pénurie ne sont pas moins attractives que celles des métiers proches qui ne sont pas en pénurie».
Tout se joue sur la qualité de l’emploi
Une fois la question du niveau de salaire écartée, le Liser se penche sur plusieurs facettes de la qualité de l’emploi: satisfaction vis-à-vis du salaire, sécurité au travail, sûreté de l’emploi, dialogue social, autonomie au travail, climat de travail, formation et conciliation vie privée - vie professionnelle. Pour ce faire, il se base sur les données pour la Grande Région, «les effectifs pour le Luxembourg ne permettant pas de réaliser une analyse par métier».
Les employés des professions identifiées en pénurie sont 47% «à considérer être payés de façon appropriée compte tenu de leurs efforts et du travail réalisé», contre 62% pour les autres. Ils sont également «confrontés à un plus grand nombre de risques de sécurité au travail» (2,4 risques contre 1,7 pour ceux travaillant dans les professions non identifiées en pénurie).
Même constat pour la sûreté de l’emploi, le climat de travail, la formation, la conciliation entre vie professionnelle et vie privée: les employés des professions faisant face à une pénurie de main-d’œuvre sont moins bien lotis que ceux des professions qui ne subissent pas de pénurie. L’institut ne note pas de différence en ce qui concerne le dialogue social ni l’autonomie.
Qualifiant son travail «d’analyse exploratoire», le Liser conclut que «les difficultés de recrutement des entreprises au Luxembourg sont en partie dues à une pénurie de main-d’œuvre». Mais précise que «disposer de données permettant une analyse plus fine des conditions de travail par métier au Luxembourg, et non par groupe de métiers, permettrait de mener une analyse plus précise du rôle joué par les conditions de travail dans l’explication de la pénurie de main-d’œuvre dans les professions ne nécessitant pas de diplôme universitaire.»