Le Luxembourg fait face à une pénurie de main-d’œuvre importante (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne / Archives)

Le Luxembourg fait face à une pénurie de main-d’œuvre importante (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne / Archives)

Le Luxembourg peut-il s’offrir de réduire le temps de travail dans un contexte économique compliqué où la pénurie de main d’oeuvre devient de plus en plus criante surtout dans la Grande Région? Les réponses divergent, comme l’a souligné vendredi soir une table ronde à l’invitation de la plateforme associative PiiLux-Asbl au centre culturel de Cessange. 

L’idée mise sur la table depuis des mois par le LSAP de réduire le temps de travail à 38 heures par semaine et d’ajouter une sixième semaine de congés payés est peut-être séduisante mais est-elle finançable par des entreprises qui ont dû encaisser l’inflation et la triple indexation? Tout est question de point de vue et les orateurs présents pour la table ronde organisée ce vendredi par la Plateforme immigration et intégration Luxembourg (PiiLux) – le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire  (LSAP), la présidente de l’OGBL et de la Chambre des salariés , l’économiste en chef de l’Union des entreprises luxembourgeoises Nicolas Simons et la chercheuse au sein du département marché du travail du Liser, Ludivine Martin) – l’ont rappelé.

«Nous vivons dans un monde du travail en changement permanent, depuis toujours» entame le ministre du Travail. Il précise que «la nouveauté, c’est la rapidité de ce changement». Pour s’y adapter, il faut «offrir à tous une formation de base» sur laquelle pourront se fonder «d’autres compétences» dans le futur. «Il est aussi important de pouvoir évoluer» dans« le domaine pour lequel «on a étudié», poursuit Georges Engel. Il conclut en rappelant que «la formation continue est un investissement dans l’entreprise qui n’est pas à négliger».

Un droit à la formation professionnelle

À ce propos, Nora Back acquiesce mais précise qu’«il manque une droit pour que chaque employé puisse avoir accès à la formation professionnelle continue». Elle explique que les seuls à profiter d’un accès facile à la formation sont «les gens qualifiés et les jeunes». Si «nous avons une assez bonne éducation au Luxembourg, il y a beaucoup de progrès à faire encore» déplore la présidente de l’OGBL.

Nicolas Simons est plutôt d’accord sur ce point et met en avant le fait qu’«orienter les formations vers des compétences scientifiques, techniques et mathématiques» permettra d’arriver à «la transition de demain». En ce qui concerne l’éducation, Ludivine Martin pointe du doigt le fait que «les universités ne regardent pas vraiment les statistiques» alors qu’il faudrait «connaître les compétences cherchées sur le marché» pour former plus justement la main-d’œuvre du futur. 

Le ministre met en avant la «situation très spéciale du marché du travail au Luxembourg composé de 50% de frontaliers». Toujours est-il que l’attractivité des entreprises n’est pas toujours au rendez-vous. Georges Engel s’appuie alors sur ses discussions avec «des chasseurs de tête» ayant déterminés les critères pour qu’une entreprise soit attractive. Parmi ces critères, l’assurance que «le salarié puisse se réaliser lui-même», qu’il ait «perspectives d’évolution», des «conditions de vie attractives» et «une vie épanouie». Le ministre ajoute à cela le «temps de travail».

Productivité et attractivité, mamelles du développement

Nora Back est d’accord et dit qu’il faudrait rejoindre «les autres pays», où «gain de productivité» et «bien-être des salariés» ne se contredisent pas depuis la réduction du temps de travail. M. Simons sourcille à cette allégation et ne voit pas comment «si on diminue le temps de travail, on compte réduire la pénurie». Il fustige aussi les appels à augmenter les salaires car «encore faut-il en avoir le pouvoir de le faire». S’il n’y a pas de gain de productivité, «il n’y a pas de hausse de salaire», conclue-t-il. 

Au ministre de répondre à l’économiste que «pour rester attractif dans notre pays, le progrès social a toujours été un facteur» déterminant. «La réduction du temps de travail», en fait partie, clame-t-il. 

«Le prochain gouvernement», peu importe sa composition, «devra faire quelque chose pour le logement» explique George Engel. «On n’a plus les moyens de passer à côté». Il prend l’exemple de la ville de Vienne dont «40% du marché locatif est dans la main d’une entreprise publique». M. Engel espère qu’on «puisse arriver à un taux d’au moins 25%» à Luxembourg.

Nora Back, de son côté, pointe du doigt le fait que la «fin de l’emploi transfrontalier» serait la «fin de l’économie luxembourgeoise». De même, «tous les résidents pourraient devenir des frontaliers» au vue de la «spirale infernale» que représente la crise du logement.

Télétravail, digital nomades et bureaux satellites

Elle interpelle alors Nicolas Simons et l’UEL en demandant «pourquoi les employeurs n’essaient pas d’aller dans le même sens?». Elle fait là référence à «cette majorité qui possède le gros des terrains», «ceux qui s’enrichissent sur le dos des autres». «Je ne peux pas comprendre», s’attriste la présidente de l’OGBL. Nora Back hausse alors le ton et exige de «les faire payer, payer cher avec un impôt qui fasse mal». Au nom de l’UEL, Nicolas Simons nie représenter «les défenseurs des grands propriétaires». Il se dit favorable à une taxe foncière mais en faisant attention de «ne pas faire fuir les investisseurs». 

La chercheuse, quant à elle,  se concentre sur les conditions de travail pour continuer d’attirer les frontaliers. «Il faudrait améliorer l’accès» au lieu de travail et réduire les temps de trajet. Elle met ainsi en avant le télétravail et des «nouveaux phénomènes» comme les «digital nomades» ou les «bureaux satellites» qui sont autant de manières de rendre le travail plus attractif.